Les avis négatifs sur internet sont protégés par la liberté d’expression

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Olivier HayatUne société ne peut pas faire supprimer des avis négatifs d’internautes la concernant, eu égard au principe de liberté d’expression admise dans le cadre de relations commerciales, sous réserve que ceux-ci ne soient pas diffamatoires.

Le principe de liberté d’expression est souvent évoqué dans le cadre de relations privés ou personnelles, notamment par voie de presse : il trouve également toute sa légitimité en matière commerciale comme le démontre l’ordonnance de référé rendue le 31 décembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de Clermont-Ferrand.

En l’espèce, une société avait assigné le gérant d’un site internet d’avis au sein duquel sa société avait reçu différentes contributions négatives d’internautes. Parmi ces avis, trois avaient retenu son attention : le premier "[faisant] état de propos peu amènes" (selon les termes utilisés par l’ordonnance), qui avaient depuis disparu et que le Juge n’a donc pas considéré comme susceptible d’entrainer un trouble au sens de la loi ; un deuxième reprochant à la demanderesse une erreur de commande avec la mention "ne pas commander" ; et un troisième relevant un manque de professionnalisme de ladite société.

La demanderesse arguait que ces messages lui causaient un préjudice certain, certains d’entre eux relevant du mensonge et de l’intention de nuire, et que les pratiques du défendeur "étaient des plus douteuses".

Le Juge statuant en référé a néanmoins débouté la demanderesse, considérant que ces avis "ne sont pas répréhensibles eu égard à la liberté d’expression admise dans le cadre de relations commerciales sauf à établir des propos diffamatoires", le site comportant également d’autres avis ne présentant pas un caractère négatif.

Cette ordonnance appelle deux principales remarques.

D’une part, si le texte de cette décision vise expressément le caractère diffamatoire de la publication comme une réserve au principe de liberté d’expression, on pourra – sans prendre trop de risque – y ajouter l’ensemble des infractions de presse (telle que l’injure), les atteintes à la personnalité (par exemple en utilisant un contenu protégé sans autorisation), ainsi que les atteintes au respect dû à la vie privée, lesquelles pourront également être considérées comme des limites à la liberté d’expression.

D’autre part, cette décision rappelle que l’incontournable et vieillissante dichotomie entre "éditeur" et "hébergeur", telle que visée à l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), trouve toujours à s’appliquer dans une telle espèce.

Rappelons, en effet, que l’hébergeur doit retirer tout contenu manifestement illicite dès qu’il en a connaissance : or, il est de jurisprudence constante qu’un hébergeur n’a pas à apprécier le caractère diffamatoire d’un contenu (voir par exemple, Tribunal de Grande Instance de Paris, Ordonnance du 4 avril 2013).

En conclusion, cette décision rappelle que la gestion de sa "e-reputation" sur internet doit faire face à des contraintes juridiques qui nécessitent d’avoir une vision claire sur la qualification précise de l’atteinte constatée, permettant, en conséquence de déterminer les moyens les plus opportuns à utiliser aux fins de la faire cesser au cas par cas.

Enfin et à titre exhaustif, la demanderesse indiquait que l’utilisation de son nom de domaine par le site litigieux constituait une contrefaçon, ce que le Juge a considéré comme ne relevant pas de sa compétence étant précisé en outre qu’aucun élément probant n’était rapporté.

Olivier Hayat
Hayat Avocat 


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