Escroquerie par stratagème : l’utilisation abusive d’instruments de paiement la caractérise selon la Chambre Criminelle

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Anne Orsay - Avocate - Cabinet Anne ORSAYUn décryptage d'Anne Orsay, Cabinet Anne ORSAY, Avocats au Barreau de Lyon.

Rappel : L’infraction d’escroquerie consiste à utiliser des procédés de tromperie dans le but d’induire en erreur la victime et de déterminer ainsi une remise.

Au titre des éléments constitutifs du délit d’escroquerie prévu et réprimé par l’article 313-1 du Code Pénal, il est notamment nécessaire de démontrer l’existence de manœuvres frauduleuses déterminantes d’une remise préjudiciable.

Les procédés de tromperie sont les suivants :
- Usage d’un faux nom,
- Usage d’une fausse qualité,
- L’abus de qualité vraie,
- L’emploi de manœuvres frauduleuses.

I. La notion d'escroquerie par stratagème résultant de l'arrêt de la chambre criminelle du 6 juin 2011 (N° 10-83.568)

Un individu se fait ouvrir un compte bancaire et délivrer un chéquier, la banque lui accordant en outre une autorisation de découvert (100,00 €). Il tire 20 chèques en 10 jours pour un totale de 23.989,31 €.
La cour d’appel de Versailles le déclare coupable du délit d’escroquerie au motif "qu’il a ouvert un compte (et s’est fait délivrer un chéquier) pour créer l’illusion de moyens financiers qu’il ne possédait pas et qu’il n’avait pour but que de tromper les commerçants en vue d’obtenir la remise des biens".

La chambre criminelle retient que la cour d’appel a justifié sa décision "Dès lors que l’ouverture d’un compte bancaire avait pour seul but de se faire délivrer un chéquier destiné à créer l’apparence d’une solvabilité, et que les chèques n’ont été utilisés que pour obtenir la remise de marchandises avec le dessein formé dès l’origine de ne pas payer le prix, ce stratagème caractérisant les manœuvres frauduleuses constitutives de l’escroquerie".

Les biens ayant été revendus, la simple émission de chèques sans provision n’est pas retenue car il y a " mise en scène". En effet, constitue le délit d’escroquerie par manœuvres frauduleuses "une machination, c'est-à-dire la combinaison de faits, l’arrangement de stratagèmes, l’organisation de ruses, soit une mise en scène ayant pour but de donner crédit au mensonge". [Crim. 11.05.1971 Bull. Crim. N° 145]

La mise en scène prend la forme de mise en œuvre de moyens tendant à conférer une certaine crédibilité aux mensonges de l’escroc ou tout le moins à permettre qu’ils soient plus facilement crus par la victime.

Exemple : constitution d’une société de pure façade et fausse affirmation par lettre circulaire ou par appels téléphoniques que ladite société, prétendue en plein développement, disposait d’une trésorerie important avec promesse de règlement de l’achat des marchandises par lettres de change demeurées impayées à leurs échéances respectives, aux fins de persuader les fournisseurs de l’existence d’une fausse entreprise et d’un crédit imaginaire. [Crim. 5.10.1977 N° 77-90.482]

II. Escroquerie ou simple mensonge ?

Le simple mensonge, même écrit ou réitéré, ne constitue pas à lui seul l’escroquerie et il doit être accompagné d’un élément extérieur assurant sa crédibilité : fait matériel ou intervention d’un tiers. Tel est le cas de la production d’un écrit illustrée par les exemples ci-après.

Cour de cassation, chambre criminelle, 14 novembre 2007 (pourvoi n° 07-83.208)

Pour récupérer plus de TVA un entrepreneur remplace les factures de son fournisseur mentionnant une TVA à 5,5 % par de fausses factures au taux de 19,6 %.
Il n’y a pas simple mensonge sur le taux réel  de TVA facturée mais mise en scène caractéristique d’une manœuvre frauduleuse.

Cour de cassation, chambre criminelle, 1er juin 2011 (pourvoi n° 10-87.112)

La Sté P. a confié la réalisation de boitiers électronique à une Sté GIP, laquelle a remis à un établissement de crédit aux fins d’affacturage des factures mentionnant outre des frais d’assemblage, la fourniture de matières premières qui avaient déjà été payées par la Sté P.

Elle a déposé plainte du chef d’escroquerie.

L’ordonnance de non-lieu rendue par le Juge d’Instruction est confirmée par la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de NIMES " au motif qu’en l’absence d’intention et de manœuvre frauduleuse, la simple erreur dans l’établissement des factures ne saurait être constitutive d’escroquerie ; qu’à la supposer établie, la surfacturation volontaire constitue UN MENSONGE ECRIT ; qu’un simple mensonge même produit par écrit, ne peut constituer une manœuvre caractérisant le délit d’escroquerie en l’absence d’élément extérieur lui donnant force ou crédit ; que les investigations réalisées n’ont établi l’existence d’aucun fait extérieur destiné à donner force ou crédit aux surfacturations concernées".

La Chambre Criminelle poursuivant l’évolution de la Jurisprudence depuis 2006, casse l’arrêt en précisant "attendu qu’en statuant aussi, alors que les factures jointes à l’appui de bordereaux comportant une quittance subrogative en faveur d’un FACTOR étant des titres, l’utilisation en connaissance de cause, de factures fictives pour obtenir leur paiement constitue une escroquerie, la Chambre d’Accusation, à qui il appartenait de rechercher si la surfacturation était frauduleuse, n’a pas justifié sa décision".


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