Laetitia Llaurens, avocate associée de Lex Patrimonis réagit à la jurisprudence de 2013 en matière d'assurance-vie.
Le client en assurance vie, est un consommateur adulte. Son choix doit être éclairé par un professionnel au fait de sa situation personnelle et patrimoniale, de ses objectifs et de son profil d’investisseur. Les juges d’appel ont en 2013 régulièrement validé cette solution.
Les décisions publiées évaluent la responsabilité civile du conseiller au titre de son devoir de conseil. Les actions en justice naissent d’une perte de valeur des contrats d’assurance.
Le profil d’investisseur du client est le premier critère de décision utilisé par les juges. Ils imposent au professionnel la charge de procéder à un minimum de recherches, voire à une étude du degré de maitrise des produits financiers par le client. Il doit analyser ses actifs antérieurs, ses connaissances théoriques et son expérience pratique en gestion financière.
La qualification d’investisseur profane ou averti détermine les diligences imposées au professionnel pour remplir son devoir de conseil.
La Détermination du profil de l’investisseur
Les juges se réfèrentà la qualification retenue par une étude patrimonialeà défaut le client est réputé profane en l’absence d’éléments de faits contraires. Les décisions étudiées fourmillent d’exemples.
Le 9 avril 2013 (RG n°11/03849), la Cour d’Appel de Pau a admis qu’un couple dont ni la formation, ni la profession, ne laissent supposer une connaissance particulière en matière financière, doit être considéré comme un investisseur profane. Elle a statué dans le même sens le 26 avril 2013 (RG n° 12/00002), au sujet d’un artisan retraité sans compétence financière particulière.
La Cour d’Appel d’Aix en Provence, dans un arrêt du 4 juillet 2013 (RG n°12 /20308), quant à elle, a estimé que n’est pas investisseur averti une personne au motif unique qu’elle est propriétaire (ou l’a été) de valeurs mobilières. Un conseiller a pu l’assister.
Le 29 janvier (RG n°08 /04456), les juges, à Paris, ont qualifié un client, d’investisseur averti en raison de l’importance de son patrimoine financier, de son implication dans la gestion des contrats, de la surveillance permanente menée sur de l’évolution de leur performance et les arbitrages effectués corrélativement.
La rédaction d’une fiche d’entretien patrimonial n’est pas une obligation pour un professionnel mais d’abord un moyen de preuve simplifié ainsi que le démontre la décision de la Cour de Toulouse du 30 /01 /2013 (RG n°11/01763). Les juges se bornent à relever en l’espèce que la fiche d’entretien patrimonial établit que le souscripteur du contrat avait une bonne connaissance des marchés financiers et des différents types d’instruments financiers.
Le professionnel se doit ensuite de cerner la situation du preneur d’assurance et ses objectifs.
La recherche de la situation personnelle du client et de ses objectifs pour exonérer sa responsabilité
Le professionnel doit pouvoir motiver chacun de ses conseils et justifier de leur adéquation aux besoins et objectifs du client à défaut sa responsabilité civile peut-être mise en cause.
La Cour de Pau dans sa décision du 9 avril, reproche très clairement à l’intermédiaire, de ne pas justifier au minimum d’une étude voire d’une recherche préalable sur la situation personnelle et professionnelle des clients
(âge, revenus, objectifs…). Cette analyse critique d’un produit est l’essence même du mandat d’intermédiaire d’assurance.
Les juges parisiens, dans leur décision du 29 janvier déjà citée, estiment que le professionnel qui,en phase d’évolution négative des marchés ne propose pas à un client dont l’objectif est d’optimiser le rendement de son investissement une réorientation de l’épargne investie vers des unités de compte avec garantie de rendement, n’a pas manqué à son devoir de conseil.Une logique analogue de raisonnement est retenue dans une décision du 23 mai 2013 (RG n°11/14786) de la 3ème chambre de la Cour d’appel d’Aix en Provence.
La connaissance du client est une donnée dynamique. Les informations doivent être mises à jour et les choix antérieurs adaptés si nécessaire.
La Cour d’appel d’Aix en Provence dans sa décision du 4 juillet dernier, en délivre le meilleur exemple. Une cliente, souscriptrice d’un contrat en unités de compte, souhaite racheter partiellement son contrat en vue d’un achat immobilier. Son courtier l’en dissuade et l’oriente vers une avance à un taux de 5,90%. La cliente lui reproche en justice. Selon le professionnel, sa suggestion avait pour but d’éviter une perte sèche à un moment où les marchés financiers étaient particulièrement bas, et de permettre à la cliente de bénéficier de leur reprise.La Cour d’Appel rejette sèchement l’argument trop abstrait et considère que le conseil de s’orienter vers une avance sur contrat d’assurance aurait dû être justifié par des d’éléments tirés d’un nouvel examen de la situation de la cliente.
La Matérialisation du Conseil
Pour tous les juges, le Conseil en assurance vie consiste dans la restitution au client d’une analyse critique de l’adéquation du ou des produits proposés à ses attentes et à ses besoins. Elle devra être d’autant plus pédagogique que le client est un investisseur profane et présenter clairement les avantages et inconvénients de la solution proposée au regard des spécificités du profil du client.
Les juges se rapprochent ainsi des grands principes émis par l’ACP le 8 janvier 2013 mais en divergent quant au comportement attendu du consommateur. Ils consacrent un principe de responsabilité du consommateur dont le consentement a été éclaire, dans le choix d’investissement. L’ACP, elle, exprime le souhait de voir mettre en place des procédures si détaillées qu’elles aboutissent en pratique à créer un régime de non responsabilité de l’investisseur et à nier certaines dimensions de la dynamique patrimoniale.