Le Monde du Droit a interrogé Benoît Chabert et Philip Cohen, candidats au bâtonnat et vice-bâtonnat du barreau de Paris.
Pourquoi vous présentez-vous ?
Benoît Chabert (BC) : J’arrive à un moment de ma carrière professionnelle où je me sens prêt pour redonner de mon temps, au service de la profession d’avocat. Ma situation familiale, la structure de mon cabinet, mais aussi et surtout mes précédentes expériences en matière syndicale ou au Conseil de l’Ordre, font qu’aujourd’hui, j’ai envie de servir de nouveau cette profession que j’aime profondément.
Philip Cohen (PC) : C'est dans la logique de ce qui nous réunit Benoît et moi, d'avoir accompli des mandats et d'avoir en même temps gardé les deux pieds dans nos cabinets, de les avoir créés, développés, et qui fait qu'à un moment donné, on se dit qu'il est temps de revenir aux questions d'intérêt général dans une période charnière pour la profession. Il y a des enjeux importants sur lesquels des personnalités complémentaires comme les nôtres peuvent être un atout pour le barreau pour relever les défis qui se présentent à la profession.
Pourquoi nous deux ? Nous nous sommes aperçus que nous avions les mêmes idées. Nous nous sommes alors dit qu’il était absurde de se présenter l'un contre l'autre. Il nous est donc apparu évident qu’il fallait nous réunir pour le barreau.
Quels sont les principaux axes de votre programme ?
BC : Les avocats du Barreau de Paris ont besoin de se réunir. « Ré-unir le Barreau », ce n’est pas un gadget, ce n’est pas un slogan, c’est véritablement un objectif commun que nous avons Philip et moi.
Si nous sommes élus, toutes les décisions que nous prendrons auront comme préoccupation première cette dimension.
Nous voulons créer la Maison du barreau numérique. Il s’agira d’une plateforme, destinée aux avocats parisiens, dont l’accès sera sécurisé et gratuit. Cet outil permettra aux avocats d’entrer en contact plus facilement avec l’Ordre. Mais également, elle assurera un meilleur développement des échanges entre les avocats eux-mêmes. Ce sera la Maison de la communauté des avocats de Paris.
Parmi les nombreux autres axes de notre programme, nous voulons procéder à la modification des règles de la commission d’office.
Aujourd’hui, un client placé en garde à vue peut voir jusqu'à 4 avocats entre son arrestation et son procès. Nous devons mettre fin à cette aberration pour que le suivi devienne la règle et non l’exception. Il faut que chaque avocat puisse être commis d’office et ce quel que soit son âge ou son ancienneté au Barreau.
Nous souhaitons également favoriser l’innovation et le développement des cabinets. Si l’exonération des cotisations pour les confrères ayant les revenus les plus bas se comprend, l’Ordre doit par des incitations financières ciblées, stimuler l’intégration des collaborateurs comme associés.
De même, des initiatives majeures et concrètes devront être prises pour enfin réussir l’égalité femmes-hommes.
PC : J'ajouterai qu'il faut aussi, s'agissant des élections au bâtonnat, garantir l'égalité et la diversité des candidatures. Il n'est pas possible que sur un barreau de 27.000 avocats, rien ne soit organisé.
II faut que l'Ordre décide quel plafond de financement de campagne, quels financements, quelle prise en charge éventuelle par l'Ordre et sous quelles conditions.... Il faudra à terme une vraie commission électorale de l'Ordre.
Comment vous expliquez les divisons au sein de la profession ?
BC : Pascal Eydoux, nouveau président du CNB, saura j’en suis certain, agir en faveur de l’unité de la profession. Nous avons Philip et moi toute confiance en lui pour garantir la nécessaire cohésion entre le CNB et les différents barreaux de France.
Pour ce qui est du barreau parisien, il est nécessaire que nous travaillions main dans la main, et sans arrogance avec le CNB. Il en va du devenir de notre profession, qui ne peut avancer sur les grands sujets, que de manière unie.
En conséquence, la première délibération que nous soumettrons au Conseil de l’Ordre si nous sommes élus, sera l’adoption d’une délibération solennelle affirmant l’adhésion ferme et durable du Barreau de Paris aux délibérations du CNB.
PC : Les divisions de la profession sont nées de la cristallisation à la tête du CNB, des vice-présidences de droit qui n'ont fait que renforcer les divisions et les corps.
Le CNB ne doit avoir que des élus à sa tête dans les deux collèges.
Que faut-il retenir de nos divisions sur les grands débats comme la loi Macron ?
D'abord, si on n’implique pas les avocats par une communication adaptée en leur donnant la parole, la profession est sur la défensive.
Quand on est sur la défensive et que la profession n'a pas été préparée, impliquée, la profession dit « non ».
