Un vrai renforcement de la pluralité des expertises et compétences…
Alors que les épreuves s’amoncellent pour les entreprises à l’orée d’une nouvelle crise économique globale et d’une accélération du changement climatique, le choix des compétences des administrateurs s’affirme comme une donnée essentielle pour affronter un monde toujours plus volatil et incertain, exigeant agilité et résilience de la part des dirigeants. À cet égard, la France semble avoir initié sa mue.
L’étude menée par Heidrick & Struggles révèle que sur 32 administrateurs nommés en 2019 au sein des conseils du CAC40, la part accordée à la diversité des parcours et des compétences continue d’augmenter. Malgré une surreprésentation persistante des profils de directeurs généraux et directeurs financiers (anciens et présents), cette dernière est sensiblement en baisse, passant de 90 % en 2018 à 78 % en 2019 (ce qui reste plus élevé que la moyenne européenne qui s’établit à 50 %).
Une attention particulière est attachée à la capacité des nouveaux entrants à comprendre les enjeux liés au digital (34 %) et au développement durable (19 %). Ces derniers chiffres attestent d’une vraie montée en puissance de cette problématique au sein des Boards des grandes entreprises d’origine française – bien que la proportion reste faible – et place l’hexagone à la seconde place européenne en la matière, derrière les Pays-Bas.
De même, l’étude montre une plus grande prise en compte des profils disposant de compétences liées à la gestion des risques financiers (19 %) et à la cyber sécurité (6 %), témoignant d’une réelle prise de conscience quant aux nouvelles menaces qui pèsent sur les entreprises, à l’instar du reste de l’Europe (respectivement 34 % et 4 % en moyenne).
Au-delà de la diversité des compétences, l’étude révèle également que les administrateurs nommés, dans leur grande majorité, viennent d’un autre secteur que celui de l’entreprise qu’il rejoigne. Cette tendance atteint même 100% dans le secteur Life Sciences et près de 67 % pour les Business services. La France se démarque ici des autres pays européens qui font d’avantage appel à des experts sectoriels.
…malgré une progression de la parité et de la diversité en demi-teinte
En parallèle de la dynamique de diversification des compétences, l’étude montre également une augmentation de la part des femmes accédant au statut d’administrateur, ces dernières représentant 50 % des administrateurs nommés en 2019, contre 35 % l’année précédente. Cette hausse de 15 % maintient la France à la quatrième place en Europe, juste au-dessus de la moyenne continentale située à 49 %.
L’intégration d’administrateurs provenant d’un pays différent du pays d’implantation, en revanche, marque le pas, avec un recul de près de 3 % passant de 44 % en 2018 à 41 % en 2019. Même si la France reste parmi les pays européens avec le plus de non-nationaux au sein des Boards, elle est loin des Pays-Bas, leader en la matière (60 % d’administrateurs étrangers). Un chiffre qui contraste avec la propension des grands groupes français à privilégier l’expérience à l’international, dont peuvent se prévaloir 72 % des administrateurs nommés sur la dernière année, ainsi qu’avec les défis globalisés auxquels les entreprises font face.
La séniorité : un prérequis en perte d’importance
Les experts d’Heidrick & Struggles notent que l’expérience reste privilégiée dans la nomination des administrateurs mais dans une moindre mesure que les années précédentes. Ainsi, 50 % des nouveaux entrants occupent ou ont occupé une fonction de PDG contre 71% en 2018. De même, l’étude révèle que la part des administrateurs retraités de leur fonction exécutive reste faible, s’élevant en 2019 à 31 % contre 54 % à l’échelle européenne.
Ce phénomène s’explique par la difficulté de combiner l’intégration de compétences nouvelles au sein des conseils avec la nomination d’administrateurs aux carrières les plus longues, dont les profils restent généralement conformes à des standards d’expertise assez classiques (gouvernance, finance…).
Dans une même logique, l’âge moyen des administrateurs accuse une baisse, passant de 56 ans en 2018 à 55 ans en 2019, positionnant le CAC40 parmi les indices européens où la moyenne d’âge est la plus basse (derrière l’Allemagne et le Portugal). Le signal annonciateur, peut-être, d’un rééquilibrage générationnel au sommet des grandes entreprises hexagonales.
« L’entrée au sein des Boards français et européens de profils nouveaux, notamment spécialisés autour de la gestion des risques – environnementaux, financiers, digitaux, cyber… – est la marque d’une véritable prise de conscience des entreprises quant à l’importance de muscler leurs défenses face aux menaces systémiques qui pèsent sur leur activité. Et ce, avant même le début de la crise sanitaire qui augure aujourd’hui une accentuation de cette tendance sur les prochaines années », commente Sylvain Dhenin, Managing Partner CEO & Boards pour l’Europe & l’Afrique chez Heidrick & Struggles.
« Les conseils d’administration ont compris qu’ils devaient s’adapter aux évolutions de la société. À ce titre, l’entrée d’administrateurs avec une connaissance des enjeux liés au développement durable montre une volonté des entreprises de se saisir de la lutte contre le réchauffement climatique. Les efforts constatés en 2019 vont très certainement s’amplifier dans les prochains mois, sous l’impulsion notamment des fonds d’investissement actionnaires, avec pour objectif de faire de l’ESG une donnée cardinale de la gouvernance des grands groupes français », ajoute Muriel Moreau, Managing Partner de la Practice Financial Services & Private Equity et Responsable du bureau parisien d’Heidrick & Struggles.