Le juriste français peut s’exporter

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redaction actePoint de vue de Marc Bartel, Managing partner Heidrick & Struggles à Paris.

Nous avons tous constaté au quotidien l’accélération de l’internationalisation du commerce. Aujourd’hui rares sont les sociétés et professions qui considèrent leur marché potentiel comme un simple marché domestique. Cette internationalisation des activités se décline dès lors aussi au niveau des talents.

La conquête de nouveaux marchés requiert des compétences et donc des talents adaptés à ces défis. Certes, un certain savoir est adaptable et peut s’apprendre dans l’action mais la réalité de l’immédiate exigence d’être connaissant et expert engendre souvent l’acquisition de talents idoines et adaptés. Au-delà des connaissances techniques, le critère fondamental est une expérience internationale, celle-ci démontrant que le professionnel a intégré les défis, certains inconnus ou méconnus, que vont poser ces nouveau marchés au niveau technique mais surtout au niveau humain et culturel. Un même résultat ne pourra pas être obtenu suite à une même démarche.
Comprendre les règles non dites et savoir s’adapter devient une compétence essentielle de réussite.

Le défi s’impose aussi aux juristes dont l’employeur accélère son déploiement à l’international soit par acquisition, jointventure ou par directe pénétration du nouveau marché. Il est aujourd’hui courant d’entendre un dirigeant indiquer qu’à court terme plus de la moitié des activités de son entreprise seront hors de France sur de marchés émergeants et ciblées malheureusement par les concurrents étrangers.
Dès lors le juriste doit être capable de contribuer à la mise en musique de cette évidence stratégique qui, néanmoins pour certains, reste une quasi nouveauté ou défi.
Un des piliers pour accompagner son employeur à l’international reste la maîtrise de la langue anglaise et de ses subtilités.

Cette compétence clef reste trop souvent un point faible du juriste latin par rapport à nos amis juristes du nord de l’Europe. De plus, j’ai malheureusement constaté que parfois le juriste latin n’avait pas conscience que son niveau était moyen car il s’évaluait dans son environnement et ne pensait pas que pour un poste international ses "concurrents" seraient souvent d’un niveau bien supérieur. Croire que parce que l’un parle ou rédige au quotidien en anglais n’est pas suffisant. Il faut constamment faire l’effort de se remettre en question, donc d’apprendre et de retravailler son écrit et s’exercer à l’oral grâce à des cours idéalement.
Ne pas hésiter aussi à faire relire une rédaction par un anglophone.

L’autre défi souvent mentionné serait la connaissance de la Common Law. En fait cet obstacle est peut-être moins rigoureux du point de vue théorique. Le point fondamental sur cette question de Common Law réside dans l’ouverture d’esprit et le coté commercial que sa pratique a pu développer chez le juriste. En effet, le juriste doit aujourd’hui plus qu’hier utiliser le droit comme d’autres utilisent le chiffre pour assurer le développement des activités commerciales de son employeur.
Il doit prendre une position ferme et précise mais surtout constructive permettant la continuité de l’activité.

Cette compétence est essentielle pour travailler à l’international et concurrencer nos amis anglo-saxons pour des postes de juristes. La meilleure façon d’acquérir ce savoir et donc cette compétence passe par un passage à l’étranger le plus tôt possible dans une carrière. Il ne faut certes jamais généraliser mais ceux qui n’offrent qu’un bon niveau d’anglais, une culture juridique trop latine et un faible sens de la commercialité du droit ne pourront guère espérer des postes à grande responsabilité à l’étranger si ce n’est qu’au sein de leur entreprise par une mobilité interne.

Néanmoins les sociétés cherchent à intégrer des talents de cultures différentes dans leurs équipes pour internationaliser leurs compétences. Le juriste français avec sa formation rigoureuse, sa culture ouverte sur le monde et la qualité de son vécu en entreprises doit prétendre à s’exporter et à accéder aux fonctions dirigeantes dans de nombreuses sociétés internationales.

Marc Bartel, managing partner Heidrick & Struggles ParisMarc Bartel, managing partner Heidrick & Struggles Paris

Bio Express
Marc Bartel est Managing partner au bureau parisien d’Heidrick & Struggles, cabinet de conseil en recrutement de dirigeants. Il est diplômé de droit des affaires et de droit comparé de l’université de Lyon-III, titulaire d’un LLM de l’université de New York et d’un MBA du MIT Sloan School of Management, a d’abord exercé en tant qu’avocat d’affaires. Il devient en 1995 secrétaire général de l’Alliance of European Lawyers avant d’intégrer en 1998 Hildebrandt International.
En 1999, il rejoint Londres où il devient directeur général adjoint de Linklaters, puis directeur des opérations et du développement international de Hogan Lovells en 2001. Il est partner chez Heidrick & Struggles depuis 2007 et responsable des practices fonctionnelles en Europe depuis 2012, fonctions qu’il conserve.

 


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