Modernisation du droit de l’arbitrage au service des entreprises

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Benoit Lebars - Avocat - Lazareff Le BarsBenoit Le Bars, Associé Lazareff Le Bars, revient sur la modernisation du droit de l’arbitrage au service des entreprises suite à la parution du décret du 13 janvier 2011.

Depuis plusieurs années les milieux d’affaires attendaient une modernisation du droit de l’arbitrage. Après les décrets de 1980 (relatif à l’arbitrage interne) et 1981 (relatif à l’arbitrage international), le contexte international a fortement évolué, la jurisprudence a fait son œuvre et des pratiques, souvent inspirées de droits étrangers se sont développées, comme par exemple le principe de bonne foi procédurale plus connu sous l’appellation d’estoppel. S’ajoute la forte concurrence entre les places d’arbitrage dans le monde. Le maintien de la première place très convoitée de Paris comme siège de l’arbitrage international supposait des évolutions. Il est donc heureux que les demandes de simplification, raccourcissement des délais de procédure, d’une plus grande force contraignante et de lutte contre les stratégies dilatoires aient été entendues.

C’est pourquoi l’adoption du décret portant réforme du droit de l’arbitrage publié le 14 janvier 2011, qui entrera en vigueur le 1er mai 2011, est d’une importance primordiale. Ce texte donne un signal extrêmement fort à la communauté internationale et à nos sociétés. Il marque aussi la faveur des autorités françaises pour conserver à Paris ses atouts tout en renforçant le contexte juridique dans lequel se développe une pratique d’arbitrage interne et internationale très soutenue.

Cette réforme aborde donc tant l’arbitrage interne, qui permet le recours à un ou des arbitres choisis par des parties françaises pour un litige national, que l’arbitrage international, lequel concerne tout litige, quelle que soit la nationalité des parties (même françaises), dès lors qu’il met en jeu les intérêts du commerce international.

Pour l’arbitrage interne, plusieurs innovations pratiques ont été adoptées qui vont toutes dans le sens d’une plus grande lisibilité. Certains grands principe sont rappelés : celui d’imparité, qui signifie que le tribunal est composé d’un ou de trois arbitres mais dans tous les cas d’un nombre impair, pour permettre de dégager une majorité de voix dans le délibéré ; la prépondérance du président du tribunal arbitral en cas de partage des voix ; de durée de six mois de la procédure. Ces composantes de l’arbitrage interne tendent vers plus d’efficacité et de rapidité de l’arbitrage, pour permettre aux parties de connaître plus vite l’issue de leur conflit.

A ces principes s’ajoutent des améliorations quant au fonctionnement de la procédure elle-même. C’est pourquoi la fonction du « juge d’appui » sort renforcée de cette réforme. Ce juge joue un rôle essentiel, car il prend toute mesure tant que le tribunal arbitral n’est pas encore constitué, notamment pour préserver les preuves ou assurer la protection des intérêts des parties en cas d’urgence. Après la constitution du tribunal arbitral, il met sa force au service de l’arbitre lorsque des mesures contraignantes sont nécessaires. Parallèlement, le pouvoir du tribunal arbitral d’ordonner des mesures provisoires ou conservatoires comme la production aux débats d’éléments de preuve, au besoin sous astreinte, sont renforcés.

Quant aux modalités de notification de la sentence arbitrale, elles sont laissées à l’appréciation des parties qui ne sont plus obligées de faire appel à un huissier. La procédure d’exequatur, qui conditionne l’exécution forcée des sentences, pourra aussi être apposée sur une simple copie de la sentence et non l’original. En matière de recours, la sentence arbitrale ne sera susceptible d’appel que si les parties l’ont prévu, le recours en annulation devenant la voie de droit commun.

En matière d’arbitrage international, le décret donne une forte flexibilité aux parties dans le choix des règles applicables. Il ne renvoie aux règles de l’arbitrage interne que sur certains points précis et aux règlements des institutions d’arbitrage quand la procédure doit être conduite par une telle instance (CCI, AFA, LCIA, etc…).

Deux améliorations majeures sont instituées. D’une part, les parties peuvent renoncer au recours en annulation lorsqu’elles choisissent Paris (ou la France) comme siège de l’arbitrage, si elles ne comptent pas demander l’exécution en France. Par contre, si la sentence est rendue à l’étranger, l’ordonnance d’exequatur peut être frappée d’appel. D’autre part, les voies de recours contre la sentence n’ont plus d’effet suspensif, pour éviter les recours dilatoires. Le juge saisi pourra néanmoins arrêter ou aménager l’exécution de la sentence si elle risque de léser gravement les droits de l’une des parties.

Cette réforme du 14 janvier 2011 redonne une place très importante aux parties à l’arbitrage, qui pourront anticiper plusieurs sujets dès la rédaction de leurs contrats. Pour la place de Paris, il est indéniable que ce nouveau régime contribue au développement de l’arbitrage et renforce le rôle de la France comme l’une des places majeures au plan international.

Benoit Le Bars


Présentation de l'auteur
Benoit Le Bars, est Avocat Associé du cabinet Lazareff Le Bars (AARPI), Professeur Associé de la Vermont Law School (USA), Maître de conférences, Directeur du Master II DJCE de l’université de Cergy-Pontoise.