Le nouveau Code de commerce turc : entre harmonisation et modernisation

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Me Ozgur Asik, Associé gérant Inlawco (Istanbul)Me Ozgur Asik (1), Associé gérant au sein du cabinet Inlawco à Istanbul,  nous propose un éclairage sur le nouveau code de commerce turc.

La Turquie adopte depuis juillet 2012, progressivement, son nouveau code de commerce. L’accent est mis sur la modernisation du droit turc des affaires, plus en harmonie avec les normes européennes et internationales. Symboles d’une montée en puissance de l’économie turque, membre du G20, ces transformations juridiques s’insèrent dans une plus large ouverture du marché turc aux investisseurs étrangers. Le nouveau code apporte une modernisation du droit des affaires, dans une conjoncture économique florissante.

Un nivellement par le bas : réforme du droit commercial et modernisation des PME

De nombreux indicateurs placent la Turquie au rang de neuvième puissance mondiale dans les prochaines années. Une position envisageable lorsqu’on remarque que le PIB a progressé de 218 % durant les dix dernières années.

Le pays doit sa croissance record à son cœur industriel qui serait composé à 99 % de PME, lesquelles représenteraient environ 2 millions d’entreprises. On les retrouve dans tous les secteurs de l’économie, allant de la petite structure à dimension familiale jusqu’au gigantesque conglomérat. Sans oublier les fameux "tigres anatoliens" qui exportent avec succès du moyen orient à l’Afrique.

La refonte du code se concentre sur la modernisation des sociétés turques. Parmi les réformes révélatrices de cette tendance, le nouveau code oblige toutes les sociétés à se doter d’un site internet où seront indiquées des informations la concernant, et ce sous peine de sanction administrative.

Globalement c’est d’abord un effort de transparence qui devra être effectué : par exemple la certification notariale des documents comptables et procès-verbaux de l’entreprise ainsi que leur conformité aux normes internationales IFRS.

Par ailleurs, le recours à l’audit auprès d’auditeurs indépendants et agrées par une autorité administrative surveillera et édictera des règles déontologiques aux entreprises (Public Observation, Accounting and Auditing Standards Authority). Chaque associé, peu important le montant de ses parts, pourra demander la réalisation d’un audit.

La deuxième évolution intervient sur le terrain de la direction d’entreprise. Ainsi, il n’est plus besoin d’être associé pour pouvoir diriger l’entreprise.

Un élargissement du droit pénal des affaires a également été pris en compte tout en privilégiant les sanctions administratives aux peines de prison.

Le terme de groupe de sociétés est désormais défini et devra intégrer, au sein du rapport annuel de gestion, une présentation des relations entre les sociétés qui le compose. Enfin, la représentation des associés par une institution sera possible.

Attirer les investissements : harmonisation avec l’Union Européenne et les standards internationaux

Par cette modernisation du droit commercial et du fonctionnement des sociétés, la Turquie tente de démontrer qu’elle s’inscrit comme un partenaire moderne. Elle dispose ainsi de toutes les cartes pour favoriser les investissements étrangers dans son système économique.

Dans cet effort d’alignement, le droit turc a ainsi intégrer les sociétés unipersonnelles.

Autre exemple, dans les sociétés à responsabilité limitée, la loi imposant que l’un des gérants réside en Turquie a été abrogée. Un changement judicieux pour les étrangers quand on sait que seul ce dernier pouvait représenter la société.

Toujours dans un souci de modernité et de mobilité, la tenue des assemblées générales par visioconférence est acceptée par le code. La présence physique des associés n’étant plus obligatoire.

Tous ces efforts participent à l’essor des investissements pour de nombreux secteurs, le plus connu étant celui des infrastructures de transport avec l’ouverture d’un troisième aéroport et la construction d’un troisième pont stambouliotes.

D’un point de vue fiscal tout est fait pour attirer les entreprises étrangères, la législation offrant un abattement de 40 % par rapport à la somme investie. L’impôt sur les bénéfices des sociétés de 20 % est déjà bien en deçà des impositions européennes.

Certes, quelques ombres au tableau persistent. L'économie turque reste dépendante du crédit, avec des taux bas et donc facilement accessibles aux particuliers et aux entreprises, la consommation et l'investissement se trouve financée. Cependant, l'épargne des ménages demeure faible, pour des raisons notamment culturelles. De l’autre côté, capitaux étrangers dont ceux provenant des pays du Golf, alimentent le crédit. Or ces flux de capitaux rendent sont par définition volatiles.

Malgré ces craintes, fondées, les perspectives économiques restent plus optimistes qu’en Europe. Morgan Stanley vient d’annoncer 4,4 % de croissance de l’économie turque en 2013 et 5 % en 2014. Dans ces conditions, le nouvel habit juridique du monde des affaires sera bien utile.

 

Ozgur Asik, Associé Inlawco (Istanbul)


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NOTES

1. Ozgur Asik est avocat aux Barreaux de Paris et Istanbul, Président de la Cour Européenne d’Arbitrage en Turquie, Associé Gérant du cabinet Inlawco à Istanbul