La croissance des cabinets d’avocats peut être fulgurante, passer en deux ou trois ans d’une structure de très petite taille à une PME de plusieurs millions de chiffre d’affaires.
Leurs dirigeants, les associés, doivent rapidement se transformer en véritables chefs d’entreprise et gérer leur cabinet en étant surtous les fronts. Dès lors, les notions de gouvernance commencent à émerger. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
"Gouvernance ", un mot à la mode…
La signification du mot peut-être politique, militaire, juridique ou encore gestionnaire ; c’est un mot que l’on utilise très fréquemment.
De manière générale, la gouvernance désigne la façon dont le pouvoir est organisé et exercé au sein d'une organisation.
La problématique de gouvernance est moindre au sein d’un cabinet d’avocats par rapport à certaines entreprises car il n’y a pas de conflit d’intérêt entre les actionnaires et les dirigeants. Dichotomie fondamentale car elle peut générer une guerre des pouvoirs lorsque certains prônent le résultat financier alors que d’autres
veulent privilégier la richesse patrimoniale de l’entreprise.
L’exercice du pouvoir :
Le pouvoir, c’est avant tout la liberté de décider : décider des orientations stratégiques de l’entreprise, décider du bon moment pour investir, décider de la marche à suivre pour les prochaines années, décider des objectifs prioritaires.
Le pouvoir c’est aussi l’obligation de contrôler, car il convient de s’assurer que les décisions que l’on prend sont appliquées et mises en œuvre au sein de l’organisation.
Le pouvoir, c’est également la nécessité de gérer l’entreprise, dans tous les sens du terme : les problèmes et dysfonctionnements doivent être considérés, tranchés, résolus ; mieux, ils doivent être anticipés et stoppés avant leur amplification.
Des risques différents selon la taille du cabinet :
La gouvernance se situe donc aussi bien au niveau stratégique qu’au niveau opérationnel. Elle doit absolument établir un lien entre les deux. Elle doit veiller à maintenir le cap.
Bien entendu, selon la taille du cabinet (donc du nombre d’associés), l’organisation interne, le poids des "terrains de jeu" du pouvoir sont très différents. Mais le dirigeant, dans tous les cas, doit être attentif à la stratégie autant qu’à l’opérationnel, même s’il délègue certains de ses pouvoirs.
Au départ :
Dans le cas d’un cabinet unipersonnel, l’organisation du pouvoir est très simple.
Vous êtes seul, c’est donc vous qui décidez, c’est vous qui appliquez, c’est vous qui gérez. Ceci étant un risque demeure à tous les niveaux : celui de s’isoler. Il faudra donc veiller à s’entourer pour partager ses réflexions sur l’avenir autant que ses problèmes quotidiens. Experts conseils ou membres d’un réseau, il faudra partager.
Si vous êtes associés fondateurs, vous vous connaissez, et votre stratégie est claire et partagée. Vous vous répartissez le pouvoir de manière naturelle, l’un est gérant sans doute, et se fait aider par un expert comptable qui sort mensuellement un tableau d’encaissements. L’assistante " historique" de l’un d’entre vous aide à gérer le quotidien au bureau, elle est fiable et dévouée. Le risque ici est de ne pas préparer votre organisation à la croissance, et lorsque votre business s’envolera, vous pourriez perdre le contrôle et subir quelques désagréments. Il est donc indispensable de mettre en place les "process" internes de croissance.
La structure grandit de plus en plus :
Une structure qui commence à grandir est plus difficile à gouverner. Le nombre d’associés augmente chaque année, l’équipe des collaborateurs s’étoffe. Il y a des stagiaires, des secrétaires, des facturières, un comptable, une documentaliste etc., il faut gérer l’intendance, les bureaux, l’informatique, le personnel... Sans oublier ses clients et ses dossiers …
Diriger une telle structure demande outre la compétence, de l’énergie, du temps mais aussi du recul et de l’anticipation.
En termes de stratégie, le grand nombre d’associés ne permet plus un consensus comme cela était le cas au départ. Les objectifs stratégiques sont plus difficiles à déterminer, chacun a son mot à dire, pas toujours le même. Les plus petites questions deviennent des sujets laborieux. Vous perdez du temps et de l’énergie.
En d’autre terme il est temps de revoir le système de gouvernance.
Un système de prise de décision doit être formalisé. Il y a différentes solutions, il faut personnaliser le système en fonction des compétences et des disponibilités de chacun. Le système décisionnel doit être fluide et clair.
Par exemple, certains choisissent de déléguer toute la gestion à un unique associé, qui peut être le plus compétent, ou le plus ouvert aux problématiques de gestion.
L’associé-gérant unique prendra les décisions qu’il estime justes et consultera ses associés pour des questions plus délicates nécessitant l’avis de tous.
Dans un autre cas, plusieurs associés se répartiront les responsabilités pour les matières à traiter : le financier, le personnel, les achats / les contrats fournisseurs, l’image / la communication … et se réuniront régulièrement pour présenter l’état des lieux dans leur domaine.
Une fois les décisions prises, il faut les décliner en projets, en actions concrètes, en objectifs opérationnels impliquant une deadline et un responsable. Vous pouvez déléguer cela mais ne perdez jamais de vue le contrôle de l’avancement de ces actions.
Enfin, au niveau de la gestion, vous devez passer à la vitesse supérieure.
Vous ne pouvez plus vous contenter d’un tableau d’encaissements, vous devez développer des outils prospectifs et des indicateurs spécifiques à votre business pour vous permettre de naviguer au plus juste.
Il vous faut commencer à construire un budget (encaissements vs décaissements, par catégorie, voire par associé) essayer d’estimer les dépenses futures (personnel, bureaux, charges…). Il vous faut analyser votre business afin de comprendre comment vous générez vos meilleures marges (analyser la marge de vos 10 plus
gros dossiers par exemple).
Gardez toujours à l’esprit que plus la structure grandit, plus elle devient complexe, et technique. L’organisation interne doit être capable de suivre la croissance de l’activité, sans quoi l’image de votre cabinet pourrait se dégrader auprès de vos clients. Entourez-vous donc de spécialistes qui vous guideront dans l’organisation
et la professionnalisation de votre entreprise. Le temps que vous passez à gérer est du temps que vous ne facturez pas.
En conclusion, gouverner tel un capitaine, c’est définir le cap, faire en sorte que le bateau soit en ordre de bonne marche et que l’équipage soit efficace. En cela réside aussi simplement la tâche du ou des dirigeants…
Marina Consoli