Billet d'humeur de Jules Berne qui nous explique que la la loi est devenue un instrument de communication politique.
Autant de qualités que réunissait incontestablement la loi sur le mariage pour tous. Promise par le candidat François Hollande avant son élection, cette réforme n’est pas à ranger au rayon des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient. Pourquoi ? Parce que cette réforme a fait les délices des médias et donc des politiciens, si prompts à s’exposer et à briller à peu de frais ; le mariage pour tous était en effet un sujet avec lequel on pouvait faire l’ouverture du journal télévisé et l’occasion pour les politiciens d’affirmer fermement leur identité sociale et leurs convictions morales à destination des électeurs.
Sans être politologue, on peut quand même penser que c’est parce qu’à l’inverse elle n’intéresse pas les électeurs français, sauf ceux qui pratiquent le droit, l’enseignent ou l’étudient, que la réforme du droit des obligations est devenue l’arlésienne du droit français. En 2013, il existe toujours plus de projets, mais toujours moins de réformes …
La raison pour laquelle ni le gouvernement, ni les parlementaires ne s’activent sur le front de cette réforme est d’une simplicité biblique. Son vote, en effet, ne trouverait preneur, ni dans la presse écrite, ni dans les radios, ni dans les télévisions.
Certes, le vénérable Recueil Dalloz croulerait sous les commentaires, les articles et les chroniques, mais pas un média grand public ne consacrerait plus que quelques lignes ou quelques bribes à une telle réforme.
Pire, il serait impossible pour la classe politique de communiquer sur cette réforme, soit en l’approuvant, soit en la réprouvant. Imagine-t-on un débat à la télévision portant sur le maintien ou la disparition de la cause dans le droit nouveau des obligations, ou sur la consécration de la théorie de l’inexistence ? Non, évidemment ! Tant et si bien qu’on peut légitimement se demander si l’échec de cette réforme depuis près de 10 ans ne procède pas de l’incapacité des juristes à expliquer aux hommes politiques son importance pour la vie de leurs électeurs, voire à leur trouver des éléments sur lesquels ils pourraient communiquer avec quelques profits électoraux sonnants et trébuchants.
A la vérité, en restant dans ce registre, il ne faut peut être pas désespérer, tout du moins en ce qui concerne le droit de la responsabilité civile, droit de chair et de sang au charme duquel nos contemporains sont plus sensibles qu’à ceux déployés par la délégation certaine ou la condition résolutoire...
Ainsi, il est possible qu’avec le préjudice écologique, s’il était admis dans la réforme qu’il puisse être réparé, nos femmes et hommes politiques pourraient s’écharper et sensibiliser l’électorat. Bankable électoralement alors, la réforme du droit de la responsabilité civile aurait des chances de prospérer. Reste à trouver pour celle du droit des contrats, une notion ou une règle qui pourrait stimuler nos élites politiques…
Jules BERNE
Cet article est extrait du n° 1 de la newsletter Le Monde du Droit Selon Capitant (TELECHARGER LE NUMERO AU FORMAT PDF)