Pierre-Emmanuel Fender, Associé, Ashurst LLP

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Pierre-Emmanuel Fender, Associé, Ashurst LLPLe Monde du Droit a interrogé Pierre-Emmanuel Fender à l'occasion de sa cooptation en tant qu'associé au sein du cabinet Ashurst LLP.

Selon vous, qu'est-ce qui a présidé à votre cooptation ?

Avant tout le dynamisme du département restructurations et résolution des conflits auquel j'appartiens : les temps difficiles que nous traversons nécessitent de plus en plus pour nos clients d'être accompagnés par des équipes d'avocats spécialisés qui, dans une négociation tendue entre un débiteur et ses prêteurs, doivent parfois savoir montrer les dents... et plus si hostilité. Pour le meilleur et pour le pire, ces restructurations tendues qui ont la particularité d'exiger une très bonne connaissance des tribunaux de commerce, nous occupent beaucoup en ce moment.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?

Après un troisième cycle à Strasbourg orienté vers la fiscalité, je m'étais progressivement tourné vers le contentieux fiscal en effectuant mes premiers pas dans des équipes dédiées a cette activité, chez Andersen et Landwell. Et comme le contentieux fut pour moi bien plus passionnant que la fiscalité, j'ai fini par rejoindre l'équipe contentieux-arbitrage que Jean-Pierre Farges était en train de créer chez Ashurst.

Qui a le plus influencé votre carrière ?

Il y a bien-sûr de nombreuses rencontres et influences différentes, mais sans aucun doute ce sont les deux personnes qui m'ont recrutées chez Ashurst qui m'ont le plus marqué : Christopher Croswaithe et Jean-Pierre Farges. Un cocktail franco-britannique qui incarnait le particularisme du bureau parisien d'Ashurst quand je l'ai rejoint il y a dix ans. Aujourd'hui, l'image du petit village gaulois dans l'empire britannique a vécu. Le bureau de Paris assume les racines de droit civil et de common law du cabinet alors que celui-ci a vu son centre de gravité progressivement se déplacer vers l'Est pour traverser les frontières de l'Europe. La fusion en cours avec nos cousins d'Ashurst Australie en est la plus récente illustration.

Quel est votre meilleur souvenir dans votre carrière ?

Cela va sembler terriblement "fleur bleue" : le jour où s'est achevée la restructuration de Mecachrome, client que nous avons accompagné tout au long d'une longue procédure de sauvegarde. Celle-ci lui a permis de se libérer d'une dette obligataire de 230 millions d'euros contractée au Canada. Cela a été une aventure humaine passionnante, jalonnée de défis techniques à la croisée des cultures anglo-saxonnes et francophones. Après des mois particulièrement tendus, lorsque le closing s'est achevé au petit matin le 21 décembre 2009, la neige s'est mise a tomber. Un vrai Noël. Nous étions épuisés mais très, très heureux. Aujourd'hui, Mecachrome se porte très bien et c'est une grande fierté.

Quels sont vos domaines de compétences ?

J'interviens en contentieux et en arbitrage avec une activité fortement marquée par les procédures collectives et les procédures dites de prévention des difficultés des entreprises.

Quelles sont, selon vous, les actualités marquantes de ces dernières semaines dans ces secteurs d'activité ?

De manière surprenante, il reste encore beaucoup de zones d'incertitudes dans nos matières. L'arrêt de la Cour d'appel de Versailles, saisie sur renvoi de l'examen du plan dans le dossier Cœur Défense, en est une récente illustration. Il faut savoir se satisfaire de l'existence de ces zones grises. Cela laisse leur chance aux praticiens pour imaginer de nouvelles solutions. Cela met évidemment aussi mal à l'aise ceux qui ne sont pas familiers de cet environnement. Aujourd'hui, la dynamique d'une restructuration peut être complètement différente d'un dossier à l'autre : les mezzaneurs ne se laissent plus faire, les actionnaires deviennent très agressifs - surtout s'ils sont les derniers à en avoir les moyens - et même les banques françaises ont davantage d'appétence lorsqu'il s'agit de prendre les clefs. Quand nos clients plongent dans ce bain-là pour la première fois, ils préfèrent être accompagnés de quelqu'un qui fréquente les crocodiles au quotidien.

Qui conseillez-vous ?

La particularité d'Ashurst à Paris est de conseiller des industriels comme des fonds et/ou des banques. Nous croyons fermement que votre crédibilité comme conseil sort renforcée vis-à-vis de l'une ou l'autre catégorie lorsque vous avez su vous montrer un adversaire et un négociateur dangereux, mais loyal. Il n'est donc pas rare que les adversaires d'hier deviennent nos clients de demain. Nous prenons naturellement les précautions nécessaires pour éviter les conflits d'intérêts.

Quels sont vos objectifs pour le cabinet ?

Sans surprise : croître, pérenniser, découvrir de nouveaux territoires. Tout en menant ce développement, il est très important pour nous de préserver la polyvalence de l'équipe pour que les collaborateurs ne soient pas cantonnés uniquement à l'arbitrage ou au contentieux. Cette polyvalence est une source d'enrichissement intellectuel et nourrit l'imagination face à des situations inédites.

Nous ne sommes pas au bout des restructurations en France, mais chaque dossier s'annonce plus difficile et laisse moins de marge de négociation que le précédent. Il faut donc être toujours plus créatif et savoir convaincre nos clients qu'un dossier peut sortir par le haut, à condition d'être prêt à quitter les cadres habituels.

 

Propos recueillis par Arnaud DUMOURIER