Eric Guérin, président de la Compagnie des médiateurs de justice, propose la création d'un "ministère exceptionnel de la médiation" pour répondre aux différends qui vont naître à cause de la situation sanitaire actuelle, liée au coronavirus.
Le confinement mis en place afin de limiter l’épidémie de coronavirus risque d’avoir de lourdes répercussions sur l’économie française. La création d’un ministère exceptionnel de la médiation pourrait permettre de régler rapidement et efficacement les différends qui vont naître, avec des solutions concrètes, gérées par les partenaires et les parties. Une façon rapide qui permettra d’éviter d’engorger les tribunaux.
Le confinement que nous vivons du fait de l’épidémie de coronavirus correspond à plusieurs semaines de non-activité pour de nombreuses entreprises, avec des répercussions dont on ne soupçonne pas encore les conséquences en matière de traitement des conflits. La France a-t-elle les capacités de résilience pour absorber des semaines de contentieux inédits ? Personne ne peut encore répondre à cette question, car la situation que nous vivons est inédite.
Sur le plan économique, il faut anticiper la sortie du confinement car si des compromis globaux sur les mêmes types de conflits ne sont pas trouvés, cela risque vite d’être la pagaille avec un effet dominos (un client ne peut plus payer un fournisseur, qui ne peut plus fournir d’autres clients, etc.). De plus, un certain nombre de conflits inédits vont naître.
Peut-être que, pour éviter cette situation, un compromis général négocié par des médiations pourrait être d’une grande aide. Dans ce cas, la médiation aurait un rôle primordial à jouer, alors pourquoi ne pas créer un ministère exceptionnel de la médiation ? Ne faut-il pas envisager que toute difficulté sans précédent lui soit soumise et qu’un médiateur soit nommé avec l’accord des parties ?
Tribunaux : des juridictions fermées
En effet, il faudra trouver une solution aux litiges économiques, et le faire rapidement et efficacement. Car durant la période de confinement, les juridictions sont fermées, « sauf pour les contentieux essentiels » a annoncé dimanche 15 mars la ministre de la Justice Nicole Belloubet. Et, lorsque ces juridictions vont rouvrir, elles devront se réorganiser et gérer le problème des délais de prescription. Tout cela prendra du temps, beaucoup de temps, que les entreprises françaises n‘auront pas.
Dans cette situation d’urgence, la médiation pourrait devenir un préalable, car elle a l’avantage d’être rapide à mettre en œuvre (il s’agit d’un processus et non pas d’une procédure) et elle est moins coûteuse qu’une procédure judiciaire. Il faudra alors que les différentes parties fassent preuve de bonne foi.
Des médiations de type class action
Les médiateurs des entreprises vont être probablement largement sollicités. En effet, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire a demandé aux bailleurs dans la possibilité de le faire d'accepter les demandes de report de loyers des petites et moyennes entreprises. Et, si aucun compromis n'est trouvé et que la situation met l'entreprise en difficulté, il pourra être fait appel au médiateur des entreprises.
Cela semble nécessaire mais néanmoins pas suffisant : si un ministère dédié pouvait organiser et coordonner les différentes formes de médiations à tous les niveaux, cela permettrait de régler une grande majorité de conflits dans le cadre de médiations globales, puis locales, puis individuelles.
Mais tout cela ne pourra se faire que si nous développons des médiations de type class action (action de groupe). Les médiations qui devront être mises en œuvre devront l’être par des médiateurs indépendants, qui seront là pour aider les parties à trouver des solutions et non pas en imposer.
Eric Guérin, président de la Compagnie des médiateurs de justice.