Mails racistes envoyés via la messagerie professionnelle : faute grave ?

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L'employeur ne peut procéder au licenciement d'un salarié en se fondant sur le contenu de messages qui, même envoyés au moyen de la messagerie professionnelle, relèvent de la vie personnelle dès lors, d'une part, que ces mails s'inscrivent dans le cadre d'échanges privés et n'avaient pas vocation à devenir publics, d'autre part, que les opinions exprimées par le salarié n'ont pas eu d'incidence sur son emploi.

Une salariée employée par une CPAM a été licenciée pour faute grave pour après avoir envoyé, via sa messagerie professionnelle, des messages au "caractère manifestement raciste et xénophobe" adressés à d'autres salariés de la CPAM.

La cour d'appel de Toulouse a jugé que le le licenciement n'était justifié ni par une faute grave ni par une faute simple constitutive d'une cause réelle et sérieuse.

Les juges du fond ont d'abord constaté que les messages litigieux s'inscrivaient dans le cadre d'échanges privés à l'intérieur d'un groupe de personnes, qui n'avaient pas vocation à devenir publics et n'avaient été connus par l'employeur que suite à une erreur d'envoi de l'un des destinataires.

Ils ont ensuite relevé que la lettre de licenciement ne mentionnait pas que les opinions exprimées par la salariée dans ces courriels auraient eu une incidence sur son emploi ou dans ses relations avec les usagers ou les collègues et que l'employeur ne versait aucun élément tendant à prouver que les écrits de l'intéressée auraient été connus en dehors du cadre privé et à l'extérieur de la CPAM et que son image aurait été atteinte, de sorte que le moyen tiré du principe de neutralité découlant du principe de laïcité applicable aux agents qui participent à une mission de service public était inopérant.

Les juges ont enfin retenu que, si l'article 26 du règlement intérieur interdisait aux salariés d'utiliser pour leur propre compte et sans autorisation préalable les équipements appartenant à la CPAM, y compris dans le domaine de l'informatique, un salarié pouvait toutefois utiliser sa messagerie professionnelle pour envoyer des messages privés dès lors qu'il n'en abusait pas et, qu'en l'espèce, l'envoi de neuf messages privés en l'espace de onze mois ne saurait être jugé comme excessif, indépendamment de leur contenu.

La cour d'appel en a déduit que l'employeur ne pouvait, pour procéder au licenciement de la salariée, se fonder sur le contenu des messages litigieux, qui relevaient de sa vie personnelle.

Cette analyse est approuvée par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 mars 2024 (pourvoi n° 22-11.016).
La chambre sociale rappelle qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

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