Géraldine Brasier Porterie, Avocat à la Cour - Associée, Stehlin & Associés et Audrey Benois, Avocat à la cour, Stehlin & Associés commentent le nouveau régime du Financement Participatif en vigueur au 1er octobre 2014
L’ordonnance du 30 mai 2014, dont les principales mesures ont déjà été évoquées dans un précédent article (accessible ici), encadre le crowdfunding ou "financement participatif". Cet outil de financement ne fait pas appel aux acteurs traditionnels comme les banques et nécessite dès lors un encadrement rigoureux.
La mise en œuvre de l’ordonnance a été précisée par un décret du 16 septembre 2014, un arrêté du 24 septembre 2014 et un projet de règlement général de l’AMF sur le financement participatif. Ces textes sont entrés en vigueur le 1er octobre 2014 à l’exception du règlement général de l’AMF en attente d’homologation par le ministre des finances. L’ACPR a publié le 30 septembre 2014 une position concernant le placement non garanti et le financement participatif.
Ces textes apportent de nombreuses précisions sur (i) les modalités du prêt et (ii) les compétences et obligations des conseillers en investissement participatif (CIP) et intermédiaires en financement participatif (IFP).
i. Les modalités du prêt précisées
Du côté des prêteurs : le montant des prêts rémunérés est plafonné à 1.000 euros par prêteur et par projet. Le montant des prêts sans intérêt est plafonné à 4.000 euros (article D548-1 du Code monétaire et financier - CMF).
Du côté des porteurs de projets : le montant d’emprunt est plafonné à un million d’euros (D411-2 du CMF).
Les taux appliqués aux emprunts devront être fixes et non usuraires en conformité avec les articles L313-3 du Code de la consommation et L313-5-1 du CMF. Enfin, la durée d’un prêt rémunéré ne pourra aller au-delà de sept ans (D548-1 du CMF).
Plusieurs informations doivent être intégrées aux sites internet des IFP. Le décret précise notamment qu’un contrat de prêt type sera mis en ligne contenant des mentions obligatoires : montant du crédit, durée du crédit, taux débiteur fixe, existence ou non d’un droit de rétractation, modalités d’amortissement, frais dus à l’IFP,… (R548-6 du CMF).
L’IFP devra également mettre à disposition sur son site internet un « outil permettant aux prêteurs d’évaluer leurs capacités de financement en fonction du montant déclaré de leurs ressources et de leurs charges annuelles et de leur épargne disponible » afin de leur permettre de vérifier si leur surface financière est suffisante pour financer un projet. Les critères de sélection des projets par les IFP seront également communiqués : présentation du porteur et du projet, plan de financement, souscription éventuelle d’assurance ou de sûretés. Des statistiques relatives aux projets financés devront aussi être fournies : capital restant dû, échéances impayées, nombre de projets financés (R548-5 et suivants du CMF).
Un objectif de confiance est poursuivi à travers l’instauration d’une information complète et lisible pour le prêteur. Cependant, en cas d’échec du projet le prêteur reste dans la situation de l’investisseur classique et peut perdre une partie des fonds investis. Le règlement général de l’AMF met d’ailleurs à la charge des CIP une obligation d’alerter les prêteurs sur les risques de perte totale ou partielle de capital, d’illiquidité et d’absence de valorisation des titres (1). De son côté l’ACPR, pour les IFP, a adopté une position en ligne avec celle de l’AMF concernant la nécessité d’alerter les prêteurs sur les risques liés à leur investissement (2).
ii. Les conditions d’accès et d’exercice de la profession de conseiller et d’intermédiaire en investissement participatif sont précisées
Le CIP et l’IFP sont tenus de remplir certaines conditions d’honorabilité et de compétence professionnelles.
Rappelons que le CIP, qui collecte des fonds en vue de la souscription de titres, est soumis au contrôle de l’AMF. L’ordonnance du 30 mai 2014 impose aux CIP d’adhérer à une association chargée du suivi de ses membres, agréée par l’AMF (L547-4 du CMF). En l’absence pour l’instant d’agrément d’une telle association c’est à l’AMF que revient l’examen des compétences professionnelles de demandes d’immatriculation en tant que CIP. L’activité d’IFP, qui met en relation les porteurs de projets et les personnes finançant ce projet, est quant à elle soumise au contrôle de l’ACPR.
Le décret du 16 septembre 2014 impose aux CIP et IFP de s’immatriculer auprès de l’ORIAS (registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance), et d’acquitter les frais d’inscription annuels en application d’un arrêté du 24 septembre 2014 (3). L’AMF a publié des projets d’instruction relatifs à l’examen de la demande d’immatriculation des CIP et à la transmission des informations annuelles accessibles sur son site internet. L’ordonnance du 30 mai 2014 impose par ailleurs aux CIP et IFP de souscrire un contrat d’assurance couvrant les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle avant le 1er juillet 2016.
Les obligations à la charge de l’IFP aux termes des articles R.548-1 et suivants du CMF ne sont pas toutes applicables en matière d’appels aux dons, cas dans lequel l’IFP bénéficie d’un régime allégé.
Géraldine Brasier Porterie, Avocat à la Cour - Associée, Stehlin & Associés
Audrey Benois, Avocat à la cour, Stehlin & Associés
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NOTES
(1) Projet de règlement général de l’AMF sur le financement participatif accessible sur cette page : http://www.amf-france.org/Reglementation/Dossiers-thematiques/Epargne-et-prestataires/Financement-participatif/Plateformes-de-financement-participatif---entr-e-en-vigueur-du-dispositif-r-glementaire-le-1er-octobre-2014-.html
(2) https://acpr.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/acp/publications/registre-officiel/201409-Position-2014-P-08-de-l-ACPR.pdf
(3) Arrêté du 24 septembre 2014 modifiant l’arrêté du 20 décembre 2012 fixant le montant des frais d’inscription annuels au registre unique des intermédiaires mentionné à l’article L.546-1 du code monétaire et financier, article L.546-1 du Code monétaire et financier et arrêté du 20 décembre 2012 fixant le montant des frais d’inscription annuels au registre unique des intermédiaires mentionné à l’article L.546-1 du code monétaire et financier