Des bons réflexes juridiques des jeunes entreprises technologiques : sécuriser son activité tout en finançant son développement !

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impotsThierry Clerc, Valérie Crèvecoeur, Corinne Pillet ainsi que Stanislas Dublineau, Avocats associés chez IDAvocats, nous reviennent sur les réflexes juridiques à avoir pour sécuriser l'activité et financer le développement des jeunes entreprises technologiques.

Qui n’a pas rencontré un jeune entrepreneur qui, ayant mis par exemple au point une toute nouvelle application ludo-éducative pour portables et tablettes, recherchait des financements qui lui ont été refusés dans l’immédiat, faute d’avoir procédé aux déclarations administratives préalables à la commercialisation de son produit innovant ? Ceci n’est pas un cas d’école et, au-delà de cet exemple bien réel, nombre de porteurs de projets et de jeunes entrepreneurs subissent des coûts parce qu’ils n’ont pas structuré leur projet en appréhendant le droit comme un outil stratégique de leur développement.

Biotechnologies, high-tech et green technologie représentent aujourd’hui 75% des grandes avancées technologiques des industries. Autant d’activités sur lesquelles les pouvoirs publics et parapublics misent pour maintenir la croissance économique française en aidant les jeunes entrepreneurs. Se positionnant sur des créneaux innovants, nombre d’entre eux souhaitent développer leurs brevets ou leur savoir-faire à partir de financements qu’ils trouveront notamment auprès de la Région, d’Oséo et des banques locales. C’était là d’ailleurs une des opportunités qu’offrait la seconde édition des B.I.G. Talents organisée en novembre 2012 par l’ADEAR Rouen Développement. Mais le financement n’est pas tout et l’offre globale de conseils que proposait également cette manifestation a permis à tous ces jeunes talents de prendre la mesure des avantages d’un projet également bien structuré sur le plan juridique. En effet, que ce soit au démarrage ou en phase de développement, les jeunes structures doivent prendre très en amont le temps de la réflexion pour envisager le droit comme un outil stratégique au service du développement pérenne de leur activité, sans attendre la survenance des besoins au coup par coup, ou pire, celle d’un contentieux. Vouloir entreprendre est une chose mais prendre conscience des risques inhérents à cette volonté d’entreprendre en est une autre et ne pas le faire peut être extrêmement dommageable pour l’avenir en termes de coûts. Il convient en effet de se poser des questions élémentaires dès la phase de démarrage. Quel choix de structure doit-on faire pour créer son entreprise ? Comment le droit de la propriété intellectuelle va-t-il permettre de protéger son innovation ? Comment optimiser toutes les ressources dont on dispose, à commencer par les ressources humaines, pour accélérer son développement ? Comment est-il possible de créer des synergies avec d’autres partenaires et dans quelle mesure serait-il opportun de se regrouper ? A toutes ces questions, le droit des affaires, le droit de la propriété intellectuelle, mais aussi le droit social, apportent des éléments essentiels de réponse.

Un besoin d’expertises transversales dès la phase de démarrage
Il importe avant toute chose de s’interroger sur la manière de regrouper les associés, cela indépendamment du choix de la structure sociale. La préparation d’un pacte d’actionnaires permettra de déterminer en premier lieu le rôle imparti à chacun, tout en posant clairement les règles de gouvernance, règles qui seront plus adaptées que celles existant dans les statuts de sociétés, spécialement lorsqu’il s’agit d’une S.A.R.L. Ce pacte d’actionnaires sera naturellement rédigé en fonction de la typologie du projet pour une durée pouvant aller de 3 à 5 ans, ce avant que les règles de distribution de revenus ne changent avec l’entrée d’un nouvel investisseur dans le capital de la société. Dans le même temps, il reste primordial de bien protéger son invention. Que se passera-il notamment si l’inventeur quitte un jour la société ? Il sera d’autant plus essentiel d’anticiper si cet inventeur cumule des fonctions salariées et un mandat social. A titre d’exemple, une clause de non-concurrence peut être insérée, soit dans le contrat de travail, soit dans les statuts de la société. Le régime juridique sera bien évidemment différent dans les deux cas. Il reste par ailleurs tout aussi important de rechercher le régime fiscal le plus favorable permettant de bénéficier de la déductibilité de certaines charges, tout en récupérant la TVA sur les dépenses engagées pour le compte de la société en formation. Et, dans la mesure où il est possible d’engager des dépenses de R&D, il sera très utile de chercher à bénéficier du crédit impôt recherche que maintient la Loi de finance pour 2013. Si c’est là en effet une source de nouvelles disponibilités, encore faut-il avoir la certitude que les dépenses sont bien éligibles. On pensera naturellement à toutes les recherches et études faites pour déposer un brevet à l’INPI ou devant l’Office européen des brevets mais qu’en est-il des dépenses liées au savoir-faire protégeable au titre du droit d’auteur ou du droit des sources en matière informatique ?
L’entrepreneur doit rester vigilant sur tous les fronts, sans oublier les risques et opportunités que présente le droit social, au-delà de la formalisation des contrats de travail et du système de rémunération des dirigeants. La mobilité des salariés reste en effet un sujet prégnant, les conditions d’expatriation et de détachement n’étant pas les mêmes. Le travail en réseau peut également devenir une préoccupation : il n’est pas sans incidence juridique sur le plan du droit social.

La nécessaire convergence des expertises juridiques même en phase de développement
L’imbrication des disciplines juridiques les unes aux autres, si elle est un fait indiscutable au démarrage de l’entreprise, est encore plus vraie en phase de développement : les décisions prises sur un plan peuvent avoir un impact déterminant sur un autre, ce qu’il convient d’anticiper en ayant recours à des expertises transversales qui convergent. En phase de développement, l’entreprise aura besoin d’être conseillée sur les modalités d’augmentation du capital à réaliser, cela pour permettre les prises de participation des fonds d’investissements ou d’industriels avec lesquels l’entreprise peut développer des synergies de par la complémentarité des activités. Surtout, le développement de l’entreprise rimera avec une montée en puissance des effectifs. Il ne faut pas perdre de vue qu’une fois franchi le seuil de 10 salariés, l’entreprise a l’obligation de se doter d’un délégué du personnel ; et, au-delà de 50 salariés, elle doit constituer un Comité d’Entreprise. Autant de caps décisifs que le chef d’entreprise doit savoir appréhender. Mais il peut ne pas avoir à le faire s’il décide de scinder ses activités, au risque toutefois de se heurter à la notion d’unité économique et sociale : des entités distinctes au sens du droit des affaires peuvent être assimilées à une seule et unique entreprise au sens du droit social. Il faut donc décider des bonnes stratégies en mesurant les impacts juridiques sur tous les fronts ; dans le cas contraire, le risque pris peut induire un coût important pour l’entreprise. Celle-ci doit donc rester à tout instant en alerte, au-delà de la stratégie de création, sur la convergence des expertises juridiques qui lui permettront de mener à bien son développement.


Thierry Clerc, Valérie Crèvecoeur, Corinne Pillet, Stanislas Dublineau, Avocats associés IDAvocats