Les Débats du Cercle, organisés par le Cercle Montesquieu et le Monde du Droit, ont eu lieu jeudi 13 avril 2023 à Paris. Lors de ce grand rendez-vous dédié aux directions juridiques des entreprises, une conférence plénière était consacrée à la régulation de l’innovation.
Les crises se succèdent dans l’écosystème blockchain. La récente faillite de la plateforme FTX atteste notamment d’un besoin de confiance renouvelé dans l’univers des crypto-actifs et plus généralement dans l’innovation. La régulation est-elle la réponse appropriée de ce point de vue ? Et comment poser un cadre sans étouffer la création de valeur ? Une conférence plénière des Débats du Cercle s’est penchée sur le sujet jeudi 13 avril dernier.
« Code is law »
Entre innovation et régulation, c’est un peu : je t’aime moi non plus ! Le besoin de normes est là mais conjointement la créativité peut se nourrir d’une certaine idéologie libertaire.
Gilles Babinet, Co-Président du Conseil national du numérique, l’a rappelé lors des échanges. Concernant la blockchain, celui-ci explique : « L’arrivée de cette technologie est une rupture très forte car c’est l’aboutissement de la volonté d’un certain nombre d’acteurs d’avoir une technologie d’émancipation des institutions et des régulateurs. » Historiquement et idéologiquement, la blockchain s’est ainsi construite – du moins à travers certains de ses protagonistes – contre la régulation et plus encore comme une proposition de remplacement de celle-ci. C’est le sens du slogan « Code is law » comme le rappelle Gilles Babinet qui estime pour sa part ce discours très largement exagéré.
D’une certaine manière, la blockchain peut être effectivement source de droit. C’est par exemple le cas des NFT dont Anthony Gonnet Vandepoorte, Major, IVNT Group, Innovations & Technologies, a rappelé le principe et les enjeux lors des Débats du Cercle. Ces NFT ou jetons non fongibles permettent en effet d’établir la propriété numérique de biens uniques comme des objets de collection ou encore des œuvres d’art.
« Dilemme entre innovation et régulation »
Si la blockchain peut être en un sens source de droit, en témoigne les NFT ou autres smart contracts, celle-ci et l’innovation d’une manière générale ne sauraient faire l’économie d’un certain cadre légal, ne serait-ce que pour assurer leur assise dans la société.
Il existe alors un « dilemme entre innovation et régulation » estime Stéphanie Cabossioras, Deputy CEO de Binance France et ancienne Directrice adjointe de l’AMF. La régulation amène la confiance mais risque aussi, à trop contraindre, de venir asphyxier la créativité voire tout simplement d’entraîner une fuite des cerveaux hors des frontières.
Pour répondre à ce cahier des charges tout en nuances, la France par exemple a fait le choix d’une « réglementation progressive » rappelle l’ancienne Directrice adjointe de l’AMF, avec plusieurs niveaux de contrainte en fonction des services proposés par les opérateurs et une notion d’agrément optionnel ouvrant droit à un label. « Cette approche a permis de mettre l'écosystème dans une dynamique de régulation et en même temps de préserver les intérêts de la France dans un contexte international » se réjouit Stéphanie Cabossioras.
Philippe Lucet, Directeur juridique de Sita, plaide également en faveur d’une « réglementation souple » à l’image du modèle suisse qui propose là encore un système à trois échelons. Selon lui, dans la sphère de l’innovation, le droit ne doit intervenir que pour répondre à des « enjeux majeurs de société » comme par exemple l’éducation et la démocratie concernant les réseaux sociaux ou bien encore les questions éthiques inhérentes à l’intelligence artificielle.
Hugues Robert (@HuguesRob)