Emmanuelle Sapène et Romain Aupoix, avocats au sein du cabinet Péchenard et Associés, offrent au Monde du Droit un éclaraige quant au suivi médical des salariés.
Chaque employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de santé et de sécurité de ses salariés et doit, à ce titre, soumettre ses salariés aux différents examens médicaux obligatoires.
Après la loi du 20 juillet 2011 relative à l'organisation de la médecine du travail, le décret du 30 janvier 2012 pris pour son application, aménage les modalités de suivi de l'état de santé des salariés. Ces nouvelles modalités sont applicables à compter du 1er juillet 2012.
Panorama des principales nouvelles règles de suivi médical des salariés...
1 - L'examen médical d'embauche
Tout salarié doit faire l'objet d'un examen médical par un médecin du travail avant son embauche ou au plus tard, avant l'expiration de la période d'essai.
Désormais, hors cas des salariés soumis à une surveillance médicale renforcée (nouvel article R. 4624-18 du code du travail) ou spécifique (article L. 4111-6 du Code du travail), cette visite ne sera pas obligatoire, à moins que le médecin du travail l'estime nécessaire ou que le salarié n'en fasse la demande, si les conditions suivantes sont réunies :
- le salarié est appelé à occuper un emploi identique présentant les mêmes risques d'exposition ;
- le médecin du travail intéressé est en possession de la fiche d'aptitude du salarié;
- aucune inaptitude n'a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours des 24 mois précédents lorsque le salarié est à nouveau embauché par le même employeur (contre 12 mois actuellement) et au cours des 12 derniers mois lorsque le salarié change d'entreprise (contre 6 mois actuellement).
Le décret précise également qu'en cas de pluralité d'employeurs, un seul examen médical d'embauche sera réalisé, sous réserve de l'existence d'un accord collectif de branche ou d'un accord conclu entre les employeurs déterminant notamment la répartition de la charge financière de la surveillance médicale (article R. 4624-14 modifié du Code du travail).
2 - La visite de préreprise
Actuellement, une visite de préreprise peut être organisée avant la reprise du travail, à l'initiative du salarié, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de sécurité sociale, lorsqu'une modification de l'aptitude au travail est prévisible (R. 4624-23 du Code du travail).
A compter du 1er juillet 2012, une visite de préreprise ne pourra être organisée, à l'initiative de ces mêmes personnes, que lorsque le salarié concerné justifiera d'un arrêt de travail de plus de trois mois. Toutefois, la rédaction du texte laisse entendre que cette visite sera désormais systématique (article R. 4624-20 modifié du Code du travail).
En parallèle, les prérogatives du médecin du travail sont élargies.
Ainsi, à l'issue de la visite de préreprise, ce dernier pourra recommander des aménagements et des adaptations au poste de travail, des préconisations de reclassement, des formations professionnelles en vue de faciliter le reclassement ou la réorientation du salarié, en s'appuyant sur le service de santé au travail interentreprises ou à celui de l'entreprise du salarié (article R. 4624-21 modifié du Code du travail).
A l'issue de la visite médicale, et sauf opposition du salarié, le médecin du travail communiquera à l'employeur et au médecin conseil ses recommandations.
Toutefois, cette visite de préreprise ne dispensera pas plus qu'actuellement l'employeur de son obligation d'organiser une visite de reprise lorsqu'elle est obligatoire.
3 - La visite de reprise
Conformément à l'article R.4624-21 du Code du travail, l'employeur était tenu d'organiser jusqu'au 1er juillet 2012, une visite de reprise du travail après :
- un congé maternité,
- une absence pour cause de maladie professionnelle,
- une absence d'au moins 8 jours pour cause d'accident de travail,
- une absence d'au moins 21 jours pour cause de maladie ou d'accident non professionnel ou en cas d'absences répétées pour raisons de santé.
Le décret du 30 janvier 2012 maintient l'obligation de visite de reprise après un congé maternité et une absence pour cause de maladie professionnelle, quelle que soit la durée de l'absence.
En revanche, désormais, en cas d'absence pour cause d'accident de travail, de maladie ou d'accident non professionnel, une visite de reprise ne sera obligatoire que si l'absence est d'au moins 30 jours (article R. 4624-22 modifié du Code du travail).
L'examen de reprise ne sera en outre plus obligatoire en cas d'absences répétées pour raisons de santé.
En revanche, l'employeur devra désormais informer le médecin du travail de toute absence de moins de 30 jours due à un accident du travail (et plus seulement de moins de 8 jours comme actuellement).
S'agissant de l'organisation de cette visite, il est désormais précisé que le service de santé au travail devra être saisi par l'employeur dès qu'il aura connaissance de la date de fin de l'arrêt de travail, à charge pour le service de santé au travail d'organiser l'examen dans les 8 jours à compter de la reprise du travail par le salarié (article R. 4624-23 modifié du Code du travail).
4 - La déclaration d'inaptitude
Actuellement, un salarié ne peut être déclaré inapte par le médecin du travail qu'à la suite de deux examens médicaux, espacés de deux semaines ou d'un seul examen en cas de danger immédiat pour la santé ou la sécurité du salarié ou celle des tiers.
Il convient de rappeler sur ce point que la rédaction de l'avis médical unique est particulièrement importante et qu'il convient de veiller systématiquement à ce qu'il fasse expressément référence à cette situation de danger immédiat ou bien qu'il vise expressément l'article R. 4624-31 du Code du travail en précisant qu'il n'y a lieu qu'à une seule visite. A défaut, le licenciement prononcé sur la base de cet avis médical est nul (Soc. 4 juin 2002 n°00-42873).
Le décret maintient les dispositions actuellement en vigueur mais prévoit également la possibilité pour le médecin du travail de constater l'inaptitude à l'issue d'un seul examen médical lorsque celui-ci aura été précédé dans les 30 jours d'une visite de préreprise (R. 4624-31 modifié du Code du travail).
Reste sur ce point à déterminer les mentions qui devront être portées sur l'avis afin qu'il soit considéré comme valable.
Par ailleurs, l'avis du médecin du travail ne pourra désormais être contesté par l'employeur ou le salarié auprès de l'inspection du travail que dans un délai de deux mois, par lettre recommandée avec accusé de réception précisant les motifs de la contestation.
L'avis du médecin du travail devra en outre mentionner les voies de recours susceptibles d'être exercées et leur délai.
Cette nouveauté est extrêmement importante et devrait permettre d'éviter les contestations parfois très tardives des avis médicaux dont les conséquences, à l'égard de licenciements d'ores et déjà notifiés, pouvaient être particulièrement lourdes.
Il convient en outre de préciser que la décision de l'inspecteur du travail pourra faire l'objet d'un recours hiérarchique dans un délai de deux mois.
Emmanuelle Sapène et Romain Aupoix, Avocats, Péchenard et Associé