Tribune de Cédric Dolain, Président des Généalogistes de France.
Taxer davantage l’héritage pour mieux lutter contre les inégalités de naissance ou au contraire baisser sa fiscalité au nom de la transmission intergénérationnelle ? Cette question, dont la représentation nationale va se saisir dans les prochaines semaines, soulève des débats houleux et ne pourra sans doute jamais être totalement tranchée : deux opinions irréconciliables continueront de s’opposer.
Limiter les débats sur l’héritage à une question purement fiscale serait néanmoins réducteur. Pour beaucoup d’héritiers, au-delà du taux d’imposition, c’est la montagne administrative et juridique qui semble souvent infranchissable.
Un travail profond de simplification du « parcours de l’héritier » au moment des successions est possible et fait consensus auprès des professionnels de droit impliqués. En tant que Généalogistes successoraux, tout comme les notaires, nous y œuvrons déjà et proposons d’aller plus loin.
Par notre travail quotidien, nous sommes les premiers témoins des incompréhensions des héritiers et de leurs conséquences : découragement face aux interminables démarches, déchirements familiaux mais aussi renonciations à des petits héritages en lieu et place de démarches jugées trop complexes et aléatoires. En tissant des liens de parentés entre héritiers qui s’ignorent, le généalogiste professionnel est confronté à une complexification croissante : celle liée à la diversité des modèles familiaux illustrée notamment par les familles recomposées, celle liée à la mondialisation et à l’éclatement de familles, autrefois très localisées, aux quatre coins du monde, celle enfin tenant aux facilités de changement de nom. Simplifier au maximum la transmission aux héritiers devient alors un impératif, surtout quand leurs droits héréditaires étaient, au départ, inconnus ou incertains.
D’abord, en contribuant à vaincre les réticences. Véritable professionnel de l’héritage, le généalogiste successoral apporte à la fois une expertise des procédures mais aussi un ensemble de garanties à même de rassurer tant les héritiers que le notaire en charge de la succession.
Ensuite, comme mandataire des héritiers retrouvés, en collaboration étroite avec le notaire liquidateur, le généalogiste successoral contribue à la préservation, à la valorisation et la liquidation de l’actif, fluidifiant et simplifiant des démarches jugées généralement complexes pour les héritiers.
Ce travail est d’autant plus utile lorsqu’un grand nombre d’héritiers, en dépit de leurs liens de sang, ont des divergences d’intérêt et de vue. Dans ce contexte, s’ajoutent des délais que l’inflation normative a contribué à allonger. Régulièrement, nous attirons l’attention de l’administration fiscale sur les difficultés à régulariser les obligations fiscales des héritiers que nous accompagnons.
Ces difficultés, leur perception, les actions menées par nos professionnels pour y remédier restent quelques éléments d’une réflexion plus large à mener sur une véritable « inversion de la charge mentale de l’héritage ». Un droit des successions unifié, intelligible et qui donne aux professionnels du droit toute la latitude pour prendre réellement en charge la gestion de l’héritage constituerait une véritable avancée.
Un tel retournement pourrait aussi permettre de s’attaquer aux assurances vie en déshérence qui représentent encore aujourd’hui, et près de 10 ans après la loi Eckert, plusieurs milliards d’héritages non revendiqués.
À la frontière de la loi et l’intime, le droit des successions a cela de fédérateur que nous y sommes tous confrontés un jour, et bien souvent dans une période difficile de deuil. Et si l’adage veut que nul ne doit ignorer la loi, le droit se doit aussi d’être accessible et compréhensible par tous. Lui redonner clarté et simplicité, c’est lui redonner la force de la légitimité.
Cédric Dolain, Président des Généalogistes de France