L'investissement international face à de nouvelles épreuves

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Corinne Vadcar
L'investissement international est soumis, ces temps-ci, à de nouvelles épreuves. La crise de 2008-09 avait déjà mis à mal le volume des flux entrants d'investissement direct étranger (IDE) dans le monde. Ce sont maintenant les propensions à en restreindre la circulation d'un nombre croissant d'États qui affecte une dynamique pourtant incontournable dans la globalisation et un processus essentiel à la compétitivité des entreprises.
Certes, les États ont, depuis l'échec des négociations pour un Accord multilatéral sur l'investissement (AMI), abandonné l'ambition de libéraliser, à l'échelle internationale, l'investissement. Même si la Déclaration de Doha, lors du Sommet de l'OMC en 2001, a intégré l'investissement parmi les nouveaux sujets de négociation, force est de reconnaître que les avancées ont été faibles. 
Et, pourtant, les États ont cherché quelques percées, si ce n'est réglementaires – à l'instar des dispositions sur l'investissement dans de nombreux accords bilatéraux de libre-échange (ALE) – du moins normatives comme dans le cadre de l'OCDE avec l'adhésion d'un nombre croissant de pays à la Déclaration et aux Décisions sur l'investissement international et les entreprises multinationales.
Dans tous les cas, ils apportent une attention particulière aux évolutions des législations su les IDE, surtout quand ces dernières se révèlent plus restrictives. Et c'est probablement le fait que les mesures limitatives prennent le pas sur les mesures incitatives qui inquiète la communauté des entreprises. Partout, les signaux sont :
  • à la réappropriation des États sur les ressources naturelles – c'est vrai du Brésil qui entend maîtriser la participation étrangère à l'exploitation de ses "nouvelles" ressources, notamment le pétrole en "pre-sal" –,
  • à une nouvelle rupture entre pays libéraux et pays "réfractaires" en matière d'accueil des IDE avec un renoncement à certains engagements comme le retrait de la Bolivie et du Venezuela du CIRDI,
  • à l'inclusion croissante et légitime de normes environnementales dans les projets d'investissement – c'est vrai de la France, par exemple, avec la perspective de refonte du Code minier et,
  • à une approche plus sélective des investissements entrants sur le territoire – avec une certaine ambivalence de l'attitude à leur égard (cas de l'Inde voire de l'Indonésie par exemple) – ou encore avec des obligations de contenu local (cas de la Russie et de la Chine) qui sont redevenues la règle dans nombre de pays émergents après avoir été abandonnées dans les années 1990 et ce, dans la perspective de capter les investissements qui permettent un transfert de technologie ou de savoir faire en leur faveur.
Dans ce contexte de ré-émergence de pratiques "nationalistes" voire protectionnistes qui étaient le fait, au milieu des années 1990, des détenteurs de ressources naturelles (nationalisme minier et pétrolier) mais qui gagnent, aujourd'hui, une grande partie des pays du G20, des réactions se font jour.
Lors du G20 de Los Cabos (Mexique), plusieurs États se sont ainsi engagés à geler toute mesure protectionniste jusqu'à 2014. Reste que la crise de l'Europe, en se propageant à d'autres régions du monde, pourrait bien voir renaître, comme en 2008-09, des plans de soutien aux économies. De fait, le rapport de la Commission européenne remis à la veille du G20 de juin 2012 "Ninth report on potentially trade restrictive measures" laisse déjà entrevoir un retour de ces formes d'aide aux secteurs affectés par la crise.
Dès lors, il est certain que les entreprises requièrent à la faveur d'une fragmentation poussée de leur chaîne de valeurs dans le monde, une sécurité juridique renforcée que les États et les institutions tentent de satisfaire par des solutions qui restent, somme toute, encore partielles ou spécifiques.
Cela va de l'édiction, par International Chamber of Commerce (ICC), d'un guide pour les investissements internationaux qui donne aux entreprises des indications utiles sur l'évolution du cadre réglementaire et institutionnel de leurs implantations à l'étranger… à la récente initiative européenne visant à protéger les investissements étrangers au niveau de l'ensemble de l'UE et à garantir de la sorte que l'Europe continue d'être un lieu sûr et attrayant pour les sociétés étrangères qui y investissent…, en passant par le projet d'ALE entre l'UE et le Canada dont certaines dispositions pourraient porter, à la demande du Canada, sur l'inclusion d'un mécanisme permettant aux sociétés canadiennes de réclamer une indemnisation aux États membres si une politique gouvernementale nuit à leurs intérêts commerciaux.
L'on voit combien que ces dispositifs – relativement éparses ou disparates – illustrent un besoin croissant des entreprises, quel que soit leur pays d'origine. De quoi remettre à l'ordre du jour un projet plus ambitieux techniquement mais bien difficile politiquement.
Corinne Vadcar