Mathieu Davy, Président d'Avotech, le « do tank » des avocats créateurs de start-up et legaltech en France, a répondu aux questions du Monde du Droit.
Qu'est-ce qui a motivé la création de cette association ?
Nous voulons réunir tous les avocats qui à côté de leur cabinet, sur leur temps, leurs finances, ont créé une legal tech, et proposent, tant aux Confrères, qu’aux justiciables, de nouvelles solutions visant à faciliter l’accès au droit et l’exercice de la profession. Nos voix sont un peu éparpillées, et dorénavant nous sommes réunis. Nous voulons prendre la parole, sur ces compatibilités d’exercice professionnel, sur l’entrepreneuriat, et les moyens de nous développer. Nous avons besoin plus que jamais de pouvoir agir comme de véritables entrepreneurs, d’être porteurs de projets et faire preuve de créativité pour aborder la concurrence des autres legaltech qui ont le temps et les moyens de se développer, afin de demeurer des acteurs incontournables du marché du droit et de l’avocat en ligne. Nous pensons que nous devons réagir maintenant, pour éviter que nous ne soyons plus que 30.000 avocats en France dans 10 ans, alors qu’au contraire, nous pourrions être 120.000, comme en Espagne ou en Grande-Bretagne.
Quels sont vos objectifs ?
Proposer, entreprendre, défendre, agir : continuer à défendre ce droit qui nous a été octroyé et qu’on tente parfois de nous raboter ; l’article 111 du Décret Macron, permettant à tout avocat de créer, à côté de son cabinet, une activité commerciale accessoire et connexe, ce qui pour nous impose de droit, la constitution d’une legal tech, dont nous tenterons d’écrire la définition concrète, comme celle de ces fameuses activités connexes et accessoires. Nous voulons unifier les pratiques dans les différents barreaux, et si besoin défendre les confrères entrepreneurs, qui se verraient bloquer par leur Ordre, en violation de ces règles légales. Si ce mécanisme fonctionne a priori bien à Paris, tous les Avocats de France doivent pouvoir en bénéficier. Nous voulons réfléchir et discuter avec toutes les instances car nous poursuivons tous le même objectif. Nous aurons le plaisir de faire part de notre expertise en tant que praticiens sur ces questions aux incubateurs, qui ont lancé un chantier de réflexion et d’action depuis des années, et dont les membres, souvent confrères, agissent bénévolement au quotidien pour faire avancer le numérique dans notre profession. Nous voulons ensemble construire de vraies rampes de lancement, des accélérateurs de legal start-up, comme dans le privé. Nous voulons enfin créer des hubs d’actions entrepreneuriales, avec des projets innovants : nous sommes tous chez AvoTech, des avocats entrepreneurs, porteurs de projets existants, nous allons en développer de nouveaux, comme AxeLawrator, la première plateforme de crowdfunding de la profession.
Que pensez-vous des legaltechs qui ne sont pas créées par des avocats ou un professionnel du droit ? Les voyez-vous comme une menace ?
Nous sommes par principe, favorables aux legaltech, puisque nous en avons créés nous-mêmes et que nous avons compris qu’elles représentaient l’avenir de notre profession, dès lors qu’elles facilitent le travail de l’avocat et le service rendu au justiciable. Mais force est de constater qu’il existe des dérives, que des comportements s’installent, parfois au détriment de l’avocat, et in fine, du justiciable. Notre statut d’avocat nous impose des règles, des valeurs, une déontologie, qui sont autant de garanties offertes aux consommateurs. Ce pourquoi nous portons un message, celui de l’intérêt de solliciter une legaltech d’avocats, éthique, et responsable. Les autres peuvent l’être aussi, nous proposons d’en discuter avec elles, voire de débattre, si ce n’est d’alerter. Nous proposons de créer un label legal tech éthique, complétant le travail déjà réalisé par Open Law pour établir une Charte dont nous sommes signataires et à laquelle doit être soumise toute legaltech, mais il faut aller encore plus loin. Nos préoccupations sont de s’assurer qu’il y a réellement des avocats derrière les plateformes offrant des consultations juridiques de professionnels du droit, de veiller à ce que le niveau élevé d’exigence nécessaire pour toute consultation juridique soit respecté, de clarifier comment sont déterminés les prix des prestations et les honoraires de nos Confrères, d’assurer la transparence, le respect de la confidentialité, le traitement des données personnelles, et le respect de notre déontologie, laquelle ne doit pas être un frein mais une force et une garantie pour les justiciables.
Arnaud Dumourier (@adumourier)
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