Ensuite, il faut pouvoir proposer un lobbying unifié.
Comment comptez-vous réunir le barreau ?
BC : Nous constatons dans la campagne, que les avocats ont un fort besoin de se retrouver et d’échanger. La Maison du Barreau Numérique que nous voulons créer est donc le premier outil pour Réunir la profession afin de se reconnaître naturellement quelle que soit la diversité des métiers, comme étant avocat.
Sur les questions importantes qui concernent la profession, il est nécessaire que nous puissions enfin assurer la transparence absolue des débats et positions du Conseil de l'Ordre. C’est pour cette raison que si nous sommes élus, les séances du Conseil de l’Ordre seront filmées et disponibles via la Maison du Barreau Numérique.
Aussi, il est de notre devoir de donner la possibilité à chacun de nos confrères, de prendre part aux questions qui gouvernent notre profession. Tant que nous n’aurons pas intégré les avocats aux problématiques qui touchent notre profession, ces derniers ne comprendront pas la nécessité de nos institutions professionnelles.
PC : Le constat c'est qu'il y a dans tous les cabinets, quels qu'ils soient, une appétence d'être reconnu comme avocats.
Les cabinets d'affaires n'ont pas l'impression d'être reconnus comme avocats et ça commence dès l'EFB.
L'EFB ne joue pas son rôle de creuset de l'identité de la profession d'avocat.
Et en même temps, les autres avocats qui sont dans les missions traditionnelles ont le sentiment que l'ordre ne travaille pas pour eux mais pour les grands cabinets d'affaires.
Il y a donc bien des confrères qui travaillent dans des secteurs différents et qui n'ont pas l'impression que l'ordre les réunit.
Vous avez évoqué votre projet de création de la Maison du barreau numérique, qu'est-ce que c'est ?
BC : La Maison du Barreau numérique a deux objectifs : restaurer les liens entre les avocats et l'Ordre et permettre aux avocats de resserrer les contacts entre eux.
Il faut rendre attractif un outil qui permettra des échanges entre 27.000 avocats. C'est un vrai défi ! L'accès sera sécurisé et gratuit.
En ce qui concerne le lien garanti entre les avocats et l’Ordre, outre les points déjà abordés, nous voulons que la Maison du Barreau Numérique assure à chaque avocat la possibilité d’initier un référé déontologique, que nous voulons rétablir, via la plateforme, pour résoudre tout problème concernant son cabinet. Nous instituerons aussi un médiateur de l’Ordre connecté, chargé de résoudre dans un délai de 48 heures tout dysfonctionnement constaté. La Maison du Barreau Numérique permettra également de mettre à la disposition des avocats des séances de formation en vidéo, qui pourront être validées.
Il y a encore quelques décennies, du temps du « tout judiciaire », les avocats se retrouvaient au cœur de la salle des pas perdus. Si nous sommes évidemment attachés à tout rapport physique entre confrères, nous devons inéluctablement constater que les relations entre avocats se sont modifiées. Pour Ré-unir le Barreau, la Maison du Barreau numérique, mettra en place des dispositifs de communication sécurisés entre avocats. Elle aura également pour objet de mettre en avant la communication des cabinets afin que chacun puisse s’inspirer de ce qui fonctionne au sein du Barreau. Nous croyons à la pédagogie par l’exemple. Outre une présentation précise des cabinets, les avocats retrouveront ainsi tout type d’annonces, de la cession de locaux, à la résolution d’un dossier, en passant par les annonces de nounous...
Le numérique n’étant pas figé, toute idée nouvelle pourra contribuer à la performance de cette interface numérique. Il appartiendra aux avocats du Barreau de donner à cette maison l’image qui leur est propre.
PC : La Maison du barreau numérique, c'est une nouvelle conception des relations entre l'Ordre et les avocats qui est en jeu.
Aujourd'hui, seuls 17 % des avocats ouvrent le bulletin du barreau de Paris.
Il y a là un vrai problème. Il est nécessaire donc de tout repenser.
Quelle doit être la place du barreau de Paris dans les institutions de la profession ?
BC : A l’heure où notre profession ne doit parler que d’une voix, et s’unir derrière le CNB, qui est l’institution ayant pour objet la représentation de notre profession à l’échelle nationale, le Barreau de Paris, s’il doit évidemment convaincre, et faire entendre ses opinions, a aussi pour rôle de montrer l’exemple de la réunion.
Philip et moi ne sommes pas candidats à l’échelle nationale. Nos ambitions sont les suivantes ; porter la voix des avocats parisiens pour qu’ils soient entendus au sein de notre organisme national.
PC : Réunir le barreau c'est réunifier la profession. On a besoin d'un barreau de Paris totalement engagé au sein du CNB de façon pérenne. On a besoin également d'unifier la voix de la profession.
