Utilisation de la marque d’un concurrent à titre de mot-clé sur Google Adwords

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Nicolas Moreau & Alain Berthet, cabinet d’avocats PROMARKNicolas Moreau & Alain Berthet, cabinet d’avocats PROMARK reviennent sur l'utilisation de la marque d’un concurrent à titre de mot-clé sur Google Adwords à la lumière de la jurisprudence récente en la matière.

Le 5 mars dernier, le TGI de Paris1 a réaffirmé la licéité de l’usage de la marque d’un concurrent comme mot-clé dans le cadre du service de référencement AdWords de Google. 

En l’espèce, la société Interflora France, qui a pour activité la livraison de fleurs, reprochait à la société Florajet, dont l’activité est identique, d’utiliser "Interflora" comme mot-clé AdWords, ce qui lui permettait de voir son annonce affichée en tête de liste des résultats de recherches ou sur le côté droit, dès lors que l’internaute entrait dans le moteur de recherche le mot-clé « Interflora ».

Dans le cas présent, Interflora estimait que l’utilisation de sa marque « Interflora » à titre de mot-clé, par la société concurrente Florajet, lui causait un préjudice ouvrant droit à réparation et l’a par conséquent assignée en contrefaçon de marque, concurrence déloyale et concurrence parasitaire.

A ce titre, pour faire valoir ses droits, la société Interflora s’est notamment fondée sur l’article L713-5 du Code de propriété intellectuelle en invoquant la renommée de ses marques INTERFLORA.

Cependant, le tribunal de grande instance de Paris a débouté Interflora de l’ensemble de ses demandes, avant même toute discussion au fond, au motif qu’elle n’avait pas apporté la preuve de ses droits sur les marques INTERFLORA en tant que licenciée.

Cela étant, malgré le prononcé d’office par les juges de première instance de l’irrecevabilité des demandes de la société Interflora, ceux-ci ont quand même examiné de manière superfétatoire la question de l’usage d’une marque renommée comme mot-clé AdWords.

Sur ce point, après avoir précisé que l’action d’Interflora était dans tous les cas mal fondée faute d’avoir apporté la preuve de la renommée de ses marques, les juges ont considéré que quand bien même elle l’aurait été, Interflora n’était pas habilitée à interdire à Florajet la simple utilisation des marques INTERFLORA en tant que mot clé pour les services AdWords.

Si la décision du TGI de Paris peut paraître sévère pour les titulaires de marques, notamment de marques renommées, elle n’est pourtant pas si surprenante au regard de la jurisprudence actuelle, tant française qu’européenne.

En effet, cette décision s’inscrit dans la lignée des décisions déjà rendues en la matière, tout particulièrement de la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne en date du 22 septembre 20112 à laquelle la société Interflora était déjà partie.

Quelques années auparavant, la société Interflora avait en effet initié une action devant les tribunaux anglais à l’encontre de Marks & Spencer, lui reprochant l’utilisation illicite de la marque INTERFLORA comme mot-clé AdWords.

L’affaire avait été portée devant la CJUE par le biais de questions préjudicielles et, dans ce contexte, le juge européen avait réaffirmé sa jurisprudence Google3 selon laquelle « le titulaire de la marque est habilité à interdire ledit usage seulement si celui-ci est susceptible de porter atteinte à l’une des fonctions de la marque ». Or, la fonction principale de la marque étant la fonction d’indication d’origine, la Cour avait à ce titre rappelé qu’« il y a atteinte à cette fonction lorsque l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers ».

Dans sa décision du 5 mars dernier, le TGI de Paris a procédé à la même analyse affirmant ainsi que "la licéité de l’emploi d’une marque même renommée à titre de mot-clé dans le service de référencement Google étant admis, la société Interflora ne fait aucune démonstration de ce que le message publicitaire apparaissant sur la page Google sous le titre "Florajet - livraison de fleurs – livraison en 4h 7j sur 7" conduise l’internaute à confondre l’origine du service qui lui est proposé".

Par conséquent, sauf à démontrer que les marques INTERFLORA apparaissaient au sein de l’annonce publicitaire de la société Florajet, la demande en contrefaçon de la société Interflora, pour simple utilisation de ses marques à titre de mots-clés, n’aurait pas été, de tout manière, caractérisée. La société Interflora fût même, à ce titre, condamnée à verser 15.000 Euros de dommages et intérêts à la société Florajet pour procédure abusive.

Cette nouvelle décision, émanant cette fois d’une juridiction française, vient réaffirmer haut et fort le principe selon lequel l’achat d’un mot-clé correspondant à la marque d’un concurrent dans le cadre du service de référencement Google AdWords est parfaitement licite à condition que ladite marque n’apparaisse pas dans l’annonce publicitaire diffusée. A contrario, le juge caractérisera la contrefaçon dès lors qu’il est prouvé que la marque litigieuse figure dans l’annonce publicitaire.

Nicolas Moreau & Alain Berthet, cabinet d’avocats PROMARK

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NOTES

1 TGI Paris, 5 mars 2015, Interflora c/ Florajet
2 CJUE, 22 septembre 2011, aff. C-323/09, Interflora c/ Marks and Spencer
3 CJUE, 23 mars 2010, aff. C-32/10, Google France & Google Inc. c/ Louis Vuitton Malletier


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