AZF : Le retour du droit ?

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xavier-marchand240Xavier Marchand, Managing Partner de CARAKTERS, revient sur l'arrêt rendu le 13 janvier 2015 par la Cour de cassation sur AZF.

C’est dans un climat d’intense émotion que la cour d’appel de Toulouse avait condamné, le 24 septembre 2012, la société GRANDE PAROISSE et son directeur à de très lourdes peines au visa de l’article 322-5 du code pénal qui réprime la "destruction, la dégradation ou la détérioration involontaire d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une explosion ou d'un incendie provoqués par manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement", sans que l’on puisse clairement identifier la nature de la loi ou du règlement prétendument non respecté. Le lendemain, la Cour de cassation avait condamné la maison-mère de GRANDE PAROISSE dans la non-moins célèbre affaire de l’Erika au motif que celle-ci avait manqué à son obligation de "défiance" (Crim. 25 sept. 2012, n° 10-82.938). Ces décisions étaient naturellement attendues, tant il apparaissait que le "politique" l’avait emporté sur toute autre considération mais elles n’en restaient pas moins un très mauvais signal donné à ce que le respect des principes élémentaires de l’état de droit souciait quelque peu.

C’est donc avec un certain soulagement que le juriste a accueilli l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 janvier 2015 (Crim.13 janvier 2015, n° 12-87.059, FS-P+B+R+I), cassant l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse. Cette décision non seulement rétablit le droit mais le fait encore avec force et avec la volonté que cela se sache.

Il aurait en effet suffi à la Cour de cassation de relever l’impartialité de la cour d’appel de Toulouse, du fait de la présence au sein de la formation de jugement du vice-président d’une association de victimes, pour anéantir la décision prise par cette dernière. Ce moyen suffisait à lui seul pour casser l’arrêt.

La Cour a cependant délibérément choisi la forme de l’arrêt de principe publié au Bulletin et destiné à être analysé dans son rapport annuel pour rappeler la nécessité de respecter le principe énoncé à l’article 111-4 du code pénal selon lequel "la loi pénale est d’interprétation stricte". Il était grand temps que ce principe soit ainsi aussi fermement rappelé. La Cour de cassation avait déjà mis un coup d’arrêt à la tentation de certaines cours de sanctionner pénalement la violation du principe de la gestion en "bon père de famille" (Crim. 18 janvier 2012, n° 11-81-324, Bull. crim. n° 17). Elle rappelle également que la seule imprudence ou négligence ne suffit pas à constituer un délit, il faut encore caractériser le manquement à une obligation légale ou réglementaire déterminée.

Le message de la Cour de cassation est donc une bonne nouvelle pour le justiciable. Mais tel n’est certainement pas le public visé. De la même manière que le Conseil Constitutionnel déplore que le Gouvernement et le Parlement ignorent le droit, la Cour de cassation a manifestement voulu rappeler aux "créateurs" du droit qu’il convenait désormais de mettre un terme à ces lois et règlements qui ne cessent d’ériger les vertus de de "prudence" et de "vigilance" en obligations sanctionnées sans que quiconque ne sache précisément ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire.

Qu’on le sache, la Cour de cassation s’émancipe. Enfin !

Xavier MARCHAND
Managing Partner de CARAKTERS
Chargé d’enseignement en droit de la responsabilité et des assurances à Paris V


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