Le 23 ème Congrès de l'ACE se tiendra à Bruxelles les 15 et 16 octobre 2015 ; William Feugère, Président de l'ACE, nous présente les enjeux et l'objectif de cet événement.
Pourquoi avoir choisi Bruxelles ? Quels sont les enjeux de votre prochain Congrès ?
Notre droit est d'inspiration européenne. Il était donc logique, naturel pour nous avocats d'affaires, de faire notre congrès à Bruxelles.
Le choix de construction de notre programme part du constat que la profession est en réaction permanente. Depuis quelques années, elle donne l'impression que les évolutions la concernant sont bloquées, qu'il y a un conservatisme général et que sa seule mobilisation est la réaction. Elle est en réaction à des projets de loi, à des projets de décrets... sans pour autant être très créative, ni institutionnellement vraiment présente.
Il faut nous réveiller ! Les avocats de demain doivent s'éloigner des freins et du conservatisme qui fait qu'on nous perçoit, à juste titre, comme une profession de postures et d'acquis. Si on veut se préparer à ce que sera l'exercice du métier d'avocat demain, il faut que nous soyons créatifs, disposés à nous réinventer. Les entreprises changent leur manière de travailler, de s'organiser. Le marché a évolué. Puisque les attentes et les besoins des clients évoluent sans cesse, qu'attendons-nous ? Soit étudions ce que les clients attendent de nous, regardons quelles sont les tendances et essayons même de les anticiper, soit nous allons rater le coche de la modernité, pire, de l'avenir.
L'objectif de notre congrès est de donc de réveiller notre profession en réfléchissant à ce que sera notre métier demain, fort d'une déontologie moderne et évolutive. .
Nos frontières ne sont pas seulement territoriales mais intellectuelles, il est temps de les franchir, de s'en affranchir !
L'avocat en entreprise est l'exemple même de nos peurs face à non pas une révolution, mais une simple évolution, L'avocat anglais ou l'avocat allemand travaille en entreprise. Nous ne sommes pas plus avocat qu'eux. Ni moins. Et nos confrères anglais ou allemands ne voient aucune atteinte à leurs valeurs essentielles parce que certains d'entre eux travaillent en entreprise, en tant que salariés. Au contraire, ils ont construit une grande profession du droit qui avance au même rythme, dans la même direction.
L'avocat français s'invente des peurs, des violations de sa prétendue âme... Nous sommes périmés.
Parmi les thèmes du congrès outre l'organisation du cabinet et le développement à l'international, vous allez parlez des nouveaux métiers, de quoi s'agit-il ?
Le besoin de droit est croissant. L'avocat a vocation à être partout. Je pense que la déontologie de l'avocat, sa connaissance du droit lui permettent d'intervenir partout, sans cloisonnement.
Cependant, dans la déontologie, on a ajouté des interdits, des freins comme le mode de structure d'exercice (ex : je ne peux pas exercer sous telle forme de société, je ne peux pas m'associer avec telle ou telle personne...), la domiciliation.
Aujourd'hui, on me dit que l'on doit toujours avoir un cabinet physique, une adresse avec un bureau pour recevoir. Or beaucoup de nos clients travaillent de manière dématérialisée et réservent une salle quand ils ont un rendez-vous. Notre réglementation peut être nettoyée de ces scories, pour se consacrer à ce qui est essentiel : le secret absolu, l'indépendance intellectuelle, le refus total du conflit d'intérêt.
S'agissant du barreau d'affaires, comment sera l'avocat d'affaires de demain ?
L'avocat d'affaires a connu une mutation profonde qui est que le client est un client qui s'est d'abord renseigné. Il y a quelques années, le client était dans une situation d'infériorité quant à la connaissance juridique. L'avocat était le sachant. Et il se sentait supérieur, voire admirable.
Aujourd'hui – je mets évidemment à part le cas de celle qui a un juriste, par nature informé et compétent - le chef d'entreprise se sera d'abord renseigné. Internet a donné un accès à la connaissance qui n'existait pas, un accès facilité, quasi illimité et gratuit à des paroles expertes, pédagogiques, à tous les textes, toutes les jurisprudences, toutes les analyses.
Même si la connaissance du client reste imparfaite et mérite d'être complétée, le rôle de l'avocat d'affaires n'est plus la connaissance juridique et l'information. On nous consulte pour notre capacité à définir une stratégie et élaborer des tactiques, grâce à notre inventivité et notre expérience. Le droit est partout, et il n'y a pas trop d'avocats, au contraire, mais il faut que les avocats s'adaptent aux nouveaux marchés, aux nouvelles pratiques et attentes des clients. Qu'ils apprennent à transformer leur connaissance en une force pour chaque client. En fait, qu'ils adoptent une démarche d'intelligence économique.
D'ailleurs, les technologies avancées nous y poussent à grande vitesse. Demain, le conseil sera donné par des ordinateurs. L'avocat doit s'adapter, par la connaissance de son client, qu'il en anticipe les besoins, ses questions, l'évolution de son écosystème personnel et professionnel. C'est comme cela que l'avocat, demain, fera toute la différence.
Qu'en est-il du débat sur la gouvernance de la profession ?
Beaucoup aimeraient le voir enterré. Mais ce débat reste ouvert, il est essentiel. Tant qu'il y aura 164 bâtonniers, qui tirent chacun à hue et à dia, qui se croît les représentants de la profession, nous ne pourrons pas avancer. Chaque bâtonner a été élu pour défendre les intérêts de son barreau. C'est respectable, mais cela ne fait pas une réflexion nationale... notre organisation est périmée, elle est devenue un poids qui nous tire vers le bas. Il en est de même de la postulation par TGI, que la loi Macron a légèrement modifiée. On nous dit que cela permet un maillage territorial, mais quel maillage ? Auprès de qui, des tribunaux ? C'est une vision dépassée. Les clients ne vivent pas aux portes des tribunaux, ils n'y passent pas leurs journées, et les avocats non plus. Même nos audiences, au moins civiles, seront demain dématérialisées. L'activité économique relève d'autres ressorts, comme les régions. Et il n'y en a plus que 13 en métropole, pas 164.
Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)
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