Liens entre la RSE, le droit et la fonction juridique

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Catherine RouxLa Responsabilité Sociale des Entreprises, un concept aux effets juridiques.

Présenter un dossier spécial RSE à la suite du dossier sur « le juriste à l’heure de la mondialisation » (JEM 13) n’est pas anodin. En effet, dans un monde où toutes les frontières s’estompent, qui subit des crises multiples entraînant difficultés sociales, des bouleversements politiques, la raréfaction des  ressources et des catastrophes naturelles de plus en plus nombreuses et graves, la société civile clame ses attentes. Elle attend des entreprises qu’elles soient source de valeurs pour l’enrichissement de toutes les parties prenantes (stakeholders theory), respectent l’éthique et assurent une meilleure reconnaissance du travail de l’Homme, dans toute sa diversité et le respect des droits fondamentaux. Elle attend des États une régulation claire et efficace, encourageant les démarches vertueuses et sincères et une meilleure gouvernance mondiale. Il apparait finalement que les discussions et débats pour déterminer si la RSE relève de la hardlaw ou de la softlaw  sont dépassés.  Elle relève des deux: la seconde agit en éclaireur de la première, la première érige les guidelines de la seconde,  et toutes deux ont des effets  juridiques dans tous les domaines du droit.  Le juriste d’entreprise doit donc avoir une vision internationale et à 360°.

Dans sa communication du 25 octobre 2011 intitulée «Responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l’Union Européenne pour la période 2011-2014», la Commission Européenne donne une définition de la RSE qu’elle qualifie elle-même de nouvelle: c’est «la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société» et d’ajouter «il convient que les entreprises aient engagé, en collaboration étroite avec leurs parties prenantes, un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, de droits de l’Homme et de consommateurs dans leurs activités  commerciales et leur stratégie de base » et ceci « pour optimiser la création de valeurs pour toutes les parties prenantes et recenser, prévenir et atténuer les effets négatifs potentiels que les entreprises peuvent exercer».  Cette définition se cale sur celle de l’ISO 26000 et ses sept questions centrales parue le 1er novembre 2010. Cette norme est un guide pour la mise en place de la RSO, « O » pour Organisations (entreprises, associations, collectivités publiques, toutes formes de groupements …).  De plus, La CE  affirme la nécessité de prendre de nouvelles mesures  réglementaires appuyant par là même son rôle, comme celui des Etats, de régulateur de la RSE.  A ce propos, la CE et l’ISO 26000 rappellent que le socle de la RSE est le respect de la loi, et ce n’est pas innocent.  

Nous constatons  une accélération à l’échelle mondiale de la parution ou de la révision de conventions internationales, règlements, normes, référentiels et guides relatifs à la RSE. Outre ceux mentionnés ci-dessus, citons les Principes Directeurs des Nations-Unies sur les droits de l’Hommes et les entreprises du 16 juin 2011 ainsi que la nouvelle version des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales du 25 mai 2011. Sachons aussi que le Pacte Mondial des Nations-Unies  a été révisé et que la 4ème version de la Global Reporting Initiative est en cours.  Une attention particulière sera portée au décret  2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale. Ce décret surnommé « décret RSE » pris en application de l’article 225 de la Loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 revisite l’art 116 de la loi « NRE » et étend l’obligation d’information des données extra financières à des sociétés non cotées.

De la gestion des risques à la saisie des opportunités

Ainsi, si la RSE est la prise en compte des impacts des entreprises sur son environnement au sens large du terme et comment celle-ci réagit à son tour aux effets de celui-ci sur elle, nous verrons dans ce  dossier les applications qui en sont faites et comment on relie  la notion de «due diligence» avec celle de «sphère d’influence». Ce qui est certain, c’est que nous reconnaissons là une démarche qu’en tant que juristes internes nous pratiquons  déjà : analyse des risques, prévention et minimisation, mise en place de codes internes et de procédures de contrôle et évitement des contentieux. Mais  au-delà de ce devoir de vigilance, c’est par une veille de la jurisprudence, de la réglementation à venir, voire par une participation active à l’élaboration des normes, que nous pouvons encourager nos entreprises à être socialement responsables et passer de la gestion des risques (position de défense) à la saisie des opportunités (position proactive et créatrice de valeurs) et ceci en collaborant avec toutes les  fonctions de l’entreprise et en particulier avec  celle en charge du développement durable ou RSE quand celle-ci existe. C’est pourquoi l’AFJE a conclu un partenariat avec le Collège des directeurs du développement durable (C3D) en décembre 2011 qui doit déboucher sur des travaux communs.  

Alors une nouvelle ère de la fonction de juriste d’entreprise s’ouvrirait-elle ?  Merci à tous les contributeurs, dont les articles constituent ce dossier, d’avoir participé à cette démonstration.

Catherine Roux, Responsable de la Commission environnement, développement durable et RSE


 

A propos

jem14Cet article provient du numéro 14 de Juriste Entreprise Magazine (JEM), magazine de l'Association Française des Juristes d'Entreprise (AFJE) dont le dossier spécial est consacré à la RSE.

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