CEDH : condamnation pénale pour diffamation d'une femme dénonçant un harcèlement moral et sexuel

Décryptages
Outils
TAILLE DU TEXTE

La CEDH sanctionne la France pour avoir condamnée pénalement une femme qui a dénoncé publiquement le harcèlement et les agressions sexuelles de son employeur. Cette condamnation a un effet dissuasif susceptible de décourager les victimes de harcèlement moral ou sexuel ou d'agression sexuelle.

L’affaire concerne la condamnation pénale de la requérante pour diffamation publique, à la suite d’allégations de harcèlement et d’agression sexuelle dirigées contre un dirigeant de l’association qui l’employait et adressées par courriel à six personnes au sein et en dehors de cette association.

Invoquant l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’Homme, la requérante se plaint de ce que sa condamnation pénale pour diffamation a violé son droit à la liberté d’expression.

En l’espèce, la Cour considère que les juridictions nationales, en refusant d’adapter aux circonstances de l’espèce la notion de base factuelle suffisante et les critères de la bonne foi, ont fait peser sur la requérante une charge de la preuve excessive en exigeant qu’elle rapporte la preuve des faits qu’elle entendait dénoncer.

En outre, la Cour note que le courriel envoyé par la requérante à six personnes dont une seulement était hors de l’affaire n’a entraîné que des effets limités sur la réputation de son prétendu agresseur.

Enfin, si la sanction pécuniaire infligée à la requérante ne saurait être qualifiée de particulièrement sévère, il n’en reste pas moins qu’il s’agissait d’une condamnation pénale, qui comporte, par nature, un effet dissuasif susceptible de décourager les intéressés de dénoncer des faits aussi graves que ceux caractérisant, à leurs yeux, un harcèlement moral ou sexuel, voire une agression sexuelle.

La Cour conclut, dans un arrêt Allée c/ France du 18 janvier 2024 (requête n° 20725/20), à l’absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre la restriction au droit de la requérante à la liberté d’expression et le but légitime poursuivi et en déduit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention EDH.

© LegalNews 2024