La loi Hamon censurée

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Yves Sexer revient sur la censure le 17 juillet par le Conseil constitutionnel des dispositions de la loi Hamon relatives au droit d’information des salariés en cas de cession d’entreprise de moins de 250 salariés.


La loi Hamon du 31 juillet 2014 sur le droit d'information des salariés en cas de cession de « leur entreprise » avait pour objectif de favoriser la transmission d'entreprise et plus particulièrement la reprise d'une entreprise par les salariés en leur permettant de formuler une offre de rachat.

Le texte adopté a tout au contraire introduit un mécanisme impraticable de nature à entraver ou compliquer les cessions, sans pour autant assurer aux salariés la possibilité de formuler une offre.
La loi a ainsi imposé pour les entreprises de moins de 250 salariés une information individuelle de chaque salarié. L’information doit être faite deux mois avant la cession pour les entreprises de moins de 50 salariés (en même temps que l’information du CE pour les autres). La sanction est la nullité de la cession. Celle-ci se prescrit par deux mois mais à compter de la publicité qui n’existe que pour les cessions de fonds de commerce. La loi a par ailleurs renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de définir des moyens d’information « de nature à lui donner date certaine ».Le décret d’application du 29 octobre 2014 a recensé : l'acte d’huissier (!) la lettre recommandée prise en compte à la date de sa réception, le mail certifié (?) la lettre remise en main propre, la réunion collective ou l’affichage mais à condition que chaque salarié émarge un registre.

Afin de résoudre « d’indébrouillables » difficultés (fallait-il informer les salariés avant la conclusion d’une promesse, d’un pacte d’actionnaires contenant des obligations de sorties conjointes ?), le décret définit la cession non pas comme la date de conclusion d'un accord mais comme la date de transfert de propriété. Ce faisant, le décret a donné à la loi un effet rétroactif, puisse que toute cession intervenue postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi le 1er novembre 2014 était soumise au texte, même si l'accord avait été conclu antérieurement. Ce fût le cas pour la société holding Désile.

Celle-ci a alors introduit devant le conseil d'État un recours pour excès de pouvoir contre le décret et posé une question prioritaire de constitutionnalité.

Le Conseil Constitutionnel, par décision du 17 juillet 2015, a abrogé la nullité, considérant cette sanction disproportionnée, d’autant qu’elle était imprescriptible.

Le Gouvernement avait anticipé et la loi Macron (adoptée mais déférée au Conseil constitutionnel), a remplacé la nullité par une amende civile. Plus significativement, la loi Macron introduit un nouveau cas de dispense lorsque l'entreprise aura procédé, conformément à l'article 18 de la loi du 31 juillet 2014, à une information périodique sur les possibilités de reprise d'une entreprise par les salariés, moins d’un an avant la cession. L’information est facilitée puisqu’elle sera réputée effectuée dès l’envoi de la lettre recommandée. Le champ d’application du dispositif est restreint et ne s’applique plus aux opérations d’apport ou de fusion. Enfin on peut penser que le nouveau décret d’application prévoira des modalités de délivrance de l’information plus conformes à l’intention initiale. Le Ministre de l’économie avait reconnu devant l’assemblée, non seulement le caractère disproportionné de la sanction, mais aussi de l’obligation de délivrer individuellement l’information (Débat devant la commission spéciale le 10 juin). Or le texte amendé supprime la référence à l’obligation d’informer chaque salarié (sauf lorsque l’entreprise voudra s’affranchir du délai de deux mois). Cela ouvre la voie à une information collective.

Dans l'immédiat, l’abrogation de la nullité par le conseil Constitutionnel met hors de danger les opérations réalisées depuis l'entrée en vigueur de la loi Hamon le 1er novembre 2014, jusqu’à l'entrée en vigueur de la loi Macron, après la publication du décret d'application.

Le défaut d'information selon les modalités prescrites sera alors à nouveau sanctionné mais seulement par une amende civile, prononcée à la demande du Procureur de la République. L’application de la sanction devient improbable.

Les entreprises devront néanmoins se conformer au texte qui demeure imparfait, notamment quant à la définition de son champ d’application.

L’épilogue de l’affaire Holding Désile, à savoir la décision du conseil d’Etat sur la nullité du décret, donnera un éclairage utile sur ce point : le Gouvernement soutient que la loi ne s’applique pas à la Société Holding Désile qui a pourtant fait l’acquisition de 100 % de la Société Chapanhy application, mais 50 % par apport et 50 % par acquisition.

Heureusement, le décret d’application de la loi Macron attendu pour le 1er novembre devrait adopter des modalités d’information simplifiées.


Yves Sexer, cabinet Marceau Avocats