Chirurgiens esthétiques : à vos CA3 !!!

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Christian GUICHARD et Hélène RELANGE, Avocats, Lamy LexelHistoire d'une association non désirée à 19,60%.

Se familiariser avec les déclarations de TVA, répercuter équitablement une augmentation de prix de 19,6% de leurs prestations, voici à quoi sont confrontés, depuis quelques jours, les chirurgiens esthétiques et certains dermatologues (pratiquant notamment des épilations lasers).

En effet, les réunions du groupe de travail, auxquelles participaient les organisations représentatives du secteur de la santé, pilotées par la Direction de la législation fiscale, n’auront finalement pas suffi à modifier, sur le fond, la décision de rescrit du 10 avril 2012 (1).

Par cette décision, l’administration fiscale énonce que les actes de chirurgie esthétique à finalité non thérapeutique, à savoir ceux qui ne font l’objet d’aucun remboursement (partiel ou total) par l’assurance maladie, doivent être assujettis à TVA.

Cet assujettissement, qui bouleverse les pratiques des chirurgiens esthétiques, n’est pourtant pas une nouveauté législative.

En effet, par un arrêt de 2003 (2) , la CJCE posait déjà les conditions de l’exonération de TVA des actes médicaux, ne devant concerner que les actes à finalité thérapeutique.

Or, en retenant une approche extensive de la notion de soins, l’ensemble des actes de chirurgie esthétique était considéré comme tel et entrait ainsi dans le cadre de l’exonération de l’article 261 du Code Général des Impôts.

Dans la pratique, les actes de chirurgie esthétique étaient donc facturés sans application de TVA.

La première pierre à l’édifice du changement fût donc le rescrit précité du 10 avril 2012 qui, faisant suite à une réclamation contentieuse d’une praticienne (3), pose le critère du remboursement par l’assurance maladie pour apprécier l’assujettissement des actes à TVA.
La contestation des membres de la profession, au regard de ce critère jugé en totale inadéquation avec la finalité de leurs pratiques, ne se fit pas attendre et donna lieu à la formation d’un groupe de travail ayant pour mission de statuer sur le critère de détermination de la finalité thérapeutique d’un acte.

Epilogue de l’histoire le 27 septembre dernier, lorsque, à l’issue de cette consultation et d’un arbitrage ministériel, l’administration fiscale publie une actualité dans la base BOFIP-Impôts annonçant la mise à jour du rescrit n°2012-25 à la date du 27 septembre 2012.

« Les seuls actes qui bénéficient de l’exonération de TVA sont ceux qui sont pris en charge, totalement ou partiellement, par l’assurance maladie… »

Dans une période où le déficit de l’assurance maladie devrait être au cœur des débats, l’instauration d’un critère basé sur la prise en charge des actes ne semble pas encourager aux économies ni à la lutte contre la fraude…

Les réunions du groupe de travail n’auront toutefois pas été vaines car, par mesure de modération, l’application de ce critère ne donnera lieu ni à rappel, ni à restitution s’agissant des actes de médecine et de chirurgie esthétique effectués antérieurement au 1er octobre 2012.

Les contrôles en cours portant sur l’application de cette TVA, suspendus et transmis à la DLF (4), ne donneront donc pas lieu à rappel pour la TVA n’ayant pas été collectée sur ces actes avant le 1er octobre 2012.

Inversement, les chirurgiens esthétiques ayant assujetti leurs actes à TVA avant le 1er octobre ne pourront pas en obtenir le remboursement.

Enfin, soulignons que les frais d’hospitalisation et de traitement, facturés par les cliniques de chirurgie esthétique, restent (sauf exigence particulière du patient) quant à eux exonérés de TVA.

Ainsi, pour un même acte, une dichotomie existe aujourd’hui entre les honoraires du médecin, assujettis à TVA, et les frais annexes à cette prestation, non assujettis.

A l’heure actuelle, le syndicat national de la chirurgie plastique, reconstructive et esthétique (SNCPRE) n’entend pas refermer le dossier : un référé-suspension de l’application du nouveau rescrit et un recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation de cette mesure devraient être déposés prochainement au Conseil d’Etat.

Christian GUICHARD, Avocat Associé, Lamy Lexel

Hélène RELANGE, Avocat, Lamy Lexel

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NOTES

 

1. Rescrit n°2012-25
2. CJCE, 20 novembre 2003, aff C-212/01 Margarete Unterpertinger
3. Qui entendait obtenir remboursement de la TVA qu’elle estimait avoir collectée à tort sur ses prestations de chirurgie esthétique
4. Réunion du groupe de travail du 28 aout 2012