Par décision en référé en date du 20 novembre 2014, le Tribunal de Grande Instance de Paris a considéré que la demande de communication d’un enregistrement de l’entretien de Monsieur Jouyet avec les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme ou même, la seule transcription de cet enregistrement, n’étaient pas compatibles avec les dispositions d’ordre public de la loi du 29 juillet 1881 sur la Presse.
Le 12 novembre 2014, Monsieur François Fillon avait assigné, en référé d’heure à heure, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes du Monde, aux fins d’obtenir, sur le fondement de l’article 145 du Code de Procédure Civile, copie de l’enregistrement d’un entretien qu’ils auraient eu, le 20 septembre 2014, avec Monsieur Jouyet, Secrétaire Général de la Présidence de la République.
Monsieur François Fillon indiquait qu’il entendait introduire une action en diffamation à l’encontre de Monsieur Jouyet ainsi qu’une action en responsabilité délictuelle à l’encontre des deux journalistes et, qu’à cet effet, il souhaitait, avant tout procès, s’aménager la preuve de l’existence et du contenu de l’entretien qu’auraient eu Monsieur Jouyet et Messieurs Davet et Lhomme.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris a toutefois débouté l’ancien Premier Ministre de ses demandes.
Pour statuer ainsi, le Tribunal a relevé que cette demande, fondée sur l’article 145 du Code de Procédure Civile, se heurtait aux dispositions d’ordre public de la loi sur la Presse "puisqu’il s’agit là d’un élément de nature à être qualifié d’offre de preuve susceptible d’être fournie par les deux journalistes dans le cadre d’une poursuite en diffamation, selon les formes et délais des articles 55 et 56 de la loi du 29 juillet 1881".
En d’autres termes, dès lors que les journalistes sont susceptibles, s’ils étaient assignés en diffamation, de faire la preuve de la vérité des faits rapportés, en application de l’article 55 de la loi sur la Presse, et dès lors que cette disposition légale est d’ordre public, la demande de Monsieur Fillon tendant à conserver ou établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, n’apparaissait pas « légalement admissible ».
Par ailleurs, le Tribunal de Grande Instance de Paris a rappelé qu’en aucun cas il n’était possible de fonder une action relative à des éventuels abus de liberté d’expression sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil, dès lors que la liberté d’expression est un « droit dont l’exercice ne peut être contesté sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil ».
Cette décision, outre son caractère médiatique, est donc intéressante en ce qu’elle semble interdire de se prévaloir de l’article 145 du Code Procédure Civile préalablement à une procédure de diffamation !
Stéphanie Dalet-Venot, Avocat, Cabinet Lebray et associés