Projet de rachat de Bouygues par SFR : interview d'Alexandre Lacresse, Avocat, Fidal

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Alexandre Lacresse, avocat au sein du département droit économique du cabinet Fidal et ancien rapporteur à l’Autorité de la concurrenceNumericable-SFR a présenté une offre de rachat de Bouygues Telecom que le conseil d’administration du groupe Bouygues a refusée à l’unanimité, en partie pour des raisons qui tiennent au respect des règles de concurrence. Retour sur les points clefs de cet évènement avec Alexandre Lacresse, avocat au sein du département droit économique du cabinet Fidal et ancien rapporteur à l’Autorité de la concurrence.

Quelle était l’offre de Numéricable-SFR et pourquoi Bouygues a décidé de la refuser ?

Nous ne connaissons pas tous les détails de l’offre, par nature confidentielle, mais il apparaît que Numéricable-SFR a notamment proposé le paiement de 10 milliards en espèces et en actifs réalisé en une fois et le maintien de l’emploi des salariés des deux groupes pendant au moins trois ans.

Le conseil d’administration de Bouygues a cependant estimé que l’offre présentait notamment un « risque d’exécution important », que ce soit dans le marché du Mobile ou du Fixe, notamment en matière de droit de la concurrence. Il a considéré que Numéricalbe-SFR n’apportait de réponses suffisantes sur ce point, qui aurait probablement fait l’objet d’une étude approfondie par l’Autorité de la concurrence.

Quel aurait pu être le rôle de l’Autorité de la concurrence ?

En matière de concentrations, le bilan concurrentiel des opérations est effectué par une autorité indépendante chargée de la régulation de la concurrence, la Commission européenne ou l’Autorité de la concurrence, selon la dimension européenne ou nationale de l’opération. Au-dessus de certains seuils de chiffres d’affaires, que l’opération Bouygues Telecom/SFR aurait effectivement dépassés, la concentration doit ainsi être notifiée à cette autorité, préalablement à sa réalisation. Sur la base des informations communiquées par les entreprises concernées ou collectées auprès des tiers, l’autorité procède alors à un examen de l’opération afin de déterminer si elle n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

Cependant, l’existence d’effets anticoncurrentiels n’est pas rédhibitoire pour la réalisation de l’opération. Depuis que, à la suite du ministre de l’économie, l’Autorité de la concurrence exerce la compétence de statuer en matière de concentration (depuis 2009), elle n’a encore jamais pris de décision rejetant une opération de concentration. Lorsqu’une difficulté survient, des remèdes peuvent être proposés par les entreprises pour permettre à la concentration de se faire. Toutefois, cela ne se produit que dans moins de 5% des cas. La très grande majorité des opérations, plus de 95% donc, font l’objet d’une autorisation pure et simple de la part de l’Autorité. Dans le cas présent, plus que le risque de rejet, c’est l’importance des engagements à soumettre à l’Autorité qui semble avoir été déterminante.

Quels engagements auraient pu prendre les sociétés concernées afin de remédier aux risques concurrentiels ?

En rachetant Bouygues Telecom, SFR serait devenu le premier opérateur mobile français et aurait occupé près de la moitié du marché. Par conséquent, des engagements auraient très certainement été nécessaires afin que l’Autorité de la concurrence autorise la concentration.

Numericable-SFR l’avait anticipé et avait semble-t-il prévu notamment la rétrocession d’une partie des fréquences, des antennes et des boutiques de Bouygues Telecom au groupe Iliad (Free), dernier arrivé sur le marché et qui a un fort besoin en termes d’infrastructures.

C’est l’ampleur de ces remèdes, sans compter ceux qu’ils auraient peut-être fallut proposer en plus, qui ont été jugés trop risqués par le conseil d’administration de Bouygues.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)


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