L'absentéisme, un indicateur qui s'adresse aux directions générales

On en parle
Outils
TAILLE DU TEXTE

Bénédicte HauboldTous les ans, des études s'intéressent à l'évolution de l'absentéisme dans l'entreprise. La dernière en date, d'Alma Consulting, spécialisée dans la réduction des coûts, analyse l'absentéisme par secteur, profil de salariés et aire géographique.

 

Tous les ans, des études s'intéressent à l'évolution de l'absentéisme dans l'entreprise. La dernière en date, d'Alma Consulting, spécialisée dans la réduction des coûts, analyse l'absentéisme par secteur, profil de salariés et aire géographique. Cette étude, réalisée auprès de DRH, révèle que le taux d'absentéisme a augmenté d'un peu moins de 20 % en 2012, s'est stabilisé en 2013 et qu'il s'établit aujourd'hui à 16,6 %, tout en mettant en exergue le fait que 52 % des salariés soient cependant "toujours présents".

Deux informations inhérentes à cette étude devraient faire réagir les Directions Générales et les emmener à travailler de façon plus efficace avec les Directions des Ressources Humaines.

La première information est celle selon laquelle le secteur le plus touché par l'absentéisme est celui des services et des « grandes entreprises » en général. La seconde est celle qui montre que les ETAM et les ouvriers sont en général plus absents que les cadres.

L'absentéisme est alors décrit essentiellement par ses implications financières à la fois pour les entreprises elles-mêmes (salaires, coût du remplacement des personnes, etc.) et pour l'Etat (la collectivité).

Il serait intéressant de rentrer davantage dans le détail des causes de l'absentéisme. En effet, on peut regretter que l'absentéisme reste présenté comme un phénomène "global" et un peu polymorphe, intégrant des éléments aussi variés et disparates que les accidents du travail, les accidents de trajet, les maladies professionnelles, les absences de courte et longue durée, ce qui ne facilite guère une réflexion au bon niveau sur les modalités de prévention.

Les bons réflexes stratégiques lorsque l'on souhaite analyser le taux d'absentéisme au sein de son entreprise :

1- Il nous semblerait intéressant de bien séparer, dans l'analyse des causes, les absences pour maladies professionnelles (ou pour des raisons médicales telles que grossesse, etc.) celles liées à des accidents de trajet, les accidents du travail et les absences du travail en distinguant leurs durées. Les raisons, explications et modalités d'un retour à l'emploi sont très différentes et se gèrent de manière précise !

2- Il nous paraît également fondamental, au regard de notre pratique, de ne pas isoler le DRH, en en faisant un "phénomène RH" à gérer, expliquer, prévenir.

Nous pouvons le constater sur le terrain tous les jours : ce n'est pas un sujet spécifiquement "RH", mais bel et bien un sujet de Direction Générale. Les chiffres, et surtout ceux liés aux accidents du travail, aux absences du travail de courte ou moyenne durée, envoient des signaux forts à l'organisation toute entière. Avoir une analyse exclusivement "RH" phénomène ne permet pas de déterminer, par la suite, une politique de prévention efficace pour l'organisation. De manière très globale, sont invoqués en explication par les DRH les états de santé psychologiques et les conditions de travail d'un point de vue ergonomique essentiellement.

Absentéisme : "le reflet miroir d'une politique de Direction Générale qui s'incarne sur le terrain".

Si l'on se penche plus précisément sur les causes des accidents du travail et des absences du travail en distinguant leurs durées, et lorsque l'on fait primer une analyse terrain "positive" (comment améliorer les conditions de travail ?), nous remarquons que les salariés se livrent davantage et évoquent très facilement ce qui peut faire "tension" pour eux :

1- La lisibilité de la stratégie de l'entreprise et de la Direction : de quelle manière j'arrive à me situer et à y trouver du sens ?

2- L'organisation du travail est-elle, de mon point de vue, cohérente ? Y a-t-il des améliorations à faire et que je n'arrive pas à évoquer ? Ou sur lesquelles je ne me fais pas entendre ?

3- Est-ce que je me sens suffisamment "outillé" en termes de compétences techniques et relationnelles pour faire face aux exigences de mon métier ?

4- Lorsque je me sens découragé, quels sujets principaux reviennent et pourraient être améliorés ?

Autant de sujets qui irriguent les aspects stratégiques, voire financiers, organisationnels, managériaux, humains, et qui doivent intéresser, en premier plan, un Comité de Direction : ces indicateurs sont souvent le reflet miroir d'une politique de Direction Générale qui s'incarne sur le terrain.

Analyse de l'absentéisme : "privilégier, de manière quasiment systématique, une analyse "à plat" des conditions de travail visant à les améliorer".

L'entreprise se coupe de nombreux enseignements qui pourraient être livrés par les salariés revenant d'une période d'absentéisme. Il ne s'agit pas de leur demander "de but en blan", dès leur retour, "pourquoi" ils ont été absents car, en plus d'être interdite, cette question culpabilise le salarié. Devrait alors être privilégiée, de manière quasiment systématique, une analyse "à plat" des conditions de travail visant à les améliorer. Cette analyse ne doit pas être faite "d'un point de vue RH", mais essentiellement d'un point de vue organisationnel, managérial, en privilégiant toujours une analyse des tâches, et ceci dans une perspective positive.

Le fait de soigner les conditions de retour, même pour les arrêts "perlés" et de courte durée qui sont souvent autant de respirations psychologiques permettant de se réinvestir dans le travail, est un facteur favorable montrant que l'organisation est véritablement concernée.

Enfin, notons un phénomène sans doute plus révélateur que l'absentéisme pour la population cadre qui connaît structurellement un taux d'absentéisme très bas : le présentéisme : c'est-à-dire le fait d'être présent physiquement, tout en étant de moins en moins engagé ou en proie à de profonds doutes. Cette situation a également des impacts importants sur l'organisation du travail, et ce d'autant plus qu'elle est invisible "à l'œil nu" ! Pour cette population là, ce n'est donc certainement pas l'absentéisme à prendre en compte, mais sa face cachée : le présentéisme.              

Les accompagner, avant et pendant les premiers mois de la reprise, s'avère souvent aussi essentiel que la recapitalisation financière, et ceci pour des raisons d'efficacité. Pour un repreneur, s'intéresser aux conditions humaines sera, à terme, un réflexe "business".

Bénédicte Haubold, fondatrice d'Artélie conseil


Lex Inside du 21 mars 2024 :

Lex Inside du 14 mars 2024 :

Lex Inside du 5 mars 2024 :