Hausse de 27% du nombre de mouvements en 2010 par rapport à 2009. Le niveau record de 2008 (189 mouvements) est battu avec 192 mouvements. Est-ce un retour à la normale ? La crise est-elle derrière nous ?
LE VOLUME DE MOUVEMENTS ET DE CABINETS CONCERNES.
Volume de mouvements en hausse en 2010 : +27% :
2010 marque la reprise des mouvements d’associés que la crise était venue interrompre en 2009, après 3 années de croissance. Avec un total de 192 associés qui ont changé de cabinets, le record de 2008 (189 mouvements) est battu.
« L’année a été marquée par plusieurs mouvements d’envergure comme le départ d’associés de Lefèvre Pelletier (chez Wragge, Salans et Quadrige notamment), la scission du cabinet Willinski Scotto & Associés, le rapprochement SNR Denton et la fusion Hogan Lovells qui ont totalement redessiné le paysage concurrentiel des cabinets. A cela s’ajoute la création et le développement de plus en plus prononcé de cabinets de niche, spécialisés répondant à une véritable attente d’expertise de la part des clients » explique Jérome Rusak, associé de Day One qui pilote ce baromètre depuis 5 ans.
Nombre de cabinets concernés par les départs en hausse en 2010 : +25%.
Depuis 2006, le nombre de cabinets concernés par au moins un départ était en croissance constante passant de 70 à 91 en 2008. En 2009, seulement 68 cabinets avaient été concernés par des départs soit une baisse de -25%. En 2010, on est revenu à un niveau équivalent à 2008 avec 85 cabinets qui ont connu un départ. 8 cabinets ont perdu plus de 4 associés ou associés potentiels.
Parmi ceux là, on distingue :
- Lefèvre Pelletier qui a perdu une partie de ses équipes partie notamment chez Wragge
- Willinski Scotto qui a explosé en deux structures différentes (Scotto et WSA)
- Les cabinets établis qui connaissent un turnover classique liés à leur taille : Gide, Freshfields, Norton Rose, Clifford Chance, Denton Wilde Sapte (devenu entre temps SNR Denton) et Latham & Watkins.
Nombre de cabinets concernés par les arrivées en hausse : +19%.
Après une baisse en 2009, le nombre de cabinets concernés par des arrivées a logiquement augmenté passant de 79 à 94. Dans la moitié des cas, ils n’ont accueilli que 1 nouvel associé. On notera que seuls 12 cabinets ont recruté au moins 4 nouveaux associés.
« En 2010, on a pu observer trois phénomènes importants expliquant une année record de mouvements :
- des départs, souvent de grands cabinets français ou anglo-saxons, d’associés ou d’avocats n’ayant pas de visibilité à court terme d’association, pour créer leur propre cabinet,
- des départs pour cause de restructurations de certains cabinets, notamment anglais, d’associés ne remplissant pas les critères de rentabilité ou de stratégie
- et enfin des recrutements importants de la part de cabinets qui ont su gérer la crise et se renforcent sur des compétences existantes ou se positionnent sur des nouvelles pour en sortir renforcés » précise Olivier Chaduteau, associé fondateur de Day One.
Changer de cabinet... pour devenir associé !
Depuis 2006, changer de cabinet était un sésame pour devenir associé.
2009 avait marqué une rupture brutale de cette tendance qui ne représentait plus que 1 mouvement sur 4. 2010 a été marquée par un très fort retour du phénomène puisque 1 mouvement sur 3 concerne 1 avocat qui devient associé en changeant de structure. Plus intéressant encore, comme en 2009, constate que 1 associé sur 3 a rejoint en 2010 un nouveau cabinet (créé en 2009 ou 2010).
« Cette tendance s’explique aisément par le fait que les cabinets ont dû freiner les associations en raison de la baisse d’activité, d’une moindre visibilité du cabinet sur les perspectives de croissances. Ils ont donc créé des grades intermédiaires (counsel, of counsel, limited partner...) pour faire patienter ces potentiels. Néanmoins, nombre d’entre eux ont préféré rejoindre de nouvelles structures ou créer leur propre structure pour devenir associé » explique Jérôme Rusak.
A contrario, les mouvements d’associés « purs », c’est-à-dire les avocats qui sont déjà associés dans leur structure d’origine, ne représentent que 1 mouvement sur 2 et on voit se confirmer une tendance d’associés qui arrivent de structures non-avocats pour rejoindre un cabinet (8% des mouvements). Plus généralement, on observe une porosité de plus en plus forte entre les cabinets d’avocats d’affaires et les entreprises et/ou monde politique comme structure de travail. Les mouvements se font dans les deux sens.
En effet, en 2010, 13 associés sont arrivés de la Haute Administration, de l’entreprise (3), de la banque (3) et de la Politique (2). Sans retrouver les niveaux de 2008, on constate qu’une tendance se confirme.
LES STRUCTURES DE DEPART
Parmi les 85 cabinets qui ont perdu ou fait partir des associés, on en distingue 10 UK, 12 US, 63 FR.
