Le burn-out

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Laura FERRY, Counsel et Avocat à la CourLe burn-out ne sera pas inscrit dans un tableau de maladies professionnelles mais les pathologies psychiques pourront être reconnues comme ayant un caractère professionnel.

Le burn-out ne figurera pas dans les tableaux de maladies professionnelles, contrairement à ce que souhaitait Benoît Hamon, en revanche, les pathologies psychiques pourront être reconnues comme maladies professionnelles.

Tout au long de la dernière semaine de mai, l’Assemblée Nationale a débattu du projet de loi sur le dialogue social.

Dans le cadre de ce débat, le député des Yvelines, Benoît Hamon, a déposé des amendements afin que le burn-out soit reconnu au titre de la législation des maladies professionnelles.

Or, le gouvernement ne souhaitait pas inscrire le burn-out dans un tableau de maladies professionnelles. Le motif étant qu’il serait impossible aujourd’hui d’évaluer le coût que cela représentait pour la branche AT/MP et que cela risquerait d’entraîner une aggravation des dépenses publiques.

Le gouvernement a déposé un amendement afin que l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale soit ainsi complété "les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladie d’origine professionnelle dans les conditions prévues aux 4ème et 5ème alinéas" soit par le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles relevant de la compétence des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Le 2 juin dernier, l’Assemblée Nationale a finalement adopté le projet de loi dont l’amendement du gouvernement.

La souffrance au travail est par conséquent expressément reconnue par le législateur mais elle n’a pas été définie (1) et il reviendra au CRRMP de se prononcer sur le caractère professionnel de cette pathologie (2). Ceci pourra avoir des conséquences financières importantes pour l’employeur (3).

1. L’absence de définition légale des risques psycho-sociaux

Selon une étude du ministère du travail, un salarié sur dix est surexposé aux risques psycho-sociaux et trois sur quatre pensent que leur travail peut nuire à la santé.

Les risques psycho-sociaux recouvrent différents phénomènes : le stress, les violences internes (le harcèlement moral et le harcèlement sexuel), les violences externes, notamment par les personnes extérieures à la société, l’épuisement professionnel (appelé burn-out), le suicide et plus largement toutes formes de mal-être au travail.

Cependant, il n’existe pas de définition légale de ces risques.

Seuls ont fait l’objet d’un encadrement législatif, le harcèlement sexuel et le harcèlement moral qui ont été strictement définis.

Or, le projet de loi n’a donné aucune définition ni indiqué les éléments permettant de définir les "pathologies psychiques".

2. La reconnaissance des troubles psycho-sociaux ayant une origine professionnelle

Ces dernières années est apparue une importante augmentation des demandes de prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles liés à des troubles psycho-sociaux.

Aujourd’hui, 15 à 20 suicides par an sont qualifiés d’accident du travail.

La présomptiond’imputabilité joue si l’accident se produit sur le lieu du travail ou s’il est consécutif à une maladie professionnelle ou un accident du travail. Lorsque le suicide a lieu dans un autre contexte, il appartiendra aux ayants-droit de démontrer le lien entre le suicide et l’activité professionnelle.

Quant au burn-out, une étude du cabinet Technologiarévèle que près de trois millions d’actifs seraient soumis à ce risque, chiffre contesté par une partie du corps médical et de nombreux praticiens.

A ce jour, une dizaine de cas par an sont pris en charge par la sécurité sociale à condition qu’elle implique un taux d’incapacité permanente partielle de plus de 25 % et que lien soit établi avec l’activité professionnelle. Il appartient enfin au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de reconnaître le caractère professionnel du burn-out.

Dans le cadre du projet de loi, il est envisagé d’inclure des praticiens spécialisés en psychiatrie au sein des CRRMP qui participeront à la procédure d’examen des dossiers.

Il s’agit là d’une disposition qui semble pertinente compte tenu de l’aspect psychologique des pathologies concernées et dont seul un expert spécialisé dans ce domaine pourra déterminer si l’activité professionnelle peut l’avoir provoquée ou aggravée.

Le projet de loi prévoit également que le Gouvernement remettra au Parlement avant le 1er juin 2016 un rapport sur l’intégration des affections psychiques dans le tableau des maladies professionnelles ou un abaissement du seuil d’incapacité permanente partielle (10 % au lieu des 25 %) pour ces affections.

Le projet de loi doit être examiné au Sénat à partir du 22 juin prochain.

3. Les conséquences de cette reconnaissance pour l’employeur

L’inscription du burn-out ou de toute maladie psychique dans un tableau de maladie professionnelle aurait pour effet de créer une présomption d’imputabilité à l’employeur qui paraît totalement contestable.

Tous les praticiens admettent la difficulté de qualifier le burn-out et de définir des critères objectifs d’exposition car il s’agit d’une pathologie dont l’origine peut être multiple.

Une telle reconnaissance au titre des maladies professionnelles implique un coût financier très important pour les sociétés qui verront leur taux de cotisation fortement impacté.

A ce risque, vient s’ajouter celui d’un recours en faute inexcusable qui pourra être engagé dès lors que le burn-out ou la maladie psychique sera reconnue comme étant d’origine professionnelle.

Le choix fait aujourd’hui par le législateur aura donc évidemment pour effet d’accroître les coûts financiers sur les entreprises ainsi que leur responsabilité.

Il leur appartiendra d’être particulièrement vigilantes sur l’état psychique de leur salarié dès leur embauche et d’y veiller durant toute leur carrière professionnelle.

Laura FERRY
Counsel, Avocat à la Cour,
Reed Smith


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