Cécile Derycke, associée, Charles-Henri Caron, collaborateur senior, Bérengère Moin, collaboratrice au sein du cabinet Hogan Lovells reviennnent sur l'action de groupe en matière de santé.
Le 17 décembre 2015, l'Assemblée Nationale a solennellement adopté la loi de modernisation du système de santé (la "Loi Santé"). L'action de groupe en matière de santé, prévue par l'article 184 de la Loi Santé (ancien article 45 du Projet de loi), entrera donc en vigueur le 1er juillet 2016 ou, si elle est antérieure, à la date fixée par le décret d'application.
L'action de groupe se divisera en trois phases :
- une médiation facultative après que l'action aura été initiée (au choix du juge et avec l'accord des parties),
- un jugement sur la responsabilité alléguée, statuant aussi sur la recevabilité et éventuellement sur les types de préjudices réparables,
- une phase de réparation des préjudices individuels dont le juge ne sera en principe saisi qu'en cas de désaccords.
L'article 184 tel qu'adopté aujourd'hui par l'Assemblée Nationale correspond au texte issu des travaux de la Commission des Affaires Sociales de cette même Assemblée au cours du mois de novembre 2015.
Le mécanisme de l'action de groupe qui entrera en vigueur diffère du mécanisme voté par le Sénat en octobre 2015 sur trois points :
- Aux termes de la Loi Santé, toute association agréée d'usagers du système de santé pourra introduire une action de groupe, qu'elle dispose d'un agrément à l'échelon local ou national. Ainsi, plusieurs centaines d'associations auront cette capacité.
- Le délai maximal de 5 ans après achèvement des mesures de publicité pour adhérer au groupe a été réintroduit. Selon Madame Hélène Geoffroy, Rapporteur du Projet de loi, ce délai "permet de mieux prendre en compte la spécificité des dommages liés aux produits de santé, dont l'apparition peut être tardive"1. Des députés avaient souhaité remettre en cause les travaux de la Commission sur ce point et réintroduire le délai de 3 ans précédemment instauré par le Sénat. Leurs amendements ont été rejetés.
- Les fonds destinés à l'indemnisation des usagers du système de santé ne pourront être versés que sur un compte ouvert auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations. La possibilité de verser ces fonds sur un compte CARPA ouvert par l'avocat chargé d'assister l'association a été supprimée par la Commission des Affaires Sociales.
D'autres amendements, bien que rejetés, ont retenu notre attention :
- Les amendements visant à restreindre l'action de groupe aux seuls dommages résultant de faits générateurs de responsabilité postérieurs à l'entrée en vigueur de la loi, ainsi que le prévoyait le projet de loi initial du Gouvernement, ont été rejetés. Les dispositions de l'action de groupe auront donc une portée rétroactive.
- L'action de groupe ne pourra porter en définitive que sur les produits de santé et les cosmétiques. Au cours des débats devant les deux Chambres, l'extension de l'action à différents autres produits a été débattue sans être retenue. Lors des débats à l'Assemblée Nationale fin novembre 2015, une extension aux substances psychoactives addictives a par exemple été discutée.
Cécile Derycke, associée, Charles-Henri Caron, collaborateur senior, Bérengère Moin, collaboratrice au sein du cabinet Hogan Lovells
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1. Rapport n° 3215, déposé le 10 novembre 2015, fait au nom de la Commission des Affaires Sociales, p. 357