En 2010, les cabinets anglais ont perdu ou fait partir beaucoup d’associés :
En regardant en détail, on constate que les cabinets anglais en 2010 ont perdu beaucoup d’associés : près de 38 associés (contre 18 en 2009 soit 111% !) qui ont bougé en 2010 sont issus des cabinets UK soit 22% des mouvements contre 12% en 2008 et 2009. Parmi ces cabinets, on notera Freshfields Bruckhaus Deringer, Norton Rose, Clifford Chance, Denton Wilde & Sapte, Allen & Overy, Bird & Bird, Linklaters, Hammonds Hausmann, Herbert Smith, Ashurst, Eversheds, Simmons & Simmons. Il semble que le mouvement de perte des équipes des cabinets anglais de 2006/2007 aient repris de plus belle. En effet, jusqu’en 2007, 20% des associés arrivaient d’un cabinet UK puis les années de crise 2008/2009 ont été marquées par une forte baisse des départs tant en volume qu’en proportion des mouvements totaux (12%).
Les cabinets anglo-saxons recrutent la moitié de leurs nouveaux avocats dans les cabinets français :
Les cabinets anglo-saxons recrutent la moitié de leurs associés dans les cabinets français. Néanmoins, on remarque 2 tendances légèrement différenciée selon les cabinets américains et anglais : si 62% des associés dans un cabinet américain arrivent d’un cabinet américain (38%) ou anglais (24%) contre 38% en provenance d’un cabinet français, les cabinets UK recrutent majoritairement (57%) dans les cabinets FR, puis 1/4 (24%) dans les cabinets UK et enfin dans les cabinets US (19%).
Par ailleurs, on notera qu’aucun cabinet anglo-saxon ne recrute chez les Bigs.
LES STRUCTURES DE DESTINATION
Les cabinets de destination se répartissent comme suit : 3 BIG, 9 UK, 12 US, 68 FR.
Les cabinets français continuent d’être une valeur refuge :
2009 avait montré que les cabinets FR constituaient une valeur refuge pour les associés puisque 3 associés sur 4 en 2009 arrivaient dans un cabinet FR contre 2/3 en 2006/2007 et même 1 sur 2 en 2008. 2010 n’a pas infléchi cette tendance : 3 associés sur 4 ont été recrutés par un cabinet français.
Une dynamique inverse entre les cabinets UK et US :
Le fait marquant concerne les tendances inverses des cabinets UK et des cabinets US. On observe un mouvement de ciseaux : ils ont chacun recruté 22 associés soit 12% des mouvements. Cependant, le poids des cabinets UK dans le recrutement des associés augmente fortement alors qu’il était constamment en baisse depuis 2006 (seulement 5% en 2009) alors que le poids des cabinets américains en hausse constante jusqu’en 2008 (32%) baisse fortement depuis : 17% en 2009 et 12% en 2010.
En y regardant de plus près, on s’aperçoit que 9 cabinets anglais ont été concernés par les recrutements d’associés contre 6 en 2009, 12 cabinets américains contre 17 en 2009 et enfin 68 cabinets français contre 54 en 2009. On voit donc que beaucoup moins de cabinets américains ont recruté en 2010, au contraire des cabinets anglais. Assiste-t-on à un repositionnement stratégique des cabinets UK vs. les cabinets US ?
LES DOMAINES D’EXPERTISE
Depuis 5 ans...
Depuis 5 ans, le domaine d’expertise qui a connu le plus de mouvements d’associés est de loin
1) le Corporate / M&A avec 21% des mouvements soit 1 associé sur 5 qui est arrivé dans un cabinet était spécialisé sur ce domaine d’expertise.
Ensuite :
2) le Contentieux (12%),
3) la Finance (11%),
4) le Fiscal (11%),
5) le Social (10%)... ...sont les domaines d’expertise les plus recherchés par les cabinets d’avocats d’affaires en France.
2010 marque le retour du M&A et de l’immobilier !
2010 est une année particulièrement intéressante à analyser du point de vue des domaines d’expertise...
Le M&A en tête
En 2009, pour la première fois en 4 ans, le M&A n’était pas le domaine d’expertise qui avait connu le plus de mouvements d’associés : les spécialistes de la Finance étaient en effet les associés qui avaient le plus changé de structure. En 2010, le M&A est de retour ! Avec 43 mouvements en 2010 contre 22 en 2009, c’est une croissance de quasiment 100 ! Les spécialistes des fusions acquisitions ont été les plus actifs en termes de mouvements reflétant par la même une reprise des opérations de croissance externe. La Finance en revanche n’est que le 6e domaine d’expertise qui a bougé (19 mouvements contre 25). Parmi les cabinets qui ont le plus recruté, on retrouve Scotto & Associés qui a dû reconstituer ses équipes suite à la scission de Willinski Scotto puis Ginestié et Salans.
« La recomposition des équipes Corporate au sein des cabinets se poursuit et redéfinit les contours du marché. Cette reprise forte des mouvements d’associés M&A s’inscrit dans une année de reprise des opérations de fusions-acquisitions. De nouveaux acteurs et cabinets devraient faire leur apparition sur ce marché des transactions alors qu’on ne les y attendait pas forcément. Une fois encore, certains cabinets se préparent pour sortir renforcés de la crise, près à saisir toutes les opportunités de croissance qui se présenteront » complète Olivier Chaduteau.
