L’ « ubérisation » menace-t-elle la marque « UBER » ?

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Emmanuelle Hoffman et Laure Bouchard, Avocates, HoffmanEmmanuelle Hoffman et Laure Bouchard, Avocates, Hoffman se demandent si l' « ubérisation » menace la marque « UBER » ?

La société de VTC Uber Technologies, qu’on ne présente plus, est titulaire de plusieurs marques verbales « UBER » (marques de l’Union Européenne et marques internationales) désignant notamment des logiciels et des services de télécommunications destinés à des services de transport.

Ce service a donné naissance à la notion d’ « ubérisation », aujourd’hui employée dans tous les secteurs d’activité, y compris en matière juridique !

Ce terme est désormais installé dans le langage courant, comme le reflète la page « Wikipedia » qui y est consacrée et qui le définit ainsi :

« L'uberisation (ou ubérisation), du nom de l'entreprise Uber, est un phénomène récent dans le domaine de l'économie consistant à l'utilisation de services permettant aux professionnels et aux clients de se mettre en contact direct, de manière quasi-instantanée, grâce à l'utilisation des nouvelles technologies. »

La multiplication et la banalisation de la notion d’ « ubérisation » sont telles qu’on peut s’interroger sur une éventuelle menace pesant sur l’existence du droit de marque concernant le signe « UBER ».

En effet, le Règlement sur la marque de l’Union Européenne1 dispose, en son article 51 §1, b), que :

« Le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon : 

si la marque est devenue, par le fait de l'activité ou de l'inactivité de son titulaire, la désignation usuelle dans le commerce d'un produit ou d'un service pour lequel elle est enregistrée ; »

Si la marque devient désignation usuelle sans que son titulaire ne réagisse contre l’emploi du signe dans le langage courant, elle peut se voir déchue. Le titulaire perd alors tout droit de marque sur le signe en cause.

Il existe de nombreux exemples célèbres de marques devenues dans le langage courant la désignation usuelle du produit pour lequel elles étaient enregistrées (Frigidaire, Pina Colada, Fermeture Eclair…).

Concernant le terme « Uber », qu’en est-il ?

Le terme « ubérisation » est aujourd’hui employé dans le langage courant pour désigner tout type de service similaire à celui d’Uber Technologies.

La désignation usuelle concerne donc bien les services pour lesquels la marque est enregistrée.

Cependant, le terme devenu usuel est « ubérisation » et non « uber ».

Par conséquent, on pourrait considérer que le signe « UBER » en soi a conservé sa distinctivité et renvoie toujours à une origine commerciale particulière.

Pour autant, on ne saurait que trop conseiller à Uber Technologies de rester vigilant quant à l’explosion de l’emploi de ce terme dans le langage courant.

En effet, le texte mentionne expressément l’ « inactivité du titulaire ». La déchéance ne peut être prononcée que lorsqu’il est démontré que le titulaire n’a pas lutté contre l’utilisation de sa marque dans le langage courant.

Il convient donc pour Uber Technologies d’être particulièrement attentif à la manière dont les termes « ubérisation » et « ubériser » sont utilisés dans le langage courant, afin que ces désignations n’affaiblissent pas au fil du temps le lien existant entre le terme « Uber » et le service particulier de VTC proposé par la société Uber Technologies.

Emmanuelle Hoffman et Laure Bouchard, Avocates, Hoffman

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NOTE

1. Règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque de l'Union européenne


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