Créance de loyer et liquidation judiciaire

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Aymeric Cottin, Avocat, LLC ET ASSOCIÉSAymeric Cottin, avocat collaborateur au sein du cabinet LLC ET ASSOCIES, fait un point sur les créances de loyers dans la procédure de liquidation judiciaire.

La créance de loyer d’habitation ou d’indemnité d’occupation du débiteur personne physique échue postérieurement au jugement de liquidation n’est pas une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure. Mais il faut rechercher si elle n’est pas la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant ce maintien de l’activité pour lui faire bénéficier du régime des créances privilégiées.

Refus du bénéfice de l’article L 641-13 du code de commerce pour une créance de loyer du logement personnel du débiteur, alors même que la créance est née postérieurement au jugement de liquidation.

La majorité des créances nées antérieurement au jugement de liquidation fait l’objet d’un arrêt des poursuites individuelles (voies d’exécution comprises) et doit être déclarée au liquidateur.

A contrario, il découle de l’article L 641-13 I du code de commerce que les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture d’une procédure de liquidation pour les besoins du déroulement de la procédure ou pour le maintien de l’activité bénéficie d’une protection et sont payées à échéance. Il s’agit d’une garantie offerte aux nouveaux créanciers afin de permettre le maintien de l’activité en conservant le crédit des partenaires.

En l’occurrence, le débiteur personne physique se trouvant en liquidation judiciaire ne parvenait plus à payer les loyers de son logement personnel. Il s’agissait d’une dette née postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008 n°2008-1345, l'article L. 622-7, alinéa 1 du code de commerce relatif à la sauvegarde, auquel renvoie l’article L 641-3 relatif à la liquidation disposait que :

"Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17, à l'exception des créances liées aux besoins de la vie courante du débiteur personne physique et des créances alimentaires".

Cette exception a aujourd’hui disparu, si bien que les créances liées aux besoins de la vie courante des débiteurs personnes physiques nées postérieurement au jugement doivent être classées selon les critères généraux dans l’une des trois catégories : créances postérieures privilégiées, créances postérieures non privilégiées ou le régime des créances hors procédure.

Pour bénéficier du régime protecteur des créances postérieures privilégiées l’article L 641-13 I du code de commerce dans sa rédaction actuelle impose que la créance soit née régulièrement, postérieurement au jugement et qu’elle trouve sa cause dans les besoins du déroulement de la procédure ou dans le maintien de l’activité ou qu’elle soit la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l’activité.

Le dernier critère, de la cause de la créance, est alternatif. Or le jugement du Tribunal d’Instance de Montreuil-Sur-Mer a retenu la catégorie des créances nées pour les besoins du déroulement de la procédure. La Cour n’a pas suivi la juridiction du fond dans sa qualification considérant qu’une créance de loyer ou d’indemnité d’occupation résultant du logement personnel du débiteur personne physique n’entrait pas dans la catégorie des créances nées pour les besoins du déroulement de la procédure.

Dès lors, elle a privé le bailleur du débiteur du privilège de l’article L 641-13 I du code de commerce.

Néanmoins, la chambre commerciale invite à rechercher la cause des anciennes créances nées pour les besoins de la vie courante dans la troisième alternative du critère à savoir la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant la poursuite provisoire de l’activité.

Le Tribunal n’ayant pas recherché si cette condition était remplie, l’article L 641-13 I ne pouvait trouver à s’appliquer.

Malgré les apparences, cet arrêt confirme la protection des créanciers postérieurs du débiteur personne physique qui apportent à ce dernier ses moyens de subsistance. Le bénéfice de l’article L 641-13 I du code de commerce leur est toujours ouvert s’ils ont fourni une prestation durant cette période. Ils bénéficient alors du privilège d’être payé à échéance même si bien souvent de telles créances sont payées comptant.

Il en serait différemment pour de telles créances nées après la fin de l’activité.

 

Aymeric Cottin, avocat collaborateur au sein du cabinet LLC ET ASSOCIES