Netflix attaqué en justice : décryptage de Frédéric Fournier, Redlink

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Frédéric Fournier, Associé, RedlinkFrédéric Fournier, avocat associé du cabinet Redlink, décrypte l’action de groupe engagée contre Netflix.

Pouvez-vous rappeler le contexte de cette action de groupe ?

Il ne s’agit pas d’une action de groupe. La CLCV a assigné Netflix, service multisupport de vidéos à la demande, basée au Luxembourg, devant le Tribunal de grande instance de Paris aux fins de solliciter la suppression de clauses "abusives" au sens de l’article L.132-1 du code de la consommation ou de renvoi à des clauses rédigées en anglais, qu’elle qualifie d’"hors-sol" (http://www.clcv.org/images/CLCV/fichiers/Internet%20TV%20Tel/DP-Netflix.pdf).
Cette action survient deux mois après l’entrée de Netflix sur le marché français et 100.000 utilisateurs en France en octobre. Netflix affiche une volonté de souplesse permettant aux utilisateurs de se désabonner chaque mois. Il s’agira peut-être d’un argument avancé en défense. Sont mises en cause certaines informations manquantes en phase précontractuelle, des clauses réservant à Netflix la faculté de modifier ses conditions d’utilisation, de service ou de facturation moyennant un préavis de 30 jours notamment, ou des exclusions de garanties. La CLCV reproche l’absence d’obligation de notification préalable à ces changements.

Que pensez-vous du fondement juridique sur lequel s'appuie l'association ?

La CLCV a assigné la société Netflix sur le fondement de l’article L. 421-6 du code de la consommation, issue de la Loi Hamon. Le fondement employé par la CLCV est classique en la matière. Les informations précontractuelles doivent être présentées, de manière lisible et compréhensible, ce que l’emploi d’une langue étrangère ne garantit pas nécessairement. L’article L. 132-1 définit les clauses abusives.

Quelles sont, selon vous, les chances de réussite de cette action ?

En l’absence probable de preuve de clauses dites "noires" au sens de l’article R. 132-1 du code de la consommation, à savoir présumée abusives de manière irréfragable, rien ne garantit le succès de l’action engagée par CLCV. Dans ces clauses, on peut citer celles réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du service à rendre (point 3° de cet article). Pour les clauses "grises" (article R. 132-2 du code de la consommation), simplement présumées abusives. Une part de ces clauses peut être améliorée. Il s’agira notamment des clauses de résiliation sans préavis d'une durée raisonnable réservée au seul professionnel ou celles permettant au professionnel de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives aux droits et obligations des parties (hors clauses noires).
Rien n’indique, selon nos informations, que la CLCV a mis en œuvre un dialogue avec Netflix en amont de son action. On peut toujours le regretter pour le consommateur, comme pour l’entreprise, compte tenu des délais de procédure. L’exercice délicat est alors de tenter de négocier avec l’association de consommateurs des modifications répondant aux intérêts conjugués de l’entreprise et des consommateurs. Entre l’impératif de la protection des consommateurs et l’intérêt d’une décision judiciaire, l’association détient les clés d’une solution rapide et négociée, souhaitable pour tous.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier


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