Pour Raphaël Arroche, CEO et Stéphane Béreux, CTO de Jimini AI, l'IA générative s'impose comme un outil incontournable pour les professionnels du droit, offrant des gains significatifs de productivité. Son adoption massive soulève cependant des enjeux cruciaux de confidentialité et d'adaptation aux spécificités du droit français, nécessitant des solutions sur mesure et souveraines.
Au cours des deux dernières années, l'intelligence artificielle générative a connu une démocratisation fulgurante dans toutes les strates de la société. D'abord perçue avec scepticisme par les professionnels du droit, elle s'est progressivement imposée comme un outil incontournable, en particulier dans ce secteur. Et pour cause, les cas d'usage réussis se multiplient : automatisation des audits juridiques, chronologie des faits en contentieux ou encore recherche et génération de documents à partir des bases de données internes des cabinets, etc. Cette technologie est déjà en train de profondément modifier l’exercice des professionnels du droit, avec une rapidité d’adoption jamais égalée par aucune autre technologie.
Une assistance précieuse pour les tâches à faible valeur ajoutée
Dans les faits, les acteurs du monde juridique doivent encore consacrer une part non négligeable de leur temps de travail à des tâches répétitives et chronophages : recherche documentaire, formatage de documents, extraction d’informations, etc. L'intelligence artificielle générative s'avère particulièrement adaptée à l’exécution de ce type de tâches. Toutes les études montrent un gain de productivité significatif pour les professionnels qui l’ont intégrée dans leur quotidien. En déléguant ces missions à des outils d’IA, les professionnels peuvent ainsi se concentrer sur des tâches à plus haute valeur ajoutée comme la stratégie, le conseil personnalisé, la négociation.
La préservation de la confidentialité, un enjeu majeur
Toutefois, l'intégration de l'IA dans les cabinets juridiques soulève des questions cruciales, au premier rang desquelles figure la protection de la confidentialité des données. Ce sujet est d’ailleurs le premier qui émerge quand des entreprises innovantes du droit échangent avec les professionnels. Les informations traitées par les avocats sont doublement sensibles : d'une part, elles relèvent du secret professionnel le plus strict, et d'autre part, elles constituent le capital intellectuel des cabinets, garant de leur compétitivité et de leur savoir-faire. Choisir des solutions qui ne prendraient pas en compte ces éléments, avec une rigueur suffisante, c’est l’assurance d’échouer demain.
Dans ce contexte, il est impératif de privilégier des solutions d'IA déployées sur des clouds souverains et sécurisés en Europe. Cette approche garantit que les données sensibles ne quitteront jamais le territoire européen (et si possible français), les mettant ainsi à l'abri de législations extraterritoriales comme le Patriot Act américain.
Au vu de la diversité des pratiques, tant entre les métiers qu’au sein du même métier, il nous apparaît évident que la voie à emprunter doit être celle de l’adaptation des outils à chaque structure. Ce processus technologique, connu sous le nom de fine-tuning, doit être mené de manière individualisée. En s'appuyant sur la base de données propre à chaque cabinet, il devient possible de répondre pleinement aux attentes et aux exigences de chacun des professionnels. Cette approche sur mesure offre un double avantage : elle exploite pleinement l'expertise unique du cabinet tout en garantissant la stricte confidentialité des données traitées. Ainsi, l'IA devient un prolongement naturel du savoir-faire du professionnel, capable de produire des résultats parfaitement alignés avec les pratiques et les exigences spécifiques de chaque structure.
L'importance d'une IA francophone
Un autre aspect, souvent négligé, est la nécessité de disposer d'une IA parfaitement francophone et rompue aux subtilités du droit continental. La conception du droit en France diffère fondamentalement de celle des pays anglo-saxons, et une IA insuffisamment exposée aux spécificités du droit français risquerait de produire des analyses biaisées ou inappropriées. À terme, plus inquiétant encore, le droit continental pourrait être modifié dans sa substance en reproduisant des schémas qui ne sont pas conformes à nos réalités. Il est donc essentiel de développer des modèles d'IA spécifiquement conçus pour le contexte juridique français, capables de saisir toutes les nuances de notre droit. La technique ne pouvant faire l’économie de l’expérience, ces modèles ne pourront véritablement émerger qu’avec le concours et le soutien des professionnels du droit.
Le futur se construit aujourd'hui, avec ambition et responsabilité
Nous pensons que les professionnels du droit doivent pleinement saisir cette opportunité unique et générationnelle. L'intelligence artificielle générative, loin de menacer les professionnels, offre une opportunité de repenser les modes de travail et de répondre aux nouveaux défis des professionnels. Cette transformation, pour être réussie, doit se faire dans un cadre dont la maîtrise technologique, l’éthique et la souveraineté sont les fondements.
Ensemble, construisons un avenir où l'excellence professionnelle s'allie à l'innovation technologique.
Raphaël Arroche, CEO et Stéphane Béreux, CTO de Jimini AI