Les nouveaux défis des stages étudiants à la française

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Stéphanie Devèze-DelaunayLes stages étudiants ont fait l’objet, des dernières années, de nombreux débats liés à leurs impacts en matière d’insertion comme en matière sociologique. Parallèlement, des textes toujours plus complexes sont venus fixer des cadres juridiques forts autour du déroulement des stages.

Les stages étudiants ont fait l’objet, des dernières années, de nombreux débats liés à leurs impacts en matière d’insertion comme en matière sociologique. Parallèlement, des textes toujours plus complexes sont venus fixer des cadres juridiques forts autour du déroulement des stages.

La France est ainsi devenue la championne de la complexité au regard de tous les autres pays européens.

Les stages étudiants concernent les étudiants en formation initiale dans les établissements d’enseignement supérieur français privés ou publics. Ils sont régis principalement par une loi du 10 juillet 2014, complétée par un décret du 27 novembre 2014. La loi les définit comme des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l’étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue d’obtenir un diplôme ou une certification et de favoriser son insertion professionnelle.

Les stages sont désormais tous intégrés à un cursus. Les stages doivent tous être soit obligatoires pour l’obtention d’un diplôme ou certificat, soit autorisés par l’équipe pédagogique dans le cadre du cursus. Ils donnent le cas échéant lieu à attribution de crédits européens.

Outre les conditions pratiques renforcées, les rôles de toutes les parties liées aux stages sont profondément remaniés.

Sur la forme,  une convention de stage est obligatoire et doit comporter un certain nombre de clauses, qui seront incluses dans un modèle type. Ces conventions devront être signées par l’étudiant, l’organisme d’accueil, le tuteur de l’organisme d’accueil, l’établissement d’enseignement supérieur et l’enseignant référent.

La durée du stage est toujours limitée à six mois mais le mode de calcul de cette période est modifié et complexifié. La présence de l’étudiant devient le critère. Sept heures de stage équivaudront à un jour de stage et vingt deux jours de stage correspondront à un mois de stage. La durée maximale sera donc de 132 jours (à raison de sept heures par jour) ou 924 heures.

La gratification sera de ce fait calculée au protata temporis également. L’étudiant sera en réalité payé à l’heure, soit 3,16 euros par heure jusqu’au 31 décembre 2014. Le stage sera gratifié dès lors qu’il dépassera 309 heures de stage, soit deux mois.

Plusieurs acteurs sont concernés par les stages, les étudiants bien entendu, les organismes d’accueil qui reçoivent les stagiaires et les établissements d’enseignement supérieur.

Les étudiants voient leurs droits considérablement renforcés : possibilité de validation du stage avant son terme en cas, notamment, de non respect des stipulations pédagogiques, accès à des droits supplémentaires, évaluation par leurs soins du stage, mise en place d’amendes et de procédures accélérées devant le conseil des prud’hommes.

Les organismes d’accueil voient leurs obligations significativement augmenter.  Ils doivent veiller à désigner un tuteur. Il sera chargé de l’accueil et de l’accompagnement du stagiaire, sera même garant du respect de ce qui aura été prévu dans la convention de stage. Il pourra avoir une valorisation de ce rôle de tuteur dans sa carrière. Ils ont toujours l’interdiction de faire effectuer une tâche régulière et dangereuse, de faire remplacer un employé absent. Ils doivent respecter un délai de carence entre deux stagiaires et appliquer les mêmes règles pour les stagiaires que les autres salariés en matière de durée du travail par exemple. Les nouveautés sont nombreuses : obligations : de prévoir des possibilités de congés ou autorisations d’absence pour les stages supérieurs à deux mois, du décompte de la présence du stagiaire, de donner accès aux stagiaires à plusieurs droits applicables aux salariés. Le stagiaire réalisera une évaluation de son stage, l’organisme d’accueil sera soumis à un possible contrôle des inspecteurs du travail qui pourront, par le biais d’une amende, sanctionner lourdement en cas de non- respect de certaines règles énoncées ci-dessus. Le CPH appliquera également une procédure accélérée en cas de demande de requalification en contrat de travail du stage. L’établissement d’enseignement devra se retourner contre l’organisme d’accueil en cas de procès lié à un accident lors du stage.

Les établissements d’enseignement sont chargés d’appuyer et d’accompagner de façon beaucoup plus importante les stages.

Côté encadrement pédagogique, l’établissement d’enseignement devra faire figurer les stages dans des cursus qui comprendront au minimum deux cents heures d’enseignement en présence des étudiants, sans compter la durée du stage. Les étudiants devront avoir un enseignant référent, qui ne pourra encadrer que seize étudiants maximum en même temps et pourra proposer une redéfinition des missions du stagiaire.

Côté encadrement administratif, l’établissement devra appuyer et aider les étudiants dans leur recherche de stage, avec l’obligation d’assurer un égal accès des étudiants aux stages. Il devra également signaler toute déviance à l’inspecteur du travail.

Les stages à l’étranger ne sont pas oubliés. Si le modèle de convention national, créé par le réseau Jurisup, n’est pas utilisé, les droits locaux pourront s’appliquer.

Les stages existent depuis de nombreuses années. Leurs formes et encadrements juridiques ont fait l’objet depuis quelques années en France, d’un véritable enjeu politique, qui a conduit à une règlementation toujours plus complexe.

Les étudiants, les établissements d’enseignement supérieur et les lieux d’accueil des stagiaires devront, dans les prochains mois faire preuve d’un esprit de coopération renforcé, afin de trouver la voie la plus équilibrée pour appliquer les nouveaux textes.

Stéphanie Devèze-Delaunay - Directrice juridique Université Paul-Valéry Montpellier – Présidente fondatrice du réseau Jurisup


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