Gilles Bigot, Managing partner de Winston & Strawn à Paris

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Gilles Bigot, Managing partner de Winston & Strawn à ParisGilles Bigot, Managing partner de Winston & Strawn à Paris, a répondu aux questions du Monde du Droit.

Comment se porte le secteur de la santé ?

En dépit des plans d’économies portés chaque année par les Lois de Financement de la Sécurité Sociale, les déficits, même réduits, perdurent. Pourtant, la croissance des dépenses de santé s’avère faible. Ainsi, les dépenses pharmaceutiques sont en baisse régulière depuis trois ans. En dépit de cette morosité, le secteur de la santé français jouit d’une excellente réputation et reste attractif pour les investisseurs. Les investisseurs étrangers, qu’il s’agisse de sociétés de gestion ou de fonds de pension, plébiscitent d’ailleurs le secteur de la santé français. Cet engouement constant des investisseurs étrangers contribue à renforcer le mouvement de concentration de ce marché de la santé. Ce mouvement de restructuration porté par le secteur privé (laboratoires, cliniques, industrie pharmaceutique), se poursuit. Atteindra-t-il dans la même mesure l’hôpital public ? Cela semble plus que vraisemblable.

Quelles sont les problématiques juridiques soulevées par l'innovation technologique dans ce secteur ?

Les mutations technologiques rapides auxquelles nous assistons doivent bénéficier d’un environnement juridique et fiscal favorable, adapté et souple. En effet, pour ce secteur, l’innovation est vitale. Le législateur en rappelle régulièrement les enjeux et s’emploie à soutenir la R&D (crédit impôt recherche, JEI)... Le secteur des bio-techs, ces jeunes pousses du secteur de la santé, est d’ailleurs particulièrement dynamique en France. Mais ces mesures de soutien ne doivent pas nous faire oublier la nécessité d’encadrer ces progrès afin qu’innovation rime avec éthique et respects des droits de la personne. La loi Santé en discussion actuelle devant le Parlement, qui libéralise la recherche sur l’embryon illustre ce challenge. Les progrès en la matière posent des problèmes inédits éthiques et juridiques, les deux ne pouvant évidemment pas être décorrélés, touchant de nombreux domaines du droit. Ainsi, l’application du droit des brevets pose des difficultés en matière de recherche et développement dans le domaine des biotechnologies et de la recherche génomique. La controverse sur la brevetabilité du génome humain en témoigne largement. Comment assurer la protection de données sensibles avec le développement de l’e-santé et des applications santé mobiles ? La CNIL s’inquiète de la sécurisation et de l’utilisation des données ainsi collectées. Faut-il envisager une certification, un label pour ces applications ?

Quels sont les enjeux de la déréglementation (réseaux et actes médicaux) dans le domaine de la santé et des sciences de la vie ?

A l’été 2014, le rapport de l’Inspection Générale des Finances a préconisé de déréglementer un certain nombre de professions libérales parmi lesquelles se côtoient médecins, pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes, opticiens, laboratoires d’analyses médicales, ambulanciers, prothésistes dentaires, etc. Dans la ligne de mire de l’IGF, les tarifs, les autorisations d’installation, le numerus clausus, la fin du monopole de la délivrance des médicaments pour les pharmacies d’officines, l’ouverture du capital des sociétés d’exercice libéral (SEL), etc. Le gouvernement a rejeté la majorité de ces réformes. Les mesures envisagées seront quant à elles votées dans le cadre de la Loi Santé actuellement en discussion devant le Parlement. Le texte, adopté en première lecture en avril dernier, ne contient pas moins de 2400 amendements. Il faudra attendre son vote définitif pour avoir une vision exhaustive des conséquences sur le secteur.

Mais l’on peut être certain que de très fortes opportunités se feront jour à l’issue de cette lame de fond inéluctable. Les professionnels de santé doivent les préempter en les accompagnant, en brandissant et en affûtant une arme formidable, dont ils disposent déjà : leur irremplaçable compétence.

Quelles sont les actualités marquantes de ces dernières semaines dans ce domaine ?

Le marché de la santé continue son mouvement de concentration. Le groupe d'hospitalisation privée Générale de Santé, qui couvre l'ensemble de la chaîne de soins, médecine-chirurgie-obstétrique, cancérologie, soins de suite et de réadaptation et hospitalisation à domicile, a fusionné le 1er juillet dernier avec Ramsay Santé, détenu par l'australien Ramsay Healthcare et Predica, filiale de Crédit Agricole. La fusion porte les parts de marché de ce nouvel ensemble de 13% à 16%. Le nouveau groupe compte désormais 115 établissements, le poids lourd du secteur.

La ministre de la Santé et des Affaires sociales, Marisol Touraine a présenté le 29 juin dernier, un plan de réformes de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS). 1, 2 millions de français aux revenus modestes sont d’ores et déjà concernés. Dès le 1er juillet, ils bénéficieront d’offres de contrats de complémentaire santé à prix négociés par les pouvoirs publics. Ils auront également accès au dernier tiers payant intégral et seront exonérés du paiement des participations forfaitaires et des franchises médicales.

Ces mesures auront un impact social et économique positif à très court terme.

Enfin, le 8 juin dernier, la Commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS) a confirmé la réduction du déficit de la Sécurité Sociale en 2014 (-2,8 Md€ entre 2013 et 2014). Le déficit du régime général devrait continuer à diminuer en 2015, pour atteindre - 9,5 Md€.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)


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