L'avocat est tenu à une obligation de délicatesse à l'égard des magistrats

Avocat
Outils
TAILLE DU TEXTE

 

Le propos de "traître génétique", exprimé sans nécessité et outrageant pour la personne même de l'avocat général, ne peut être justifié par la compassion de l'avocat pour sa cliente, même dans un contexte polémique de crime odieux.

 

M. X., avocat de la partie civile dans un procès d'assises, estimant que les peines prononcées étaient insuffisantes, ce qu'il attribuait notamment au comportement de M. Y. qui tenait le siège du ministère public, et considérant qu'il était nécessaire dans l'intérêt de sa cliente qu'il fût fait appel de la décision, a accordé un entretien à un hebdomadaire qui a reproduit son propos traitant M. Y. de "traître génétique". M. X. a été poursuivi disciplinairement et sanctionné d'un avertissement pour manquement à la modération et à la délicatesse.

L'avocat fait grief à l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, rendu sur renvoi après cassation, de dire que les articles 1 et 3 du décret du 12 juillet 2005 et 183 du décret du 27 novembre 1991 ne sont pas contraires à la CEDH, que les poursuites diligentées contre lui ne sont pas privées de bases légales, que ces poursuites sont fondées et de prononcer, en conséquence, à son encontre la peine disciplinaire de l'avertissement en application des articles 183 et 184 du décret du 27 novembre 1991.

Il argumente en substance qu'une infraction disciplinaire doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre à l'accusé de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui, que la liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires, que l'avocat est tenu de défendre les intérêts de ses clients, et que les limites de la critique admissible à l'égard d'un avocat général qui multiplie les prises de position publiques dans la presse ou sur son blog sont plus larges qu'à l'égard d'un particulier.

La Cour de cassation statue dans un arrêt du 10 juillet 2014, et rejette le pourvoi aux motifs que l'arrêt relève que les termes de "modération" et de "délicatesse" sont suffisamment précis dans la langue française et les usages, spécialement en matière de déontologie, pour exclure tout arbitraire et que l'avocat, qui prête serment et qui s'oblige à respecter des principes essentiels dont il ne peut ignorer le sens et la portée, spécialement quant à la modération et à la délicatesse, est en mesure de connaître à l'avance la nature et la cause du manquement qui peut lui être reproché de ce chef.
La Haute juridiction judiciaire donne encore raison aux juges du fond d'avoir considéré que le propos tenu de "traître génétique", exprimé sans nécessité et ne traduisant aucune idée, aucune opinion ou aucune information susceptible d'alimenter une réflexion ou un débat d'intérêt général, manifestait une animosité personnelle à l'égard du magistrat concerné, de sorte que ce propos, outrageant pour la personne même de l'avocat général en ce qu'il mettait en cause son intégrité morale, ne pouvait être justifié par la compassion de M. X. pour sa cliente, ni par la provocation ressentie dans l'exercice de sa mission de défense, même dans le contexte polémique suscité par un crime odieux.