Par un arrêt du 24 novembre 2015, la Cour d’appel de Versailles a débouté une société de son action en violation d’un accord de confidentialité, constant que la preuve d’actes de concurrence déloyale n’était pas apportée.
« Le trop de confiance attire le danger » : cette citation du Cid de Corneille est une maxime particulièrement appliquée dans le monde des affaires où les sociétés souhaitent sécuriser leurs discussions et prévenir l'éventuel échec des négociations futures en s'engageant aux termes d'un accord de confidentialité (utilisé souvent sous l'acronyme « NDA » pour « Non Disclosure Agreement »). Avec un impact parfois même aussi important d'un point de vue psychologique que juridique, les parties signataires se sentent rassurées à l'idée que les informations échangées en cours de négociations seront conservées sous le sceau du plus strict secret. Cette décision rendue par la Cour d'appel de Versailles démontre que tel n'est pas nécessairement le cas et invite, à ce titre, à se sensibiliser à la rédaction d'un tel engagement.
En l'espèce, une société éditrice d'un site internet avait engagé des pourparlers en vue d'un partenariat avec une autre société. Les parties s'étaient entendues sur la réalisation d'une étude de faisabilité que devait mener ce dernier et c'est dans ce contexte que ce partenaire potentiel s'était engagé au titre d'un accord de confidentialité dans des termes généraux. Pour la bonne compréhension de cette décision, nous en reprendrons les principaux termes, à savoir notamment : (i) « ne pas divulguer l'existence et l'objet [des] discussions », (ii) « garder confidentielles toutes informations ayant un caractère confidentiel, c'est-à-dire toutes informations, de quelque nature qu'elles soient, qui [lui] seraient communiquées, sous quelque forme que ce soit, et qui n'auraient pas été diffusées auprès du public. », (iii) « garder ces informations pour strictement confidentielles et à ne les divulguer à quiconque » et (iv) « ne pas utiliser directement ou indirectement lesdites informations, à des fins personnelles ou pour le compte d'une société autre que celle portant le projet (...) » et ce, pour une durée d'un an.
Après avoir mis un terme à leurs discussions, le signataire de l'accord de confidentialité avait lancé son propre site internet avant ce délai d'un an, ce que la société bénéficiaire dudit accord estimait contraire aux engagements pris et elle l'a, par conséquent, assigné en arguant d'actes de concurrence déloyale.
La demanderesse s'est vue néanmoins débouté de son action par la Cour d'appel qui, confirmant la décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, a estimé qu'aucune preuve n'était rapportée quant à la violation de cet accord de confidentialité.
En effet, la Cour a considéré, d'une part, qu'il n'avait pas été démontré que les fonctionnalités du site litigieux étaient originales ni que des spécifications logicielles ou relatives à sa base de données avaient été détournées, rappelant que « un simple modèle économique n'est pas protégeable par lui-même ».
En l'espèce, il est intéressant de relever que la Cour ne s'est pas embarrassée à analyser ou interpréter les termes de l'accord de confidentialité qui constituait pourtant la clé de voute de l'ensemble de l'argumentation de la demanderesse. Ainsi, si la décision ne critique pas expressément cet accord et son caractère général, elle semble s'interroger sur sa nécessité et son objet avec la question sous-jacente: l'information objet de l'accord nécessitait-elle d'être placée sous le sceau d'un tel secret ?
D'une part, la Cour a considéré (i) que les fonctionnalités n'étaient pas originales puisque disponibles sur d'autres sites et (ii) qu'aucune spécification logicielle ou relative à sa base de données n'auraient été « détournées ou même été communiquées », rappelant que « un simple modèle économique n'est pas protégeable par lui-même », en application logique de l'adage « les idées sont de libres parcours ».
Aux premiers abords, cette décision peut sembler stricte en ce qu'elle paraît imposer au demandeur la démonstration d'un caractère original, selon des méthodes qui rappellent celles du droit d'auteur pour confirmer l'utilité du caractère confidentiel. A ce titre, la seule question qui devrait être posée est simple : l'accord a-t-il ou non été respecté ? Ceci étant indiqué, cet arrêt a pour mérite de mettre l'accent sur l'objet même d'un tel accord qui doit porter véritablement sur des informations présentation une nature confidentielle et ce, pour éviter de verrouiller inutilement le débiteur d'une telle obligation.
De la même manière et d'autre part, la Cour a refusé de qualifier une quelconque responsabilité sur le fondement d'une violation d'une clause de non-concurrence, indiquant qu'aucune information d'ordre commercial n'avait été communiquée et qu'en tout état de cause, une telle clause n'était pas stipulée à l'accord. Une lecture stricte des termes de l'engagement permet d'aller dans ce sens et de rappeler qu'un accord de confidentialité ne saurait se substituer à un accord de non-concurrence, ces deux engagements n'ayant pas le même objet même s'ils visent un objectif économique commun.
Enfin et de manière plus générale, cette décision constitue un énième rappel de la tendance générale des juges du fond à exiger, notamment en matière commerciale, une démonstration effective de la preuve réelle de la faute et si tel est le cas, du préjudice subi.
Olivier HAYAT
HAYAT AVOCAT