Interview Jean-Paul Tran Thiet et Nicole Poirier-Galibert, Candidats au Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris

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En partenariat avec Le Monde du Droit, le Club AvoTech, premier « do tank » des avocats créateurs de legaltech en France, a décidé d’interpeller les candidats au Conseil de l’Ordre de Paris, sur leur vision de l’avocat de demain. Aujourd’hui, Jean Paul Tran Thiet et Nicole Poirier-Galibert répondent aux questions de Charlotte Hugon, Avocate et membre fondateur d’AvoTech.

Quelle est votre vision de l’avocat de demain ?

Le métier de l’avocat va être transformé en raison d’une part, de l’émergence des nouvelles technologies et d’autre part, du changement de la demande émanant des clients. L’avocat de demain devra être plus pertinent, plus spécialisé et encore plus éthique et déontologique, c’est à cette condition qu’il subsistera. Les besoins en avocats non spécialisés vont par ailleurs nécessairement se réduire, les nouvelles technologies (les robots, l’automatisation des recherches documentaires, les algorithmes, etc.) vont réaliser dans moins de dix ans, au moins deux tiers de la production juridique de base. À nous de trouver les relais nécessaires dans des services plus spécialisés, en conseil et en contentieux (notamment en raison de la multiplication des contentieux de masse)

Connaissez-vous le Décret MACRON et le fameux article 111 qui permet aujourd’hui à l’avocat d’exercer une activité commerciale à titre connexe ou accessoire ? Est-ce que vous pensez qu’il faut appliquer cet article de manière extensive ?

Il faut l’appliquer dans toutes son ambition. Il va permettre à des avocats de créer leur propre système et éventuellement de le commercialiser pour se positionner sur ces nouveaux marchés juridiques.

Une étude récente affirme que 85 % des justiciables, face à un problème juridique, essaient de trouver la solution sur internet ? Qu’est-ce que cela vous inspire ?


Depuis 20 ans on a vu notre métier évoluer considérablement. Il y a 20 ans un client, même une entreprise, nous demandait « quel est le texte qui s’applique dans cette situation ? », « Est-ce que vous pouvez me l’envoyer ? » « Est-ce que vous pouvez me dire ce que vous en pensez ? » Etc. Aujourd’hui, le client s’est déjà fait sa propre opinion lorsqu’il nous contacte, il vient chercher une expertise plus pointue et plus humaine. L’avocat doit être celui qui est capable de dénouer des situations complexes.

Le marché du droit est en plein essor, il représente en France près de 30 milliards d’euros, ne pensez-vous pas que les avocats pourraient conquérir ce marché et augmenter leurs effectifs ?

Augmenter les effectifs, nous n’y croyons pas beaucoup, en tout cas pas sensiblement. En revanche, il est vrai que le marché du droit va s’agrandir. La contrainte européenne est beaucoup plus présente, l’apparition des contentieux de masse dans le domaine de la santé, de l’environnement, de l’alimentation, vont ouvrir de nouveaux espaces. Toutefois les progrès de productivité que l’on va enregistrer vont être au moins aussi importants que cette nouvelle demande. Le choc de l’intelligence artificielle sera atténué par l’émergence de ces nouveaux marchés, mais il sera tout de même inéluctable. C’est pour cela que l’Ordre doit engager une action ambitieuse et résolue, afin de revoir la formation initiale et continue des avocats et d’aider nos structures à s’adapter à ces défis.

Si vous étiez élus, quelles mesures porteriez-vous pour favoriser l’avocat créateur de legaltech ?

Le premier besoin est celui d’une réforme fondamentale du programme de formation des avocats pour l’axer sur l’adaptation aux nouvelles technologies. L’Ordre doit aussi engager tous les avocats à réfléchir à leur façon d’exercer, à leur façon de former les plus jeunes, à la façon dont ils devront concevoir les relations avec leurs collaborateurs, leurs clients, leurs prestataires, etc. Que des avocats s’investissent dans la création de Legaltech est une très bonne chose, parce qu’ils auront la capacité d’anticiper les difficultés, non seulement juridiques, mais déontologiques. Mais je ne pense pas que l’avocat bénéficie d’une exclusivité pour porter ces projets qui restent des outils technologiques.

Etes-vous toutefois favorable à ce que l’Ordre favorise financièrement les Legaltech créées par des avocats ?

Oui. Que l’Ordre encourage des avocats à se positionner eux-mêmes sur ce type de marché, c’est une très bonne idée.

Etes-vous pour une labellisation des Legaltech initiée par l’Ordre ?

Oui bien sûr, mais avec l’application d’un principe de neutralité technologique. En d’autres termes, un label de l’Ordre ne devrait pas conduire à favoriser les projets d’avocats au seul motif qu’ils seraient portés par des avocats. Ce qui est important, ce sont les critères de qualité et d’utilité pour l’avocat de l’outil et non pas la seule qualité du fondateur.

Que penseriez-vous d’une mesure qui consisterait à exonérer de cotisations, les avocats créateurs de Legaltech ?

Par principe toute exonération est à éviter. N’importons pas dans la profession la notion de « dépense fiscale ». Donc, il faut que chacun contribue en fonction de ses moyens. Mais cela ne doit pas empêcher l’Ordre d’aider ces créateurs, y compris par des subventions.

Dernière petite question, imaginez que vous avez prêté serment aujourd’hui, qu’est-ce que vous feriez pour vous développer votre clientèle ?

La première action devrait être de démontrer une expertise. C’est d’abord ce que vient chercher le client. Ensuite il faut se différencier par le respect de l’éthique et de la déontologie, les clients doivent comprendre d’emblée qu’ils ne s’adressent pas à des marchands de services et que notre prestation est différente.

Comment iriez-vous concrètement à la recherche de vos clients ?

JPTT et NPG : Nous utiliserions les outils technologiques existants pour nous faire connaître, y compris sur les réseaux sociaux qui véhiculeraient une image de qualité. Nous souhaiterions même faire de la publicité, dès lors qu’elle serait éthique et déontologique, y compris en évoquant des affaires dans lesquelles nous aurions obtenu des succès, mais avec l’accord de nos clients évidemment.

Interview réalisée par Charlotte Hugon, Avocate et membre fondateur d’AvoTech


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