Il faut une profession qui sait impliquer en avance les avocats dans les grands débats et les grandes questions qui s'offrent à nous.
Par ailleurs, nous avons besoin que le barreau de Paris travaille complètement au sein du CNB. Nous avons vécu la période où le CNB et le barreau de Paris travaillaient ensemble. Ce n'est pas impossible à condition qu'il y ait une volonté très claire de la profession et du barreau de Paris ! Le barreau de Paris a besoin de travailler, pas seulement avec Moscou, Bruxelles, Berlin... mais aussi avec Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille. Nous ferons des séances de travail communes entre les Conseils de l'Ordre. Nous serons légitimes à partir du moment où les Parisiens travailleront avec le CNB et nous montrerons notre capacité à travailler avec les autres barreaux de France.
Etes-vous favorables à l'interprofessionnalité ?
BC : L’avocat est un partenaire de citoyenneté, nous devons travailler pour le rendre indispensable aux yeux des justiciables. Aussi bien que le sont les experts comptables ou les notaires dans leur exercice, l’avocat doit garder sa spécificité qui est celle de l’exercice du droit.
Ceci ne veut pas du tout dire qu'il ne peut pas y avoir de travail en commun. Nous sommes amenés à travailler avec les autres professions et nous croyons Philip et moi qu’il faut qu'il y ait des contacts entre les professions du droit. Nous devons tout faire, d’une part pour préserver notre indépendance, car ce principe est fondamental, mais surtout pour que notre profession soit concurrentielle, que nous puissions gagner des marchés, et assurer au justiciable un service de qualité singulier.
PC : L’interprofessionnalité existe déjà, la question est de savoir pourquoi elle ne se développe pas. Je pense que ce qui freine l'interprofessionnalité ce sont les tentatives de confusion qui peuvent exister et les éléments de stratégie des différentes professions.
Chacun essaie d'étendre son domaine. Je crois que ceux qui souhaitent vraiment l'interprofessionnalité feraient mieux de s'interroger sur la meilleure manière de la développer.
La meilleure manière de la développer, c'est justement d'avoir des professions qui se mettent ensemble de manière complémentaire, avec chacune des identités fortes.
Qu'avez-vous de plus que les autres candidats ?
BC : Philip et moi, nous sommes totalement avocats. Nous n'avons aucune autre ambition que d'être au service de nos confrères.
Si nous avons déjà occupé des mandats pour notre profession par le passé, nous avons toujours gardé les deux pieds dans nos cabinets. Nous avons pour idée que les fonctions de Bâtonnier et de Vice Bâtonnier se transmettent, qu’elles permettent d’assurer pendant deux ans, la défense de nos confrères et que nous avons le devoir de réunir le barreau pour soutenir le développement des cabinets. Par nos parcours respectifs, par notre complémentarité évidente, nous sommes en cohérence avec notre projet de réunir le Barreau.
PC : Par nos parcours respectifs, par notre complémentarité évidente, nous sommes en cohérence avec notre projet de réunir le Barreau.
Depuis le début de notre campagne nous nous efforçons de ne jamais attaquer les autres candidats.
Quand on veut réunir le barreau, on ne commence pas par le diviser.
Nous pensons que c’est le débat d’idées pour la profession qui intéresse nos confrères. Il appartiendra au barreau de déterminer en fonction de ce que proposent les candidats quel est le binôme le plus crédible.
Propos recueillis par Arnaud Dumourier
A propos des candidats
Benoit CHABERT (51 ans), Candidat au Bâtonnat 2016
Benoît Chabert est un avocat spécialisé en droit pénal général, droit pénal des affaires et droit pénal de la presse.
Il est avocat au Barreau de Paris depuis 1988.
Il a été Premier Secrétaire de la Conférence du stage.
Il a exercé successivement les fonctions de Président de la section parisienne de la confédération nationale des avocats (1992 à 1995), puis secrétaire général (1994 à 1995) et vice-président (2006 à 2010).
Philip COHEN (56 ans), Candidat au vice-Bâtonnat 2016
Philip COHEN (57 ans), Candidat au vice-Bâtonnat 2016
Philip Cohen est avocat au Barreau de Paris depuis 1979.
Ses domaines d'activité sont le droit médical et la responsabilité médicale.
Il a exercé les fonctionsde Vice-président FNUJA (1985-87), Président UJA (1988-1989), membre du Conseil de l'Ordre des avocats de Paris (1990-1992), membre du CNB (1997-1999 et 2003-2005), Conseiller du Bâtonnier de Paris (2002-2003).
Site de campagne de Benoît Chabert et Philip Cohen, http://reunirlebarreau.paris/
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