L’IMMOBILIER fait BOOM !
Sans conteste, l’évènement marquant de 2010 concerne les mouvements en Immobilier. Entamée par le recrutement de 8 associés chez Lefèvre Pelletier par Wragge (Spin-off), l’année 2010 a confirmé la reprise de l’activité en Immobilier, d’une part sur les opérations immobilières en elles-mêmes mais aussi sur le marché des avocats spécialisés. Au total, en 2010 ce sont 25 associés en immobilier qui ont bougé contre ... 3 en 2009 soit une croissance de plus de 800% !! On pourra notamment citer la création d’un nouveau cabinet spécialisé en immobilier, Lawington.
Les spécialistes du CONTENTIEUX en mouvement !
Historiquement, le contentieux constitue le 2ième domaine d’expertise avec le plus de mouvements. Ceci s’explique par le fait que les associés disposent souvent d’une double expertise à la fois en conseil dans un domaine technique particulier et à la fois en contentieux, mais aussi par l’effet « crise » qui a permis de démontrer que l’activité contentieuse n’était pas collée aux cycles économiques et était un excellent amortisseur en cas de sous-performance des autres activités de type corporate ou private equity.
Les spécialistes du DROIT SOCIAL bougent moins !
Les spécialistes du Droit Social, 3ième en 2009, passent en 5ème position (17 mouvements contre 20). Néanmoins, on notera la création de cabinets de niche comme Eunomie Avocats qui de facto entraine le mouvement de 3 associés.
Le retour du FISCAL !
En 2009, les avocats spécialisés en droit fiscal avaient très peu bougé.
Traditionnellement 2ième domaine d’expertise avec le plus de mouvements, le Fiscal était en 2009 seulement 10ième En 2010, on retour à la normalité puisque le nombre de mouvements d’associés en fiscal est en croissance de 100% (22 contre 11). Parmi les principaux acteurs, on observe qu’Arsene Taxand s’est fortement renforcé avec 3 nouveaux associés arrivés de l’extérieur, ou encore Scotto & Associés bien sûr de part sa création.
Le IP/IT s’installe comme un domaine d’expertise clef pour les cabinets.
Le marché de la Propriété Industrielle s’est fortement redessiné depuis 5 ans avec le développement d’acteurs globaux et spécialisés (que ce soit Lavoix Avocats, ex-Binn & Associés qui s’est rapproché du cabinet de CPI Lavoix, ou la création de cabinets spécialisés comme HDL Avocats ou Witetic). L’importance accordée par les cabinets à ces domaines d’expertise était clairement apparue en 2009 puisque le IP/IT constituait le 7ième domaine d’expertise avec 11 mouvements. 2010 confirme cette tendance avec une croissance de 100% du nombre de mouvements et la 5e place des domaines d’expertises qui connaissent le plus de mouvements. Il est intéressant de constater que ces mouvements concernent près de 20 cabinets, ce qui tend à confirmer un mouvement de fonds des cabinets d’avocats d’affaires qui cherchent à « s’équiper » en compétences IP/IT.
Les spécialistes du PRIVATE EQUITY se concentrent sur les deals :
Le PRIVATE EQUITY a finalement connu peu de mouvements par rapport à 2009. Si l’activité des fonds a repris et si la confiance semble revenir comme le démontre l’indicateur de confiance des fonds d’investissement de Eight Advisory, le nombre d’associés spécialisés en Private Equity qui ont bougé en 2010 est même inférieur à 2009 (10 contre 11) laissant à penser que les avocats ont été occupés à gérer les deals plutôt qu’à changer de cabinet. On remarque que depuis 5 ans, hormis l’année 2008 qui fut exceptionnelle avec 16 mouvements, la moyenne annuelle de mouvements des spécialistes du Private Equity oscille entre 10 et 12.
Le RESTRUCTURING ne bougent plus.
Les spécialistes des restructurations s’étaient mis en ordre de bataille dès 2008 (18 mouvements) et avaient poursuivi leurs mouvements en 2009 (11 mouvements) faisant face, situation de crise oblige, à un nombre de dossiers très importants et à une demande accrue pour accompagner les entreprises en sous- performance. En 2010, seuls 5 associés ont bougé.
Le DROIT PUBLIC à la mode !
En 2010, 13 associés spécialisés en Droit Public ont changé de cabinets contre seulement 7 en 2009. Cette tendance est à mettre en regard des recrutements de plus en plus fréquents des cabinets dans les Ministères, dans la Haute Administration voire en Politique pour développer leurs départements Droit Public, en apportant notamment leur crédibilité et ... leur carnet d’adresse. Cette évolution n’est pas si surprenante puisque que l’Etat, crise ou pas, continue de lancer des appels d’offres et d’utiliser des conseils, tant est si bien que les cabinets ont tout intérêt à investir le marché public.