Révocation d'un magistrat pour des faits antérieurs à la procédure d'intégration

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Le ministre de la Justice peut prononcer la révocation d'une magistrate pour des faits antérieurs à sa procédure d'intégration, en l'espèce alors qu'elle était avocate, s'ils n'ont été connus du ministre que postérieurement à celle-ci, qu'ils se sont souvent poursuivis après le début de la procédure et même après l'intégration de l'intéressée.

En septembre 2010, une avocate exerçant depuis le mois de janvier 2000 a déposé une candidature en vue d'une intégration directe dans le corps judiciaire en application de l'article 22 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Elle a été nommée, par un décret d'août 2012, substitute du procureur de la République près un tribunal de grande instance. L’ancienne avocate a fait l'objet de deux condamnations, en 2011 et 2012, par un TGI pour défaut de paiement de dettes envers une institution de prévoyance professionnelle et une société d'édition professionnelle, sans être ni présente ni représentée lors des deux audiences ayant précédé ces condamnations. Par ailleurs, elle s'est abstenue, entre août 2011 et janvier 2012, de régler des rétrocessions d'honoraires dues à sa collaboratrice au sein de son cabinet d'avocat. Elle s'est vu signifier de ce fait, en juillet 2012, par le bâtonnier de l'ordre des avocats, une rupture à ses torts exclusifs de ce contrat de collaboration. L’avocate n'ayant pas justifié de l'apurement de ses dettes en contractant un crédit comme elle s'y était engagée, la chambre des procédures collectives du TGI de Lyon a prononcé en décembre 2012 la liquidation judiciaire de son activité libérale. 
Compte tenu de ces éléments qui parvenus à la connaissance du garde des Sceaux, ministre de la Justice, une procédure disciplinaire a été ouverte à son encontre en février 2013. Celui-ci a prononcé sa révocation par décision en avril 2015 et, par décret d'août 2015, le président de la République a prononcé sa radiation des cadres de la magistrature. La magistrate a formé un recours pour excès de pouvoir contre les deux décisions lui faisant grief.

Le 6 juillet 2016, le Conseil d’Etat a rejeté ses requêtes. D'une part, il a considéré que si certains des faits retenus par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, pour prononcer la révocation du magistrat requérant sont antérieurs à la procédure d'intégration de l'intéressé, ils n'ont été connus du ministre qu'après son intégration. Il a ajouté que les comportements en cause se sont souvent poursuivis après le début de la procédure d'intégration et même après l'intégration de l'intéressé. Il en a donc déduit que le ministre a ainsi pu légalement prendre en compte tous les faits reprochés à l'intéressé. Ceux-ci constituent, selon le Conseil d'Etat, des manquements graves aux exigences de dignité, de probité et d'honneur et aux devoirs de l'état de magistrat et sont de nature à porter une atteinte grave et durable au crédit et à l'image de l'institution judiciaire. De tels manquements constituent donc une faute disciplinaire. Eu égard à leur gravité et à leur nombre, le Conseil d'Etat a considéré que la sanction de révocation prononcée par le ministre ne peut être regardée comme disproportionnée. 
D'autre part, le Conseil d'Etat a décidé que la magistrate n’était pas fondée à demander l’annulation du décret de révocation de la liste des cadres de la magistrature, prise par le président de la République à son encontre, car en cas de révocation prononcée par le garde des Sceaux, ce dernier est tenu de procéder à la radiation du magistrat concerné, conformément aux dispositions de l’article 73 de l’ordonnance du 22 décembre 1958.

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Références

- Conseil d’Etat, 6ème - 1ère chambres réunies, 6 juillet 2016 (requête n° 392728 - ECLI:FR:CECHR:2016:392728.20160706) - Cliquer ici

- Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature - Cliquer ici

Sources

Dalloz actualités, article, 28 juillet 2016, note de Anne Portmann, “Révocation d’une magistrate pour des faits commis alors qu’elle était avocate” - Cliquer ici

Mots-clés

Profession magistrat - Profession avocat - Procédure d'intégration - Faits antérieures - Corps judiciaire - Nomination - Chambre des procédures collectives - Apurement des dettes - Condamnation