La gestion du contentieux dans l'entreprise

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Dominique Baratange, Directeur contentieux Wolseley FranceDominique Baratange, Directeur contentieux Wolseley France, propose une réflexion sur la gestion du contentieux dans l'entreprise.

La judiciarisation croissante de la vie est bien évidemment de plus en plus ressentie dans l'entreprise qui doit faire face à de multiples contentieux d'ordre social, économique ou pénal.

Les entreprises ont du s'adapter à cette évolution en organisant la gestion de leurs contentieux devenue stratégique pour leur image et leur crédibilité et leur résultat d'exploitation.

L'entreprise s'est donc entourée d'un chef d'orchestre, le plus souvent un juriste, ayant pour mission d'organiser cette gestion du contentieux.

Sa mission va alors être de défendre les intérêts de l'entreprise tout en essayant de résoudre la problématique suivante : « comment optimiser et crédibiliser son service contentieux ? »

Pour cela, il va devoir être innovant et convaincant dans les choix stratégiques qu'il peut proposer et qu'il souhaite mettre en œuvre.

A une époque où l'on parle de plus en plus de « risk management », il doit donc écouter et prendre en compte tous les enjeux, les coûts pour l'entreprise et les conséquences de ses actions.

Sa deuxième priorité va d'être d'optimiser la gestion des contentieux et en premier lieu la gestion du « temps judicaire ». Ce temps, hélas ne fait que s'allonger devant des tribunaux de plus en plus saturés alors même que le temps des affaires va de plus en plus vite.

Quel Curieux contraste entre ce temps judicaire qui s'allonge et ce temps des affaires qui se comprime, contraste que le juriste contentieux va devoir s'attacher à estomper.

Conscient que le temps est de l'argent, que bien souvent, au-delà des règles de prescriptions extinctives, ce temps conduit, parfois très vite à l'oubli, le juriste contentieux aura nécessairement comme base de fonctionnement la réactivité.

Tout récemment, j'ai eu la « surprise » de constater, à l'occasion d'une conférence, que l'on parlait de « nouveaux outils » pour la gestion du contentieux. Le cabinet d'avocat reconnu et expert qui animait cette réunion ne « faisait », certes avec talent, que faire redécouvrir cette nécessaire et indispensable réactivité, en préconisant le déploiement de « nouveaux outils »...que sont les mesures conservatoires, dont l'impact psychologique est indéniable.

Peut être que certains d'entres nous l'avaient oublié, mais oui, le contentieux est aussi affaire de stratégie et de rapport de force et c'est en inversant ce rapport de force en sa faveur que les chances de succès grandissent.

Ceci bien sûr est prégnant en droit des affaires et aussi dans le contentieux des impayés où les entreprises doivent faire face au risque de défaillance de leurs clients professionnels. L'objectif est alors de réagir vite et efficacement avant la survenance de l'insolvabilité de leurs clients dont la cause conduit, pour 25% des entreprises, à leur propre défaillance.

Stratégie, réactivité, rapport de force ; la gestion du contentieux passe aussi par la mise en place d'outils.

Tout d'abord des outils d'aide à cette gestion du temps et de la volumétrie plus ou moins importante des contentieux.

Ces premiers tableaux de bord s'accompagnent naturellement d'outils de synthèse afin de mieux maitriser les coûts. Quel est l'intérêt d'une victoire à la Pyrrhus ?

Bien sûr, quelques contentieux sont des affaires de principes nécessaires à la sauvegarde de l'image de l'entreprise mais bien souvent le contentieux n'échappe pas aux contraintes économiques dont il faut tenir compte.

Enfin que serait un service contentieux sans outils de performance ?

Je suis encore surpris de voir que des sociétés développant un C.A de plus de 500 M€ et sujette à une importante volumétrie de contentieux n'ont pas mis en place de données permettant de connaitre le niveau de performance de leur contentieux.

J'ai eu à connaitre, il y a quelques temps, cette situation à l'occasion de la prise en charge par mon service de l'activité contentieuse d'une société de plus de 850 millions d'euros de chiffre d'affaires où la « mesure » du contentieux se matérialisait par une simple écriture comptable du montant de la provision. Le taux de performance était en soi inconnu.

Un an plus tard, après avoir appliqué toutes les règles de gestion ci dessus exposées, le Commissaire aux comptes me contactait en ne « s'expliquant » pas la baisse de la provision de plus d'un million d'euros....

Tout ceci pour démontrer que la mise en place d'outils de mesure de la performance est nécessaire à l'évaluation et à la pertinence des options stratégiques choisies ainsi qu'à la maitrise des coûts engagés.

C'est aussi un outil fort convaincant de communication auprès des autres fonctions de l'entreprises car l'activité contentieuse, prise parfois comme un mal nécessaire peut, à l'aune de ces outils, être beaucoup mieux perçue et devenir une arme très redoutable source de valeur ajoutée pour l'entreprise.

L'activité contentieuse est aussi la fonction qui s'intègre certainement de façon le plus criante dans cette notion d'inter-professionnalisation des métiers du droit.

Le juriste contentieux se doit en effet d'organiser son réseau, ses ressources externes qui passent, entre autre, par le choix de ses prestataires de recouvrement pour certaines créances impayées, de « ses » avocats, de « ses » huissiers de justice.

Le juriste, chef d'orchestre, va donc devoir animer un réseau d'avocats, véritables partenaires sollicités notamment pour la prise des décisions de justice.

Le juriste contentieux est aussi en lien direct avec les huissiers de justice soit pour mettre en place des mesures conservatoires soit pour exécuter les décisions de justice.

Incontournable pivot, le juriste contentieux aura également à cœur de solliciter les fonctions commerciales et financières afin d'exploiter le plus efficacement possible les informations recueillies et ainsi limiter ce temps judicaire « stérile », pour le transformer en une phase d'actions percutantes.

Le juriste contentieux doit donc s'éviter tout isolement. La performance de la gestion contentieuse va en effet dépendre de son ouverture vers les autres fonctions cruciales de l'entreprise afin de mieux en comprendre les enjeux.

La fonction contentieuse dans l'entreprise et les juristes qui animent cette fonction acquièrent ainsi, naturellement une légitimité à prévenir et à alerter pour éviter les écueils du passé.

Tout l'art est donc de transformer l'image préconçue de la gestion contentieuse comme un mode « administratif » de résolution des différents en en une vision stratégique, en une arme préventive, dissuasive efficace source de réussite et de force pour l'entreprise.


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