Protection des données : les approches britanniques et françaises

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monkam morenoInterview croisée entre Alain-Christian Monkam, Avocat, responsable de la commission Paris-Londres du barreau de Paris et Nathalie Moreno, Associée, Speechly Bircham sur la protection des données.

Alain-Christian Monkam (responsable de la commission Paris-Londres) : Comme vos lecteurs le savent déjà, cette nouvelle commission ouverte du Barreau de Paris a notamment pour mission de conduire des séminaires gratuits sur le droit comparé entre la France et l'Angleterre. La formation des confrères, avocats et solicitors, est un moyen indispensable pour favoriser les liens entre le Barreau de Paris et la Law Society.

Dr Nathalie Moreno, diplômée de l'Université américaine de Harvard Law School et associée au sein de l'excellent cabinet international Speechly Bircham à Londres, sera le speaker du prochain séminaire, organisé à Londres le 23 octobre 2012. Ce séminaire portera sur les convergences et divergences en droit de la protection des données à caractère personnel. C'est un des plus grands thèmes d'actualité européen.

Dr Nathalie Moreno : effectivement, à l’ère du « Big Data », la protection des données à caractère personnel est un enjeu stratégique dans chacune des juridictions de l’Union Européenne. La directive européenne du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données demeure la pierre angulaire du droit européen de la protection des données. Au fil des années, la transposition de cette directive en droit national en France et au Royaume-Uni a mis en lumière un certain nombre de divergences.

Alain-Christian Monkam : j’ai eu connaissance de cette directive ; en revanche j'ignorais que la transposition avait donné lieu à tant de divergences en Europe. Ce n'est au fond pas si étonnant si c’est le cas entre la France et l’Angleterre mais quelles sont donc ces divergences ?

Dr Nathalie Moreno : il existe des différences significatives notamment en ce qui concerne les obligations des responsables de traitement en matière de formalités déclaratives préalables à la mise en œuvre des traitements, assez substantielles en France, simplifiées au Royaume-Uni ; il existe aussi de grandes différences en matière de pouvoirs conférés aux autorités de protection des données qui sont respectivement la Commission nationale de l'informatique et des libertés (la CNIL) ou le Commissaire à l’Information (Information Commissioner’s Office ou ICO).

La CNIL, comme l’ICO, possède un pouvoir de contrôle et peut recevoir et instruire des plaintes. Par contre, l’ICO a moins de pouvoir que la CNIL puisqu’il ne couvre pas des aspects importants liés à la protection des données, y compris l'Internet, qui relève du champ d'application d'autres autorités de contrôle. En ce qui concerne les pouvoirs de sanction de l’ICO, elle a le pouvoir de prononcer des sanctions pécuniaires d’un maximum de £ 500.000 en cas de violation sérieuse de la loi. En revanche, la CNIL ne peut prononcer de sanction pécuniaire au delà de 300.000 €.

Alain-Christian Monkam : mais l'Europe dans tout cela, à quoi cela sert il d'avoir un nouveau cadre réglementaire européen s'il existe tant de divergences dans les transpositions étatiques ?

Dr Nathalie Moreno : justement, une proposition de réforme du cadre européen relatif à la protection des données à caractère personnel a été publiée le 25 janvier 2012. Mais les prises de positions de la CNIL et de l’ICO sont quelque peu contrastées !

Lorsque la CNIL dénonce le futur rôle des autorités de protection nationales comme étant réduit à celui d’une « boîte électronique », l’ICO remet en question l’utilité de remplacer une directive par un règlement communautaire tel qu’il est envisagé actuellement.

Alain-Christian Monkam : ça commence bien ! Mais comment voyez-vous l'avenir, vous qui êtes une des grandes spécialistes de toutes ces questions en Europe ?

Dr Nathalie Moreno : quelque soit le résultat de la réforme, les lois françaises et anglaises en matière de protection des données à caractère personnel sont condamnées à se rapprocher inexorablement et ce pour le plus grand bénéfice des sociétés et des individus confrontés à des disparités nationales toujours plus complexes.

Alain-Christian Monkam : ce sujet est vraiment passionnant. Pour les confrères, solicitors ou juristes qui souhaiteraient s'inscrire gratuitement à cette conférence, la section internationale de la Law Society (partenaire de la commission Paris-Londres), a publié le lien suivant: http://international.lawsociety.org.uk/node/12450


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