La protection de l'appellation "restaurant" pour défendre le "fait maison"

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lauriane beslon

Lauriane Beslon, CPI au sein du Cabinet Novagraaf, revient sur un projet de loi discuté à l'Assemblée Nationale au mois de juin dernier, sur l'appellation "restaurant", visant à défendre le "fait maison".

Le syndicat français des restaurateurs et hôteliers Synhorcat est à l'origine d'un projet de loi en France qui veut réserver les appellations "restaurateur" et "restaurant" uniquement "aux professionnels qui servent à leur clientèle – dans des conditionnements non jetables, des plats élaborés et cuisinés sur place à base de produits bruts".

Le lancement de l'appellation "Restaurant de qualité" a été révélé le 8 avril dernier par le Collège culinaire de France qui a été fondé en 2011 par une quinzaine de grands chefs français, réunis sous la coprésidence d'Alain Ducasse et de Joël Robuchon, dans le but de "promouvoir la qualité de la restauration en France et dans le monde".

Cette appellation serait accordée aux restaurateurs qui, pour une cotisation mensuelle, s'engageront sur l'honneur à "transformer des produits de qualité et d'origine connue à partir d'un savoir-faire culinaire professionnel" et à proposer "une hospitalité de qualité et un rapport qualité-prix cohérent". Avec l'idée de mobiliser les militants du "fait maison" face au tenant des plats industriels.

Le collège culinaire de France a d'ailleurs déposé la marque "C RESTAURANT DE QUALITE RECONNU PAR LE COLLEGE CULINAIRE DE FRANCE WWW.RESTAURANTDEQUALITE.FR"

L'objectif est d'imiter le succès de l'appellation "boulangerie", réservée depuis 1995 aux établissements qui assurent sur place la fabrication du pain, du pétrissage à la cuisson, pour les distinguer des grandes surfaces. Grâce à cette appellation certaines boulangeries ont décidé de mettre en avant leur savoir-faire, en développant de nouvelles offres de pains. Les industriels eux-mêmes face à cette concurrence de qualité ont amélioré leurs produits.

Ce projet a été présenté sous la forme d'un amendement à la nouvelle législation sur la consommation, par la députée socialiste de Gironde, Pascale Got. Celle-ci préconise de protéger le nom "restaurant", qui deviendrait un label garantissant que les plats ont été élaborés et cuisinés dans l'établissement. L'appellation "restaurant" serait donc réservée aux seuls lieux où le repas est cuisiné sur place à partir majoritairement de produits bruts, ces derniers pouvant être congelés ou sous vide.

Tous les établissements qui ne satisferont pas à ces exigences se verront interdire l'utilisation des mots «restaurant» et "restaurateur". Avec une telle réglementation, 10 % des établissements pourraient être contraints de changer de nom.

Le texte a été présenté devant l'Assemblée Nationale au mois de juin, et à la suite des délibérations issue de la première séance du 27 juin 2013, il en résulte que "Les personnes ou entreprises qui transforment ou distribuent des produits alimentaires dans le cadre d'une activité de restauration commerciale, permanente ou occasionnelle, précisent sur leurs cartes ou sur tout autre support qu'un plat proposé est "fait maison"(...)".

Toutefois, cette version n'emporte pas l'unanimité puisque différant de celle voulue par les chefs. En effet, il s'agit là d'annoncer sur la carte si les produits sont ou non fait maison et non d'instaurer un cahier des charges permettant l'utilisation de l'appellation "restaurant". Les restaurants qui pratiquent la cuisine industrielle pourraient donc continuer en toute légalité.

La Suisse serait également favorable à ce changement pour plus de transparence.

En effet, au Tessin déjà depuis 3 ans, l'Association des consommateurs de Suisse italienne (ACSI) a créé son propre label "Ristorante che cucina" (restaurant qui cuisine). Les restaurateurs s'engagent à inscrire sur leur carte ce qui est fait maison et ce qui ne l'est pas. Une cinquantaine de restaurateurs ont déjà adhéré sur la base du volontariat. D'après ce label, peuvent être déclarés "faits maison" des plats qui ont été cuisinés dans l'établissement à partir de produits crus exclusivement. Ces derniers peuvent être frais, séchés ou congelés. Ce modèle a beaucoup fait parler de lui dans toute la Suisse et les associations de consommateurs aimeraient l'élargir à l'ensemble du pays.

Par ailleurs, cette appellation pourrait faire l'objet d'une protection par un droit de Propriété Intellectuelle : la marque de garantie.

Cette dernière a pour fonction de garantir la qualité, la provenance géographique, le mode de fabrication des produits et des services d'entreprises données. Elle n'a pas pour objectif principal de distinguer les produits ou services d'une entreprise de ceux d'une autre entreprise, mais elle garantit que les produits qui en bénéficient, présentent bien les qualités communes déterminées, ce qui est typiquement le cas des labels de qualité.

Toutefois, si ce label venait à être déposé comme une marque de garantie, certaines conditions devraient être remplies. En effet, le déposant d'une marque de garantie doit remettre à l'institut un règlement concernant l'usage de la marque. Ce règlement fixe les caractéristiques communes des produits ou des services que celle-ci doit garantir, il prévoit également un contrôle efficace de l'usage de la marque et des sanctions adéquates. Ce qui en l'espèce fait défaut. Enfin, le règlement de la marque collective doit désigner le cercle des entreprises habilitées à l'utiliser, par l'adhésion à un organisme ou par une demande d'apposition du label.

En France, un moyen non législatif de trouver une solution aux divergences d'opinion serait peut être pour le Collège Culinaire de déposer une telle marque de garantie et de promouvoir son label qualité sans l'aide des autorités publiques...

 

Lauriane Beslon, CPI au sein du Cabinet Novagraaf


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