Réforme du Divorce : A vouloir faire des économies à la va-vite, on jette le bébé avec l'eau du bain

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divorceLe divorce sans juge : une illusion d’économie, un écran de fumée pour ne surtout pas réfléchir à des réformes plus profondes et plus créatives.

Un divorce sans juge en France, alors que les mariages binationaux se multiplient, que les divorces forcés existent ? Qui sera à même de vérifier quelle est la loi applicable si ce n’est le juge dont la fonction est d’abord de dire le droit ?

L’absence de conflit apparent n’implique pas ipso facto l’absence du juge.

En homologuant une convention de divorce par consentement mutuel, le juge remplit sa mission : il dit le droit, vérifie son application, s’assure du consentement et apporte la même autorité pour défaire ce que l’officier d’état civil a fait.

La grande messe organisée par la Ministre de la Justice en janvier 2014 devait permettre de réformer en profondeur l’institution judiciaire qui souffre. Un beau titre pour nous faire rêver : "La justice du XXIème siècle" un rien prétentieux, J21 tout un programme. Les politiques nous ont fait croire que magistrats, avocats, notaires travailleraient ensemble à la modernisation de cette institution essentielle à un Etat démocratique et libre.

Et puis, en catimini, le ministère a proposé des réformettes, sans les avoirs confrontées au monde réel, pour donner l’illusion de faire des économies qui ne seront que des éconocroques.

Elles provoqueront bien des déboires pour les justiciables, pour les familles et finalement ne généreront aucune économie pour le Ministère de la Justice, bien au contraire.

La colère des avocats n’est pas une colère corporatiste puisque dans cette réforme ils "gardent" les divorces, alors pourquoi tant de réactions ?

Certes la confiance apparente accordée aux avocats pourrait nous réjouir si elle résultait d’une vraie réflexion menée en commun et non de la volonté brouillonne de réduire à tout prix un budget de la justice déjà en loques.

Loin de vouloir supprimer la comparution des parties devant eux, nombre de magistrats sont conscients de la nécessité de donner au divorce par consentement mutuel une solennité équivalente au mariage dont il vient consacrer la rupture et qui pour cela prennent le temps.

Mis à part les rares cas de divorce de couples mariés depuis peu, n’ayant ni enfant ni patrimoine qui pourraient effectivement divorcer chez le notaire et pourquoi pas au guichet de la station Châtelet, ce que nous appelons aujourd’hui le divorce par consentement mutuel est souvent le résultat d’un long et difficile travail.

Travail des parties pour dépasser leur ressentiment, travail des avocats pour donner corps et réalité juridique à la construction de leur séparation, travail du temps qui apaise.Le nouveau divorce sans juge, enregistré devant notaire lequel ne serait là que pour donner date certaine, contribuerait à privatiser l’un des actes fondateurs de notre société.

Et si l’on divorce sans juge pourquoi ne pas se marier sans officier d’état civil ?

La vision irénique de la séparation amiable de deux êtres en parfaite possession de leurs moyens et en parfaite maîtrise de leurs émotions et de leurs ressentiments ne correspond en rien à la réalité.

Ce n’est pas en supprimant les mouchoirs qu’on supprime le chagrin et ce n’est pas parce que le divorce est aujourd’hui très répandu qu’il est pour autant indolore.

Tout le monde meurt un jour, cela ne rend pas le deuil plus facile à supporter, ni les obsèques plus simples à organiser.

Et d’ailleurs, les magistrats savent bien que ce n’est pas l’homologation des conventions de divorce qui alourdit leur tâche mais bien le temps passé à traiter le contentieux, pour lequel la présence des avocats n’est pas obligatoire, c’est-à-dire le contentieux de la séparation hors mariage et du post divorce. C’est ce contentieux, dit de masse, qui remplit les salles d’attente des affaires familiales.

Les magistrats, seuls face aux justiciables, y consacrent un temps considérable.

A vouloir trop simplifier le divorce, on complique la séparation et on génère du conflit post divorce.

C’est si vrai que dans près de la moitié des cas, les contentieux post-divorce font suite à un divorce par consentement mutuel.

Ce qui signifie clairement que, sous l’apparence de l’accord, peuvent se cacher suffisamment de ressentiments et d’incompréhensions qui n’attendent que l’occasion d’un changement de résidence de l’enfant ou d’un retard de paiement de contribution pour jaillir, prospérer, enfler et aboutir devant des juges las et souvent impuissants à résoudre le véritable conflit qui n’attendra que la prochaine occasion pour ressurgir.

Si le but poursuivi est vraiment d’alléger la tâche des juges aux affaires familiales en réduisant le nombre de leurs dossiers, alors la réflexion doit nécessairement porter sur la prévention du contentieux post divorce, ce d’autant que si le nombre de divorce est nécessairement limité au nombre de mariages, le nombre de contentieux post-divorce, lui, est illimité !

C’est dire l’importance pour les avocats de prendre en charge les conflits familiaux d’une manière profonde et différente de l’approche distraite que peuvent avoir certains dans ce domaine.

Au-delà de la compétence strictement juridique et judiciaire, l’écoute approfondie des besoins des justiciables, l’accueil de leurs préoccupations, la prise en compte de leurs besoins fondamentaux permettent d’aller mieux et plus loin dans la résolution de leurs conflits aussi bien visibles que sous- jacents.

Les avocats ont l’expérience et la pratique du contentieux judiciaire, ils en connaissent les enjeux, les faiblesses, les lourdeurs, et plus particulièrement en droit de la famille, les insatisfactions qui en résultent.Avec les nouveaux outils que leur offrent les MARD (écoute active, négociation raisonnée…) ils sont aujourd’hui mieux à même de prendre en charge ces conflits où se mêlent le désamour, le droit, l’argent et le psychisme.

La pratique du processus collaboratif notamment nous enseigne qu’une solution pérenne ne pourra émerger que si la profondeur des affects a pu être considérée, que si les besoins et les préoccupations des deux parties, la spécificité de leur relation et de leur histoire ont été pris en compte.

Si près de la moitié des divorces par consentement mutuel reviennent dans les deux ans devant le juge aux affaires familiales sous forme de contentieux post-divorce c’est bien parce que des solutions, apparemment satisfaisantes pour tout le monde, ont été plaquées sur des situations formatées sans égard aux réalités enfouies et non dites.

Si notre société veut vraiment donner au juge le temps pour dire le droit et trancher les litiges complexes qui souffrent aujourd’hui de la lourdeur du temps judiciaire, alors faisons en sorte que les conventions de divorces par consentement mutuel que nous leur soumettrons soient le reflet d’un accord réel et pérenne entre les parties. Pour ce faire, le recours au processus collaboratif est parfaitement adapté.

Tout comme on ne se marie pas par procuration, on ne divorce pas par lettre recommandée.

Le mariage n’est pas obligatoire, ce n’est pas un simple contrat, c’est un engagement social.

Il offre à ceux qui le choisissent la protection du domicile, la protection des liens enfants/parents, la protection des liens humains.

Dans une société en mutation, l’autorité du juge est fondamentale. 

Vouloir la supprimer est une sottise et une régression.

C’est pourquoi les avocats, auxiliaires de justice, doivent se doter des nouveaux outils qui leur permettent d’approfondir les accords pour soumettre au juge des conventions de divorce sécurisées et pérennes.

L’enjeu est de taille et il est passionnant.

Catherine BOURGUES HABIF et Nathalie GANIER RAYMOND, Avocats collaboratifs au Barreau de Paris, Membres de l’AFPDC


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