Nouvel épisode de la saga "Laguiole"

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redactionMarina Cousté, Romain Viret et Sarah Madi, Avocats à la Cour. Reed Smith, Paris, Département Propriété intellectuelle commentent l'arrêt "Laguiole" de la CJUE du 5 avril 2017.

Le terme « LAGUIOLE », qui désigne une commune française connue mondialement pour la fabrication de couteaux haut-de-gamme, fait l’objet d’une véritable saga judiciaire en France et en Europe.

En effet, les couteliers de Laguiole ont entrepris depuis plusieurs années des actions pour la préservation et la défense de leur savoir-faire et du nom « LAGUIOLE » à l’encontre de tiers qui ont souhaité s’approprier ce terme, en le déposant à titre de marque tant en France qu’en Europe.

Si la récente décision « LAGUIOLE » rendue par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) le 5 avril dernier a mis un terme à la bataille judiciaire menée au niveau européen (I), le combat engagé par les couteliers continue en France (II).

I. La fin de la bataille menée au niveau européen contre l’appropriation du terme « LAGUIOLE »

   A- L’objet de la décision de la CJUE du 5 avril 2017

Un tiers dénommé M. SZAJNER avait déposé en 2001 une marque de l’Union européenne « LAGUIOLE » pour désigner de nombreux produits et services et notamment des couteaux. Sur le fondement de cette marque, il avait ainsi sollicité le paiement de redevances par les couteliers de Laguiole en contrepartie de l’usage de ce terme, alors même qu’ils l’exploitent depuis de nombreuses années.

La société FORGE DE LAGUIOLE SARL, qui avait relancé en 1987 l’activité de coutellerie à Laguiole, avait donc saisi l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), notamment sur le fondement de sa dénomination sociale, d’une demande en annulation de cette marque « LAGUIOLE ».

Dans sa décision du 5 avril, la CJUE rejeta le pourvoi formé par l’EUIPO contre la décision du Tribunal de l’Union européenne du 21 octobre 2014 qui avait annulé partiellement la décision de l’EUIPO en ce qu’elle avait retenu l’existence d’un risque de confusion entre la dénomination sociale « FORGE DE LAGUIOLE » et la marque litigieuse « LAGUIOLE » pour des produits et services autres que ceux relevant de la coutellerie et des couverts.

    B- La portée de la décision de la CJUE du 5 avril 2017

Au final, même si la CJUE a rejeté le pourvoi formé par l’EUIPO contre la décision du Tribunal de l’Union européenne du 21 octobre 2014, il demeure que la décision du 5 avril 2017 reste pour le moins favorable à la société FORGE DE LAGUIOLE puisqu’elle a invalidé la marque « LAGUIOLE » pour les produits et services relevant de la coutellerie et des couverts.

Il ne s’agit donc pas réellement d’une défaite pour les couteliers car désormais M. SZAJNER ne pourra plus revendiquer de monopole sur le terme « LAGUIOLE » pour lesdits produits et services. En particulier, il ne sera plus autorisé à solliciter de quelconques redevances en contrepartie de l’usage de ce terme.

II- La poursuite de la bataille menée au niveau national contre l’appropriation du terme « LAGUIOLE »

   A- Une action en cours devant les juridictions françaises

La commune de Laguiole avait engagée en 2010 une action à l’encontre de plusieurs tiers, dont M. SZAJNER qui avait déposé plusieurs marques françaises comportant le terme « LAGUIOLE ». Elle considérait en effet que l’usage du terme « LAGUIOLE » par ces tiers constituait une pratique commerciale trompeuse et que les dépôts de marque présentaient un caractère frauduleux.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 4 octobre 2016, cassa une décision de la Cour d’appel de Paris ayant rejeté les demandes de la commune au titre de la pratique commerciale trompeuse et du dépôt frauduleux de marques, questions qui seront donc de nouveau débattues prochainement devant la Cour d’appel de Paris.

   B- L’intérêt d’une protection à titre d’Indication Géographique de Produits Industriels et Artisanaux

Un nouveau droit de propriété intellectuelle a été institué en 2014 par la loi Hamon : l’Indication Géographique de Produits Industriels et Artisanaux (IGPIA), qui étend aux produits industriels et artisanaux un régime de protection réservé jusqu’alors aux produits agroalimentaires.

A ce jour, deux IGPIA ont été homologuées par l’Institut National de la Propriété intellectuelle : Siège de Liffol en décembre 2016 et Granit de Bretagne en janvier 2017, tandis que l’homologation a été refusée pour Espadrille de Mauléon. Une demande d’homologation est en cours s’agissant du Savon de Marseille.

Le dépôt d’une demande d’homologation pour Couteaux de Laguiole, qui permettrait de protéger le savoir-faire et les procédés de fabrication attachés à ce nom, serait envisagé par les couteliers. Une telle IGPIA permettrait notamment aux couteliers de se protéger de la concurrence déloyale de couteaux de piètre qualité.

Au vu des dernières décisions, et sous réserve de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris à intervenir, les couteliers de Laguiole semblent désormais protégés contre l’appropriation et l’utilisation frauduleuses du terme « LAGUIOLE », protection qui pourrait être complétée par la reconnaissance d’une IGPIA.

Marina Cousté, Romain Viret et Sarah Madi, Avocats à la Cour. Reed Smith, Paris, Département Propriété intellectuelle


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