"Ces premières actions permettent de susciter un effet médiatique, tout en limitant les risques liés à la gestion d’un nombre trop important de personnes lors des étapes ultérieures de l’action de groupe"

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Kami Haeri, associé et Benoît Javaux, avocat senior au sein du cabinet August & DebouzyKami Haeri, associé et Benoît Javaux, avocat senior au sein du cabinet August & Debouzy reviennent sur la deuxième action de groupe lancée contre Paris Habitat OPH, le principal bailleur d'Ile de France. par l'association de locataires SLC-CSF.

Pouvez-vous rappeler le contexte de cette action de groupe ?

Cette première action était attendue. En effet, l’action de groupe vient de loin : véritable serpent de mer, elle a été envisagée à de nombreuses reprises depuis les années 1980. Promise par les trois derniers Présidents de la République, elle a fait l’objet de contributions de qualité (en particulier le rapport des sénateurs Béteille et Yung de 2010), qui ont progressivement permis de trouver un consensus sur son régime. C’est finalement dans la loi "Consommation" de Benoît Hamon qu’un dispositif d’action de groupe a été inséré. Cette loi a été promulguée le 17 mars 2014. Derniers épisodes en date : la publication du décret d’application et l’entrée en vigueur de la procédure d’action de groupe le 1er octobre 2014. Le jour même était introduite la première action devant le Tribunal de grande instance de Nanterre.

Que pensez-vous du fondement juridique sur lequel s'appuie l'association ?

L’action d’UFC Que Choisir serait fondée sur une prétendue violation de la loi de 1989 sur les rapports locatifs. Ce fondement n’est pas anodin : les dispositions légales invoquées ne relèvent pas du droit de la consommation, qui constituait pourtant la raison d’être de l’action de groupe. On constate donc dès la première procédure une extension du champ initial de l’action de groupe, laissant présager que les manquements reprochés aux professionnels seront particulièrement larges.

Pensez-vous que d'autres contentieux du même type vont voir le jour ?

Oui, bien sûr. C’est d’ailleurs ce qui a été annoncé par les associations elles-mêmes. Elles ont notamment mentionné les secteurs de la banque, de l’assurance et de la téléphonie. Après une phase d’adaptation des associations à cette nouvelle procédure, on peut donc s’attendre à ce que de nombreuses actions soient introduites. Il semble donc qu’une forme d’instrumentalisation de la procédure se dessine, consistant à annoncer dans les medias une action de groupe dans le but de pousser le professionnel concerné à prendre des engagements sous le poids de la pression médiatique, et cela indépendamment du bien-fondé de la demande. C’est le cas à notre connaissance de la deuxième action de groupe annoncée par l’association de locataires SLC-CSF.

Pourquoi selon vous, les premières actions de groupe sont dans le domaine de l'immobilier ?

Une action de groupe dans le domaine de l’immobilier a l’avantage de toucher un nombre suffisant de personnes, ayant toutes signées un contrat identique (contrats d’adhésion), pour attirer l’attention des médias, tout en restant plus limité que dans d’autres domaines (par exemple la téléphonie) susceptibles de concerner des millions de personnes. Ces premières actions permettent donc de susciter un effet médiatique, tout en limitant les risques liés à la gestion d’un nombre trop important de personnes lors des étapes ultérieures de l’action de groupe.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier


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