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Christiane Féral-Schuhl : "Je souhaite que ce projet soit modifié car il est aujourd’hui porteur d’insécurité juridique pour les futures parties aux actions de groupe"

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feral schuhl_christianeLe Monde du Droit a interrogé Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier de Paris, sur les dispositions sur l'action de groupe contenues dans le projet de loi relatif à la consommation.

Que pensez-vous des dispositions sur l'action de groupe contenues dans le projet de loi consommation ?

Tout d’abord, je tiens à faire remarquer que le droit français permet d’exercer des actions collectives, certes de manière limitée, mais qui pourraient être travaillées et réformées dans l’intérêt des justiciables. Nous aurions donc pu travailler sur cette version française de l’action collective plutôt que d’importer le système américain qui par ailleurs est critiqué et qui vient compliquer nos règles de procédure.

Le projet de loi présenté par le gouvernement est en fait enfermé dans une série de contraintes préjudiciables pour les consommateurs :
- En effet, le consommateur est obligé de s’inscrire dans une procédure pilotée par un guichet unique composé de 16 associations de consommateurs agréées au plan national. Il perd donc sa liberté d’action.
- Par ailleurs, réserver toutes les actions de groupe à une quinzaine d’associations de consommateurs, c’est créer une nouvelle situation de monopole et de rente en parfaite contradiction avec l’esprit de la loi. On peut donc s’interroger sur la constitutionnalité d’une telle restriction.

Pourquoi selon vous les avocats ne peuvent pas exercer d'actions de groupe dans le projet de loi consommation ?

Ce projet de loi ne m’inquiète pas pour les avocats qui, de tout façon, seront sollicités par les associations de consommateurs, mais pour les consommateurs et les justiciables eux-mêmes pour les raisons que je viens d’évoquer.

J’ai bien peur que cette loi ne génère plus de frustrations que d’avancées concrètes.

Depuis des siècles, c’est l’avocat, et lui seul, qui assure et garantit les droits des justiciables. Je me battrai pour qu’il en soit ainsi y compris dans les actions de groupe.

Quelles sont les modifications que vous souhaitez en faveur des avocats ?

Je souhaite que ce projet soit modifié car il est aujourd’hui porteur d’insécurité juridique pour les futures parties aux actions de groupe.

Certains éléments essentiels doivent donc être précisés : Qui prendra en charge les frais engendrés par les associations de consommateurs dans ces procédures ? Qui organisera la distribution à plusieurs milliers de bénéficiaires des indemnisations ? Qui paiera ? Et quand je dis « Qui paiera ? », c’est parce que seules deux réponses me semblent envisageables, soit le consommateur, soit le contribuable.

L’avocat accompagne les justiciables en mettant en place des services gratuits comme l’aide juridictionnelle ou les consultations gratuites depuis de nombreuses années. C’est pourquoi nous sommes mobilisés aujourd’hui pour améliorer et infléchir cette réforme mal préparée.

Le gouvernement ne peut pas avoir deux discours : expliquer aux avocats que l’aide juridictionnelle scandaleusement dévalorisée ne peut pas être abondée du fait de la situation des finances publiques ; et s’engager dans un dispositif nécessairement coûteux.

Enfin, au-delà du financement, se pose aussi la question du contrôle et de la garantie délivrés par ces associations dans le cadre des actions de groupe : Avec quelles expertises ? Selon quelles règles déontologiques ? Avec quelle prévention des conflits d’intérêts ? Avec quelle protection du secret des informations qui leur seront délivrées par les consommateurs ?

Sur toutes ces questions, là encore, les avocats ont des réponses qui bénéficient de plus de 200 ans d’expérience et d’expertise. Nous ne pouvons donc être qu’écoutés et entendus.

La balle est désormais dans le camp du gouvernement.

 

Propos recueillis par Arnaud DUMOURIER


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